Peut-on vraiment changer l'eau en glace ?

Les vagues s’agitent lentement sous l’effet du vent, le chant des oiseaux se fait de plus en plus rare. Libre, ils préfèrent partir vers de nouveaux horizons, loin de cette mer aux eaux grisâtres. Dans le paysage, seul le couché de soleil m’est familier. Eclatant, laissant parvenir jusqu’au sable un peu de chaleur. Les dégradés jouent dans le ciel, à qui prendra la plus grande surface, de toute façon, le bleu nuit prendra bien assez tôt possession de tout. Pour ma part, j’observe depuis la berge cet horizon nouveau. Accoudée contre une barrière, l’envie d’aller titiller les vagues de plus près me prend au ventre. Après plusieurs minutes d’hésitation, je me déchausse, descendant les escaliers de pierres. Mes pieds nus entrent enfin en contact avec le sable. J’avance lentement, profitant de ma liberté éphémère. Chaque coup de vent, l’éclat de la lumière sur la surface de l’eau, tout me rappelle un peu mes terres. Dire que j’ai quitté ce pays pour me retrouver ici. Je me décide à m’installer sur le sol. Ma main vient jouer avec les grains de sables qui m’entourent, trouvant par moment un coquillage brisé.

J’attends …

Un peu plutôt dans la journée.

La matinée avait commencé comme toutes les autres depuis un peu plus de deux semaines. Mon service ne débutait qu’à huit heures, et comme d’habitude, j’étais déjà prête avant l’heure. Le travail consistait à accueillir les prisonniers, surveiller les couloirs. Le boulot de Gardien en somme. Mais qui dit gardien, demande aussi de l’autorité, un statut de « bourreau » servant à faire peur aux détenus. Bref, j’allais tranquillement commencer ma journée, quand je fus convoquée au bureau de la directrice. Stresse et angoisse.

Arrivée devant la porte mon cœur battait à tout rompre, comme si je savais déjà ce qu’on allait me « reprocher ». Effectivement. Je suis entrée, j’en suis rapidement sortie et non pas avec le sourire aux lèvres. Le centre du problème résiderait dans ma façon d’être. Il y a peu de temps, on m’avait chargé de remettre une prisonnière à sa place dans les sous-sols. Rien n’a été fait, pour cause, la jeune femme en question était innocente. Et de par ma nature, il était hors de question que j’entame quoique ce soit sur sa personne. La seule solution que la directrice a proposée à ma personne, c’est une « requalification ». Aidé par un autre gardien ayant un peu plus d’expérience mais surtout, plus de caractère. Un gardien sans autorité n’existe pas. Ou alors, il n’en n’est pas un.
Dans l’heure même, on me libera pour la journée, et bien entendu, j’ai préféré venir me retrouver la ou je suis à présent, à savoir la plage. Pourquoi là ? Aucune idée, peut-être parce que c’est dans ce même endroit, mais dans un autre lieu que sur un coup de tête j’ai décidé de tout laisser pour devenir ce que je suis actuellement.

Je ne sais absolument rien de la personne en question. J’ai toutefois pris soin de laisser un mot sur la porte de ma chambre si on me cherchait : « Partie à la plage … ». L’inconnu finira bien par me retrouver, si ce n’est point le contraire. Dans tout les cas, je le redoute. Avec mes trois ans d’expérience dans la police, jamais personne n’a su me rendre plus tenace à l’égare des prisonniers. Ce fardeau est vu comme un boulet accroché aux pattes d’un chat, l’empêchant de courir après les souris. Pourtant, même en étant posé sans jamais élever la voix, je n’ai jamais eu de gros problèmes avec les détenus.

Σε όλο πράγμα, είναι το τέλος που είναι ουσιαστικός.

Je soupire, si c’est vraiment la fin qui est essentiel dans n’importe quelle situation. Je blâme déjà la fin de celle-ci. Sans vraiment faire attention à ce qu’il m’entour, je laisse mes pensées s’envolées jusque à l’horizon.

Et j'attends toujours ...

Qu’on me demande des trucs à la con, ça arrive plus que souvent, j’sais pas j’dois avoir une tête à ça. En l’occurrence, la tête, je l’ai ailleurs, et j’aurais préféré qu’on m’assigne pas le tutorat d’une gardienne, et qu’on me laisse tranquillement surveiller mes prisonniers. Au moins, eux, y’a qu’à lancer un « ta gueule » pour que ça se calme relativement. Mais bref, je vais pas contester les ordres et me faire remarquer, donc je moufte pas quand la direction m’informe gracieusement que je suis chargé d’apprendre à être un gardien à une nana qui manifestement n’y arrive pas toute seule … Hahaha la bonne blague.
Mais bref, j’ai été la chercher dans sa piaule, l’y était pas et y’avait marqué qu’elle était à la plage. Ben merde, une branleuse partie nager alors que je suis censé m’en occuper, c’bien un coup de bol ça … Bref on va toujours pas relever, et voici votre serviteur ( là je parle de moi ) parti pour la plage, sifflotant pseudo-joyeusement.
Bon « partie nager » c’est pas forcément l’idée, parce qu’il caille vachement dans ce foutu pays ( j’ai toujours détesté l’Allemagne ). Quand j’arrive sur la plage, effectivement je la retrouve pas dans l’eau, mais sur le bord, à regarder les vagues qui s’écrasent sur le sol avec un air de beagle à qui on aurait piqué sa maman. ( Un beagle ça a l’air toujours triste. )
Misère. Je m’approche donc, pas silencieux et étouffés dans le sable.

Déjà parce que le sable, ça aide pas pour faire du bruit, ça amortit bien, et ensuite parce que je fais pas exprès de ne pas faire de bruit, c’est comme une seconde nature chez moi ( enlevez le « comme » ça marche aussi. ) Pour essayer de pas lui faire peur ou au moins de pas la surprendre c’est râpé ( constate-je quelques secondes plus tard ) et donc pour compenser l’aspect flippant du type qui s’amène silencieusement, je branche mon sourire en carton mais à mille watts, celui que je loupe de plus en plus, ouaip parfaitement.

« Salut ! Moi c’est Silence, j’suis censé t’aider paraît que t’es un peu … verte. »

Une façon comme une autre de dire qu’elle se démerde comme une clanche ( comprendre très mal ) et que mon boulot, c’est de l’endurcir à mort afin qu’elle devienne un fauve bourré d’agressivité ras la gueule. C’est pas pour dire, mais c’est plus facile à travailler sur les gamins. Enfin ça peut toujours se tenter. Je recule prudemment en voyant une vague plus aventureuse que les autres s’approcher de mes pieds ( et de mes baskets qui coûte un rein ) et je fais un autre sourire à la fille à mes côtés …
Qui ne m’inspire pas tellement confiance.

« Alors, dis moi ton prénom, ton nom, tout ça … Avant qu’on commence. »

J’ai aucune idée quant à savoir ce que je vais bien pouvoir lui faire faire pour qu’elle soit plus adaptée au métier. Mais alors genre, aucune.

HJ : Je suis vraiment navré pour la longueur. :/ /HJ

[hs: è_é nan nan nan! Je ne te pardonne pas pour la longue de ton rp! Franchement t'aurais pu faire un effort ...
Meuh nan! Je plaisante ! Il est très bien ton rp, même court, cela ne me gêne absolument pas =) Tant que la qualité y est]

Je ne suis point une éternelle rêveuse. Je ne rêve pas d’un monde peuplé d’humain sans défauts, je ne rêve pas non plus de vivre dans un palace sous les Etoiles. Je ne rêve pas d’une vie meilleur. Par contre, j’ai promis de ne jamais devenir ingrat, sans cœur, sans raison de vouloir. Je refuse de ne pas être moi. Mais j’ai aussi promis sans promettre de « changer ». En venant ici, j’ai signé un pacte avec moi-même, mais aussi avec mon passé. Les questions se bousculent dans ma tête, heurtent de plein fouet la cause de mon mal être ancien. « Pourquoi suis-je ici ? » … « Pourquoi ne suis-je donc point rester tranquillement chez moi ? » … « Pourquoi, pourquoi … ». Même les vagues ne répondent pas à mes interrogations, quant au soleil, il reste passif et calme.

Les genoux repliés contre ma poitrine, frôlant de ma main le sable fin, j’attends sans attendre. Redoutant peut-être la venue d’une certaine personne. Je n’en serai sûre qu’après avoir au moins entendu sa voix et vu les traits de sa personne. Et puis, est-ce vraiment normal d’avoir peur d’une chose que l’on n’a encore jamais vue ? Possible que non, bien que le sujet en question me concerne et que d’un certain sens, je n’aime pas trop être mise à rude épreuve. Est-ce que j’ai seulement le droit de me remettre en question à ce niveau là ? Les expériences qui ont fait que je suis « ça » maintenant ne me font voir qu’un but bien précis.

« Salut ! Moi c’est Silence, j’suis censé t’aider paraît que t’es un peu … verte. »

Surprise par cette voix venant du fond du néant, je me surprends à sursauter. Levant les yeux vers cet inconnu. Silence, jeune homme dont les yeux d’un gris pâle me font frissonner. Je ne comprends pas directement ce qu’il vient de me dire, préférant laisser ça de côté. Un mot ne vaut pas le silence, n’est-ce pas ? Sans prévenir, Poséidon secoue furieusement ses vagues qui viennent jusqu’à nous. J’ai le réflexe de me reculer un peu pour éviter l’eau qui n’avait plus vraiment l’air chaleureuse et calme depuis que cet homme est arrivé. La suite ne se fait pas vraiment insister. Demandant quelques informations de bases sur ma personne, je le regarde un peu perdue. Oui dans le fond, je me méfie. Mais je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que sa personne doit être crainte …

« Je suis Damara Galanis … »

Je m’efforce de sourire tout en détournant mes yeux des siens. Intimidant. Ses derniers mots résonnent dans ma tête « avant qu’on commence ». Vous voulez faire de moi, un gentil chien grognant avec un air supérieur sur toutes les petites bêtes ? J’en ai peur. Je n’ai pas envie de sauter au cou des gens. Je ne pensais pas vraiment à ce que je faisais au début, ni même de réellement vouloir être ce que je suis. Etre gardienne … Pourquoi dans le fond ? Mes aventures mélancoliques m’y obligent. Peut-être, est-ce une forme de délivrance. Qu’importe, oublie donc un instant cela Damara.

Οι δυστυχίες της ζωής διδάσκουν την τέχνη της ησυχίας.

Le silence est séduisant par son côté incompréhensible. Il est si pure et intouchable par le touché. Le calme n’est pas vraiment comparable à celui-ci. Lui, ne prononce aucun mot, c’est un vide que beaucoup de gens aiment. Froid, peut-être. Tiède, si on l’écoute. Qu’importe dans le fond, le silence m’a toujours fait un peu peur. Mais ce Silence la, m’est encore plus déséquilibrer par ce qu’il dégage. Jouant du regard sur le sable mouiller un peu plus loin devant moi, j’évite le regard de l’homme comme si je fuyais la peste. Le fait qu’il soit là « pour moi », m’est très intimidant. Encore plus pour « ça ».

« Je … »

N’arrivant plus à trouver mes mots, je me tais. Mal à l’aise, est-ce donc le jour de la remise en question ? Je ne suis pas prête pour ça. Ca ne peut pas tourner à une mélancolie.

« ... Désolé de vous entraîner là-dedans. »

Je ne me sens absolument pas à mon aise avec Silence. Et je pense bien, que celui-ci la remarquer. D’un autre sens, que puis-je faire d’autre ? Intégrer un inconnu dans mon « cadre de travail » pour de l’aide, n’est pas vraiment dans mes habitude. Bien que durant ces trois dernières années, je n’ai jamais refusé une assistance. Mais à la différence de cela, c’était beaucoup moins important. Ca me fait tout de même peur ...

Elle est vraiment bizarre cette nana. Dans cette prison, avec l’attitude que j’ai décidé de prendre et à laquelle je me tiens presque tout le temps ( parlez-en à un certain Charity pour en savoir plus, même si je doute qu’il veuille répondre à vos questions ), je ne suis pas franchement intimidant. Plutôt crispant. Le genre pète-bonbons et fier de l’être, un sale petit con quoi. Que des qualités. Mais non, elle, elle a l’air de trouver que ma grande gueule c’est de l’autorité et elle préfère regarder la flotte plutôt que mes yeux. Libre à elle, je suis pas là pour jouer les psychologues. ( En réalité on m’a trop rien dit sur la façon dont je dois m’y prendre pour lui apprendre le métier, mais figurez-vous que je suis un adepte forcené de la méthode bourrine. Comme d’habitude, un soupçon de Murmure, et tout le reste de Vertige, ce qui se traduit par « je cogne d’abord, j’explique après ». )
Mais avant ça, essayer de savoir ce qu’elle est en très peu de temps. Mes yeux gris la détaillent de fond en comble, traquent son regard, alors que le côté de l’ongle de mon pouce passe un sale quart d’heure entre mes incisives. Les gens ont horreur qu’on cherche leur faille, qu’on guette les défauts et surtout, qu’on les analyse comme ça. Ah et ils aiment pas non plus qu’on tombe juste dans les déductions. C’est con, hein.
Une rêveuse … Non j’ai pas l’impression. Une grande penseuse. Le genre à se poser beaucoup trop de questions. J’enregistre son nom d’une oreille apparemment distraite, et pareil pour la phrase concernant le fait qu’elle soit désolée. T’inquiète pas, chérie, si t’étais vraiment mon plus grand problème dans la vie non seulement je serais chanceux mais en plus je me ferais sûrement chier. Mes dents lâchent lentement l’ongle de mon pouce, et beaucoup plus rapidement, je lui envoie une paire de claques sur la gueule. Bam bam. Coup sur coup, même pas le temps de se demander ce qui lui arrive.

Principe 1 de l’éducation : S’imposer comme étant le chef, être incontestable, prendre un ascendant certain.

Un sourire plutôt sympa se dessine sur mes lèvres, lentement, et je la lâche pas des yeux, avec la volonté farouche qu’elle me le rende, ce putain de regard. Allez, fous-toi en rogne parce que t’as rien fait. J’étrécis un peu les yeux.

« Là. C’est pas compliqué. Que la personne soit innocente ou pas, c’est pas ton problème. Ton sujet à toi, c’est que tu dois être respectée. Tu comprends ? »

Principe 2 de l’éducation : Lui bouffer toutes ses idées, ne surtout pas lui laisser le temps de réfléchir.

Je tourne un peu sur moi-même, absolument pas sur la défensive, lui coule un regard par en-dessous, cils baissés sur mes yeux clairs. J’essaie toujours de savoir ce qu’elle pense, traque ses réactions. Je suis pas franchement sympathique quand je fais ça, je sais, et c’est bien pour ça que ça marche la plupart du temps.

Principe 3 de l’éducation : Lui montrer clairement de l’assurance, ne pas lui laisser croire qu’une éventuelle contre-attaque de sa part est seulement envisagée.

Sourire de loup toujours fiché aux lèvres, je fais quelques pas, m’éloignant d’elle, m’arrêtant un peu plus loin, en retrait de l’eau, les mains enfoncées dans les poches. J’ai toujours l’air très sûr de moi, mais on dirait pas franchement que je sais où je veux aller avec elle. Si seulement elle savait.

Principe 4 de l’éducation : Ne pas chercher à se faire aimer ou à être aimable. Les élèves les plus hargneux et montés contre leur maître sont souvent les meilleurs.

Ma voix s’élève à nouveau, toujours un peu traînante, celle qui tape bien sur les nerfs. Je suis un concentré de sale con, une pulpe d’agacement, et …

« Tu te poses trop de questions, ça sert à rien. Si t’es pas capable d’arrêter, tu ferais mieux de rentrer chez toi. Je dis pas ça pour toi, même si ça te cassera sûrement en plusieurs morceaux. Tu vas surtout réussir à foutre la grouille ici, et ça, c’pas franchement bien vu s’tu vois c’que j’veux dire. »

Nota bene sur l’éducation : Il ne faut espérer en retirer une quelconque satisfaction personnelle.

Foudroyant. Ce n’est point là, les éclaires lancées par Zeus du Mont Olympe qui frôlent mon être avec tant d’ardeurs et d’acharnements. La foudre, un phénomène naturel de décharge électrostatique disruptive qui se produit lorsque de l'électricité statique s'accumule entre des nuages d'orage ou entre un tel nuage et la terre. Imaginez recevoir ça en pleine joue, c’est électrisant et chaud à la fois. Paralysant celui qui ne s’y attend pas. Choquée, je n’en reviens toujours pas de ce qu’il a osé faire. Jamais depuis que j’ai mi le pied sur cette terre, quelqu’un avait fait ce geste sur ma personne. Même pas Sebasten qui pourtant m’a élevé. Et ce garçon qui me parle de respect …

J’ai le sentiment d’être objet de son jeu. Redressement. Comme on fait un peu avec les enfants. Sauf que là, c’est la brusquerie qui est mise en avant. Tout le contraire que l’on m’a enseigner dans mon enfance. De part son côté de « chef de meute ». Il me rappelle mon chef. Durant trois longues années, je me suis tuée à avancer au même rythme que les autres avec ce handicap qui n’est autre qu’un trop plein d’affabilité. J’ai fait de mon mieux pour rester moi-même et ne pas jouer quelqu’un que je n’étais pas. Le respect, j’ai gagné celui du grand « Bourreau » de prisonniers. En étant moi-même, en jouant franc jeu. Jamais je n’ai usé de la violence. Même si l’on m’a forcé à assister aux interrogatoire qui finissait bien souvent dans un bain de sang. Combien de fois j’ai vu des gens tomber à genoux sur le sol, suppliant pour qu’on arrête de leur tailler l’âme ! C’est contre ma nature de les laisser, alors, je les ai aidé à se relever.

Je blâme l’agressivité, la brusquerie des choses. Ce genre d’effectif ne marche pas sur moi. Pour preuve, après avoir subit mille et une affliction visuelle. Je suis toujours pareil, au même point de départ. Etre respectée ? Bien sûr que je comprends, combien de fois Thierry ne m’a pas harceler avec ça. Mais je n’ai jamais vraiment compris le fait qu’il fallait « faire peur » pour être respecter … Mon regard se plante sur sa personne. Affichant glorieusement un sourire plutôt canidé, l’ange noir s’éloigne. Je me pose peut-être trop de questions, mais je ne cherche pas toujours à y trouver réponse. Le respect … Si je n’use jamais de la violence pour l’avoir, c’est pour cause d’éducation et d’expérience. Au fond de moi, je suis tout de même vexée par ses propos. Il ne sait rien de ma situation, son seul but est de voir devant moi. Et non derrière … À ce moment précis, prise de conscience. Je me redresse tout en venant me planter devant Silence. Le regard ne trompe pas, je suis froissé. Pourquoi ? Ma main part d’un coup sec jusqu’à atteindre sa joue. Fort ou pas, qu’importe. Je m’efforce de le soutenir du regard.

« Le respect se mérite Monsieur Silence, et non s’obtient par des gestes qui sont sensé intimidés l’autre! »

C’était ma vision des choses, qu’il soit d’accord ou pas, ça m’est égale, je fonctionne comme ça. Je n’ai nullement envie de sourire. Ses méthodes de « bourrains » me chiffonnent plus qu’autres choses. Me prouvant par la suite, qu’elles n’allument gère parfaitement l’instinct de fauve qu’il cherche en moi. Parce que oui dans le fond, il n’attend que ça. Que je me transforme en vilain dragon crachant ses flammes sur tous les êtres « inférieurs » à notre rang. Considère-t-il seulement les prisonniers comme des être humains ? Je suis une humaniste avant tout. Pas un robot de guerre servant à abattre quiconque. Je me recule tout en lui lançant d'un ton sec :

« Il vous faudra trouver autre chose qu’un geste déplacé. »

Au fond de moi, je porte toujours cette entaille qui m’empêche d’être dure. Comment peut-on seulement songer à se montrer ‘’agressif’’ face aux autres, après avoir perdu la moitié de ce qui vous était cher ? Je deviens légèrement sombre. C’est là mon mal, je le pointe du doigt. Ressasser le passé, torturer le mental et le cœur. Je suis disposée à suivre ce garçon. Mais pas à mordre ...

Là encore, j’aurais pu esquiver, mais ça aurait fait bizarre. Je trouve que je bouffe beaucoup de torgnoles en ce moment, sérieusement. Et voilà qu’elle se met à me faire la leçon « le respect se mérite, la violence c’est mal ». En gros : retourne dans ta grotte, vilain Neandertal. Putain, je gerbe les gens comme ça. Donc je la cloue du regard sur place, avec la furieuse envie de lui envoyer un autre pain dans la gueule, jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’on parle pas de la même chose. J’ai comme dans l’idée que ça ne servirait à rien, cette fille ne connaît sans doute de la violence que le frottement de ses draps sur sa peau quand elle se branle. Génial. Donc je bride mes envies de la frapper, et je me contente du regard clouant, débordant de suffisance. Zesté d’un rien de « tu comprends pas ».

« Pauvre conne. » C’est parti tout seul. « Ça sert à rien d’être respecté au sens où tu l’entends ici, ça prend trop de temps, c’est pas rentable ! Faut leur faire peur, tu comprends ça ? »

Non, tu comprends pas. Ca se conçoit pas dans ta tête. Ce que je peux assimiler, tout le monde n’a pas rencontré des types ultra-violents qui hésitent pas à briser les gens en deux pour ensuite en faire ce qu’ils veulent. C’est pas ça qui m’ennuie. Non ce qui me les brise, c’est qu’on vienne me parler de respect dans l’amitié, ce genre de connerie. On m’excusera de pas avoir testé, surtout. Je croise les bras sur ma poitrine, me redresse, et la toise avec mon plus beau regard méprisant.
Et là, pour un coup, c’est parfaitement cordial. J’ai pas envie d’être compréhensif et de m’entendre raconter des conneries sur le sujet du respect mutuel et du dialogue. Je sais pas faire ce genre de choses, et je m’en suis pas mal porté pendant maintenant vingt-deux ans. Je crois que changer d’un coup, ça me ferait plus de mal que de bien. Un peu comme quand on change l’alimentation des clebs trop brusquement et que ça leur file la courante, si vous saisissez l’image.

« Trouver autre chose ? … T’es pas indispensable ici, loin de là. Si on m’a demandé de faire quelque chose à ton sujet, c’est bien que tu poses problème. Tu veux pas faire comme tout le monde ? Libre à toi. La porte de sortie, y’a marqué « exit » au-dessus. »

Ouais je sais, je suis super aimable à mes heures. J’ai des excuses, et j’les donnerais pas, parce que j’en veux pas de sa putain de compréhension, et j’en ai rien à carrer qu’elle me respecte ou pas. Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent. C’est de Tibère, je crois bien, et ça s’applique tout à fait ici. Sauf qu’on a encore deux trois bisounours qui arrivent on ne sait comment à se faire engager, et qu’après ça emmerde tout le monde parce qu’il brise les noix des employés avec leurs grandes idées de « sacrifices », de « respect » et de « compréhension ».
Ils sont en prison, pas dans un centre de cure, merde. C’est trop dur à comprendre ?

« Τοῖσιν δὲ Χρύσης μεγάλ’ εὔχετο χεῖρας ἀνασχών·
Κλῦθί μευ ἀργυρότοξ’, ὃς Χρύσην ἀμφιϐέϐηκας
Κίλλαν τε ζαθέην Τενέδοιό τε ἶφι ἀνάσσεις·
Ἦ μὲν δή ποτ’ ἐμεῦ πάρος ἔκλυες εὐξαμένοιο,
Τίμησας μὲν ἐμέ, μέγα δ’ ἴψαο λαὸν Ἀχαιῶν·
Ἠδ’ ἔτι καὶ νῦν μοι τόδ’ ἐπικρήηνον ἐέλδωρ·
Ἤδη νῦν Δαναοῖσιν ἀεικέα λοιγὸν ἄμυνον.
Αὐτὰρ ἐπεί ῥ’ εὔξαντο καὶ οὐλοχύτας προϐάλοντο.»

Je me force furieusement à repenser au chant qui caractérisait le rite des sacrifices. Homère était présent lors de ces tueries. Un bourreau lointain. Qui ne réagissait pas, c’était tellement normal d’enlever la vie à cette époque. Aujourd’hui c’est même devenu un jeu. La loi du plus fort : les faibles tombent et les gagnants montent. Je dirais même que c’est de la barbarie. Je lâche un soupire d’exactitude. Vous et moi, nous ne sommes absolument pas sur la même longueur d’onde. J’ai accepté de me soumettre par exercice et non par point de vue personnelle. Il a dépassé les limites. Mais ça bien sûr, Monsieur ne va encore en faire qu’à sa tête et taper dans tout ce qui bouge. Incommensurable. Je reste de marbre face à ses dernières paroles. S’il suffisait de s’appeler Monsieur-je-sais-tout, peut-être que le monde ira mieux. C’est ça votre idée générale ? Baliverne. Même le plus stupide des athéniens n’aurait jamais sous-estimé une personne à cause de sa manière d’être. Chaque être est différent, chaque gardien est distinct. Je suis différente de vous. Et cela me va parfaitement bien.

Avant de s’engager sur terrain glissant, il faudrait peut-être penser à tâter un peu la chose. Comprendre. Mais là non, il n’y a rien. Et ce n’est pas maintenant, que je m’abaisserai à jouer les égarés blessés. Comme le dit sa vois c’est : « Tous pour vous et moi pour moi ». Joli débouché. Je vous tire mon chapeau. Avec tout ça, j’ai même oublié que je le fixais toujours avec ce même regard. Calmant mon illusion de rage. Ce n’est rien, ce n’est qu’un mauvais jour avec un homme. Rien de plus. Je structure un peu mieux ma respiration et mon envie de lui cracher à la figure.

« Très bien. »

Je tourne mes talons, tout en me dirigeant vers la berge. Hors de question que je me fasse rabaisser par lui. Je joue alors la carte de l’indifférence. Abandonnez-vous donc face à votre stupidité de mâle fière. Jetez-vous dans la gueule du Diable, cela m’est complètement égale ! Je quitte la scène en le laissant derrière moi. Priant le ciel de me laisser le temps d’oublier cette journée. De retrouver mon sourire habituel, mes marques. Les gens qui eux, sont heureux que je sois là. Je suis peut-être trop maternelle, mais au moins, je ne me le cache pas. On me respecte à ma manière, c’est tout ce qui importe. Tout en remontant les escaliers de pierres, je tourne à gauche, longeant ainsi l’horizon pour aller m’assoire plus loin, sur un banc libre.

Fixant tout, sauf sa personne. Je ne veux plus. Même Lui qui est plus vieux et plus dure que ce jeune gardien, n’avait jamais été aussi directe. Ca m’affecte, je dois le reconnaître. Laisser du temps au temps … Comme toujours.

Trad:
Chrysès, levant les mains, se mit à prier pour eux à voix haute :
« Écoute-moi, dieu à l'arc d'argent, toi qui protèges Chrysa
Et Cilla la toute divine, toi qui règnes avec puissance sur Ténédos !
Tu m'as jadis écouté dans mes prières,
M'honorant en affligeant grandement le peuple achéen.
Une fois encore, exauce mon vœu :
Repousse maintenant l'infâme fléau loin des Danéens ! »
Après qu'ils eurent prié, ils répandirent les grains d'orge émondés,
Tirèrent la tête des victimes en arrière, les égorgèrent, les écorchèrent.

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