Sadismus Jail
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 Long voyage pour changement d'air ?

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Neph Dal
Invité




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MessageSujet: Long voyage pour changement d'air ?   Long voyage pour changement d'air ? Icon_minitimeDim 3 Déc - 17:50

Des paroles creuses... Vides de sens, même à mes propres oreilles. Tout à fait dégoûtée par le système judiciaire, j’insulte les jurés dans ma tête alors que le verdict est révélé. L’un après l’autre, ils se lèvent et déclarent à voix haute leur avis. A chaque fois un mot sort de leur bouche et parvient jusqu’à moi. ‘Je déclare l’accusée coupable... Coupable... Coupable... Coupable...’. Pas un seul ne croyait à mon innocence. Pourtant je n’ai rien fait ! Si j’avais fait quelque chose, je m’en serais rappelé, non ? Bien que je tente de m’en persuader la présente situation ne m’entraîne pas à pouvoir en être totalement sûre.

Des photos sont montrées à l’assistance où on me voit, menaçant d’un pistolet des gens à une banque. Je dois avouer que la personne se trouvant sur celles-ci me ressemble beaucoup. Mais sans plus. Je suis beaucoup plus jolie que ça. C’est pour cela que des paroles sortent sans que j’y puisse quelque chose, comme si une force m’obligeait à les dire –enfin je les ai plutôt criées...

« Mais puisque je vous dis espèce de bande de babouins dégénérés que je n’ai rien fait ! Comment aurais-je pu cambrioler ces banques et ne pas m’en souvenir ? Je n’ai aucune raison de rester ici ! »

Ce n’était pas la meilleure chose que j’aurais pu faire dans une situation pareille... Vaguement je reprends mes esprits et me rends compte de ce que je viens de faire. Si je n’étais pas coupable avant... Maintenant ils avaient tous une raison de m’envoyer en prison. Me rasseyant calmement, du moins en apparence car mon esprit tourne à deux cents à l’heure, j’essaie désespérément de reprendre mon souffle. Non, mais quelle idiote ! Je ne peux sûrement pas tomber plus bas... Enfin c’est ce que je croyais car très rapidement mon affirmation est contredite : la sentence est enfin déclarée.

« En la présence du jury et en ma grande autorité, je condamne Neph Dalus à une peine à perpétuité pour meurtres avec préméditation avec violence et braquages répétitifs avec usage d’armes à feu et meurtres de cinq banquiers. »

J’ouvre la bouche pour protester, dire que ce n’était pas moi, mais la vue d’une des photos qui montrait une étrange femme en pleine action –c’est-à-dire en train de loger une balle dans la tête de quelqu’un-, je me tais. Et si c’était moi ? Peut-être que c’est moi qui ai fait tous ces crimes... Suis-je réellement coupable ? Les yeux remplis de doute, je tourne mon regard vers mon avocat. A son air, je le devine aussi rassuré que l’était le public dans la salle. Tout ça apparaît à mes yeux comme une foutue pièce de théâtre dans laquelle je jouais le rôle de l’idiote qui ne comprend rien de ce qu’il se passe. Le problème, c’est que c’était exactement ce qu’il se passait.

C’est pourtant très sereinement que je me lève et survole la salle de mon regard forêt luxuriante. En secret, j’espère de tout cœur ne pas m’effondrez par terre en pleurant. Quelle vie pourrie... Je fais quelques pas vers les deux hommes en bleus qui marchent hâtivement en ma direction et tends mes bras devant moi avec le peu de dignité qui me reste. Si je dois partir ainsi, au moins que je parte avec tout l’honneur qui se doit ! Je détourne la tête alors que les menottes enserrent mes poignets. L’humiliation coulait en moi comme de la lave brûlante, détruisant tout au passage. Tout, sauf ce sentiment d’injustice dont le goût amer persiste dans ma bouche : je vais retrouver la garce qui me met en prison et lui ferai payer ce qui m’arrive. Je la retrouverai quoiqu’il arrive...

La tête haute, mais la gorge nouée, je sors du palais de justice, escortée par les policiers. Quelques photographes sont là, ils tentent de me prendre en photo. Rassemblant le peu de forces et de hargne qui me reste, je les fixe froidement, avec un dédain qui les dissuade bien vite de continuer leurs enfantillages. Je monte dans une espèce de camion. Tout de suite un cortège de mauvaises odeurs parvient à mon nez : un mélange entre le vomi et un rat crevé. Surmontant mon dégoût, je prends place et m’assieds sur un petit banc prévu à cet effet. Gardant soigneusement mes mains sur mes genoux, je braque mon regard sur le sol, sûrement pour ne pas devoir remettre le peu de nourriture que j’avais mangé un peu plus tôt. Le voyage ne dure pas et je suis très vite hors de cette horreur qui n’a véhicule que de nom et m’appuie à un policier pour respirer de l’air sain sans tomber dans les pommes. Celui-ci me tapote doucement l’épaule pour me signifier d’avancer. J’hoche doucement la tête et continue sur ma lancée. Les jambes toutes engourdies, mes pas ressemblent à ceux d’un enfant, tout aussi maladroits du moins.

Mon regard se lève enfin de la terre ferme et j’observe attentivement la prochaine destination qui m’est réservée. C’est avec dépit que je retrouve ce que j’allais devoir supporter pendant les prochaines années de ma vie : une prison. Je fais profil bas et écoute d’une seule oreille les directives du policier.

« Vous ne resterez ici qu’une seule journée, le temps que nous organisions votre voyage vers le lieu où vous purgerez votre peine. »

J’hausse des épaules. En quoi ça m’intéresse ? En strictement rien. Tout ce qui m’importait pour l’instant c’était de m’éloigner de ce camion qui puait atrocement. Les policiers m’agrippent par les bras et me conduisent à une petite cellule un peu sale et dénudée de tout artifice qu’on trouverait dans un endroit convenable. Bref, me revoilà à l’époque de mon enfance... A vrai dire, j’ai toujours vécu dans un ghetto où personne ne souriait jamais et où la joie ne s’aventurait pas. Alors la prison ne change pas vraiment beaucoup de choses à mes habitudes. Un brin fatiguée, je m’assieds par terre à ma façon bien à moi et inspecte la cellule. Il n’y avait aucun moyen de m’échapper. Mon poing frappe le sol rageusement, ce qui doit évidemment m’arracher un cri de douleur. Mais comment peut-on être aussi bête ? Ouvrant et refermant lentement mon poing je le bloque entre mes genoux et commence lentement à m’endormir, au rythme régulier des balancements de mon corps. C’est alors que je pars pour un monde meilleur...

Monde meilleur, tu rêves ! Je me réveille rapidement, à peine deux heures après. Des gardes frappent nerveusement sur ma porte. Non, mais qu’est-ce qu’ils attendent ?! Que je leur permette d’entrer ? Indécise sur la décision à prendre, je décide finalement pour l’option la plus facile qui se résume en un seul mot.

« Oui ? demandé-je doucement.
- Est-ce la cellule de Neph Dalus ? »

Bougres d’imbéciles ! Me déranger pour une bêtise pareille ! C’est quand on se rend compte que les autres sont encore plus bêtes que soi-même, on s’en console quelque peu. Je secoue la tête, un peu agacée. Ils n’ont pas des papiers avec des lettres formant des noms ? Ils n’ont qu’à chercher si c’est comme ça.

« Oui... je réponds malgré moi. Je n’allais quand même pas leur répondre non sinon j’aurai des problèmes après. La porte s’ouvre et un homme baraqué –genre Schwarzy en Terminator avec dix ans de moins- se dessine dans l’entrebâillement.
- Suis-moi, on te transfère. »

Je le suis sans discuter. Je ne vais pas faire l’imbécile, je tiens beaucoup trop à ma tête. Un regard vers les bras du type me glace le sang. Un coup et me voilà morte. Fermant ma bouche à double tour, je décide de faire comme à mon habitude : river mes yeux sur le plancher et ne rien dire. Cette méthode fonctionne très bien vu que j’arrive indemne jusqu’à une voiture –propre cette fois-ci. Avant que je puisse entrer dans la voiture, on me plaque le visage contre le capot, ce qui me vaut une jolie petite ecchymose sur la joue, et me menotte les bras derrière le dos. Souriant étrangement à cette précaution, je relève la tête et crache un coup juste à côté de Terminator, ce qui me vaut une deuxième ecchymose sur la deuxième joue et un mal de chien à la mâchoire. Au moins, ça fait équilibrer comme ça.

Petit voyage bref en voiture et vision soudain éblouissante de la mer. La mer... Un petit frisson remonte mon échine et finit de m’achever. On va... -un petit gloups se fait entendre- me jeter dans la mer ? J’espère que non. Ce n’est pas que je n’aime pas l’eau, mais menotter, ce n’allait pas être facile de pouvoir nager et remonter à la surface pour... pour faire quoi encore ? Ha ! Oui ! Pour respirer... Une légère panique s’installe chez moi alors que peu à peu on se rapproche. Pourquoi y a-t-il des fenêtres à cette voiture ? Pour me torturer avant que mon heure n’arrive ? Pourtant j’avais bien entendu le juge qui avait dit : ‘prison à perpétuité’. A moins que ce n’a été qu’un code qui voulait dire : ‘à mort’ ? Quand je vois un bateau tout le stress accumulé retombe. Un soupir très court s’échappe de ma bouche tandis qu’on me fait sortir de l’automobile. Les quelques pas qui me séparent du bateau sont vite franchis et on m’oblige de m’asseoir sur une sorte de petit banc sur le bâbord de l’embarcation.

Je ne prononce pas un mot de tout le déplacement. Qu’est-ce que je pouvais dire de toute façon ? ‘Salut, moi c’est Neph Dalus, on m’accuse de meurtres en série et de braquages de banques et vous ?’ C’est sûr... Ca ferait très bonne impression. De toute façon, même en temps normal je n’aurais rien dit. Mes poignets commencent à me faire mal : les menottes enserrent beaucoup trop forts ceux-ci. Pourtant je ne bronche pas ni ne me plains. Cela leur ferait bien trop plaisir. Feignant l’indifférence, je laisse le vent passer dans mes cheveux situés entre le bond et le roux. Très vite on arrive à une petite île.

Un gardien n’a aucun mal de me relever et me pousse littéralement devant lui. Je ne fais rien et lui obéis sagement, même si en moi-même j’aurais tellement voulu lui écraser sa tête contre un mur non loin de là. Cette pensée m’effraie. Qu’est-ce qu’il m’arrivait pour que je cogite des trucs pareils ? Je me persuade que c’est à cause de la fatigue, mais le cœur n’y est pas. Je ne suis pas normale, c’est certain. Tout en marchant d’un bon pas, j’évite habilement les regards des habitants de l’île. En un sens, je les plains de devoir habiter ici. Quelle horreur de voir tous les jours des prisonniers arriver pour savoir qu’ensuite il allait séjourner dans le même endroit qu’eux, tout près. Ils ne devaient sûrement pas dormir tranquilles...

Et revoilà de nouveau le merveilleux voyage en camion. Je fais ma mauvaise tête pendant tout le trajet. Qu’est-ce que ça m’ennuyait ! Je n’ai rien fait du tout et me voilà obligée de me coltiner tous ces voyages débiles pour aller dans un lieu où je ne veux justement pas y aller ! Ce qui se passe est totalement illogique. J’aimerais tellement que cette fichue mascarade s’arrête et qu’on me sorte de ce véhicule en riant très fort et en m’avouant que c’est une blague et que j’ai marché à fond dedans. Mais non, rien ne se produit et le ballottement du camion continue. Je soupire pour la énième fois de la journée. Un petit pincement au cœur me rappelle que j’allais devoir survivre dans un monde de brutes assoiffées de petites dindes dans mon genre qui n’opposerait qu’une faible défense à leur désir agressif qu’il ne pouvait plus évacuer autrement que par la violence. Génial... Non seulement j’ai mal débuté mon arrivée dans ce monde pourri, mais en plus j’allais le quitter de façon fort cavalière et assez monstrueuse, mais je peux toujours espérer que cela se produira très vite. Maigre consolation.

Soudain tout s’arrête. Je suis enfin arrivée. Mais aucune réjouissance ne se dessine sur mon visage où par contre ressort magnifiquement les deux ecchymoses prônant de manière fort civile mes deux joues. La porte s’ouvre et on me tire carrément du véhicule. J’aurais bien hurler un juron si ma timidité ne m’en avait pas empêcher. Réfrénant cet horrible désir de rébellion, je me relève difficilement et jette un regard à ce qui allait être ma ‘maison’.

Dans le genre maison des horreurs, il n’y avait pas pire. Il y avait facilement trois mètres de béton armé et coulé qui se stoppait pour laisser la place à deux immenses portes en fer. Mais où est-ce que je suis tombé... Je dois me tordre le cou pour espérer voir quelque chose sur le sommet des murs et là, devant mes yeux, s’ouvrirent les portes de l’Enfer... Je ne croyais pas si bien dire. Je fais un pas et puis deux. Puis finalement, on me démenotte et on me pousse dans la cour d’entrée de la prison alors que je me masse mes poignets douloureux. Je manque de trébucher, mais je me rattrape avec souplesse et destine à la porte qui s’est déjà refermée derrière moi, un poing fermé et une centaine de menaces formulées dans mon esprit. J’entends un petit raclement de gorge et tout de suite je baisse les yeux et me retourne précipitemment.
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Maybeth
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MessageSujet: Re: Long voyage pour changement d'air ?   Long voyage pour changement d'air ? Icon_minitimeJeu 7 Déc - 9:28

Je parcours longuement le dossier que l'on vient de me faire parvenir. Meurtres, braquages… Eh bien. Encore une personne parfaitement équilibrée dans cette prison. La retranscription de la parution devant les juges de Neph Dalus m'apparaît comme une énigme, un cas lourd de mystères et d'incompréhensions. Un dossier comme je les aime; des dossiers si épais et captivant que je n'ai plus le temps de penser à ce qui pourrait ce cacher derrière chaque tournant que je franchis. J'ai hâte de rencontrer cette femme, de voir celle qui, selon ce qui est écrit, a affronté les jurés avec courage et dignité.

La seule photo d'elle que l'on m'a envoyée est floue et sans couleur, dérobée par une caméra de surveillance dans une institution bancaire. On y avait joint une note comme de quoi les photos officielles prises au poste de police me seraient envoyées bientôt. Tous les évènements s'étant bousculés autour de cette affaire, on s'excusait de certaines lacunes. Tant pis. Je les comblerai moi-même ces lacunes. J'ai l'habitude que le département psychologique soit négligé. Les gens voient les faits et ne prennent pas en compte le pourquoi du comment. J'ai beau relire le document une dizaine de fois, je ne vois nulle part que quelqu'un lui a demandé ses motivations alors que c'est, selon mon point de vue de professionnelle, la partie la plus importante du problème.

Quelque chose dans ce dossier met tout mes sens en éveil. Un élément clé est manquant, un élément de la plus haute importance. "Comment aurais-je pu cambrioler ces banques et ne pas m'en souvenir?" J'ai entendu très souvent ce genre de phrases dans ma carrière. Mais comme je n'ai pas l'accusée devant les yeux, je ne peux pas jurer de la véracité de ses propos. Une simple photo aurait pu m'y aider, mais je n'en ai pas. Sur celle que j'ai son visage est à demi masqué. Quoi qu'il en soit, peut-être qu'elle bluff. Son dossier médical est blanc comme neige.

Un bâillement m'interrompt dans mes réflexions. Je jette un rapide coup d'œil à la fenêtre de mon bureau, lequel est éclairé seulement par une petite lampe de lecture de qualité moyenne. Le ciel au dehors est sombre. Un regard vers l'horloge me révèle qu'il est près de minuit. Je n'ai pas du tout vu le temps passer, absorbée que j'étais par cette nouvelle venue qui est supposée arriver demain. C'est la première fois que je suis déçue qu'on ne m'ait pas confié l'accueil d'une personne. À moi qui ai si hâte de la rencontrer. Non. Au lieu de cela, c'est un nouveau gardien qui a eu le contrat. Oh je me meurs d'impatience juste à y penser. Je pourrai peut-être complètement arrêter de penser à Jefferson pendant que je m'occuperai de son cas.

Pendant que je range tous les papiers dans mon bureau déjà débordant de paperasse, je ne peux m'empêcher de repenser à la manière mielleuse et fausse avec laquelle il a agit avec moi depuis le jour de son arrivée. Tout ça ne lui ressemble pas, mais en même temps, je ne suis pas sûre à cent pour cent qu'il tente de se jouer de moi. J'ai envie de croire qu'il a changé. Je le souhaite de tout mon cœur, autant pour lui que pour moi. Mais mon côté terre à terre et ma paranoïa m'empêche de me bercer de ces douces illusions.

Je donne un coup de genou sur le tiroir pour le refermer. Peut-être qu'un jour je devrais songer à le vider pour voir ce qui le bloque, mais pas ce soir. Mes yeux se ferment tout seuls même si ma tête refuse de l'avouer. Je saisis la tasse de café froid que j'ai oublié de boire et qui traînait sur mon bureau depuis mon arrivée, c'est-à-dire cinq à six heures facilement. Je la dépose sur le chariot qui trône dans le couloir et verrouille la porte derrière moi pour pouvoir ensuite regagner ma chambre, que je partage désormais avec ma stagiaire, Evy Clover, qui n'est pas si sotte que je l'avais crue au départ.

Les couloirs ne sont éclairés que par des lampes grésillantes au plafond, qui ne marchent qu'à moitié. Je salue quelques veilleurs de nuit qui me saluent avant de me laisser entrer dans l'aile des prisonniers. Cette prison est foutrement mal construite. Je dois passer ici au moins deux fois par jour. Dans leur cellule, quelques détenus dorment, d'autres discutent ou jouent aux cartes et d'autres, je ne veux même pas savoir ce qu'ils font. Comme j'arrive au bout du couloir, mon pas ralentit de lui-même. J'essaie de changer ma démarche pour qu'il ne me reconnaisse pas. Mais je sais très bien que je ne peux pas seulement à côté de lui sans qu'il me remarque.

Dans sa cellule, Jefferson est le seul encore éveillé. Il est assit sur son lit, un bouquin à la main, comme toujours. Il lève la tête quand je passe devant les barreaux et me gratifie d'un sourire chaleureux, voir bienveillant. Je le soupçonne d'être resté réveillé juste pour attendre que je rentre à ma chambre. Raide comme un fil de fer, je hoche la tête en guise de salutation. Je continue ma route et du coin de l'œil je le vois qui continue de sourire en se replongeant dans sa lecture. C'est seulement une fois la porte de l'aile passée que je peux recommencer à respirer normalement.

Je parcours le reste des couloirs le pas un peu plus léger, absolument sûre et certaine que c'était la dernière fois de ma journée que je le voyais… sauf si l'on considère qu'il est plus de minuit maintenant et que la journée vient à peine de commencer… Peu importe. Disons plutôt que c'était la dernière fois que je le voyais avant de dormir. À moins que je fasse de l'insomnie cette nuit, ce qui est fort possible puisque je viens d'y penser et que j'ai la tête pleine d'idées. Comme par exemple m'arranger pour persuader ce nouveau gardien de me laisser accueillir Neph Dalus.

Au contraire de ce que je croyais, j'ai trouvé le sommeil très rapidement, sans doute aidée un tout petit peu par les somnifères que j'ai avalés juste avant de me coucher. Toutefois, je me suis réveillée très tôt. Il faut que je trouve ce gardien et que je lui prenne son contrat. Je crois avoir trouvé le bon moyen pour cela, qui pourrait même m'éviter d'avoir à lui parler. Je n'ai qu'à aller fouiller dans son casier, prendre la lettre. En enfilant ma veste, je glisse trois cachets dans ma poche. Je passe un rapide coup de peigne dans ma chevelure ébouriffée par l'oreiller.

Je trouve le gardien au réfectoire, comme je m'y attendais. Nous ne sommes pas nombreux à être déjà debout. Je connais les petits nouveaux, ils veulent tous être parfaits et se lèvent avant tout le monde. Ça dure habituellement quelques semaines et ensuite ils se laissent aller à un horaire plus flexible. Je le soupçonne d'ailleurs de s'être jeté sur le contrat pour faire bonne impression sur ses supérieurs. Je passe par le comptoir et prends une brioche et un café, comme tous les matins, même si aujourd'hui je n'ai pas très faim. Armée de mon déjeuner et de mon faux sourire le plus réaliste, sans oublier les cachets dans ma poche droite, je m'approche de sa table et lui demande poliment si la place devant lui est libre. Question idiote vue l'heure matinale.

- euh… non. Asseyez-vous.

Doucement, je m'installe devant avec mon maigre déjeuner. Je défais lentement l'emballage plastique de ma brioche en l'étudiant avec attention pendant qu'il beurre ses toasts. Il a de grands cernes sous les yeux. Il n'a pas du dormir beaucoup cette nuit, le stress sans doute. D'ailleurs sa main qui tient le couteau tremble légèrement. Pauvre petit. Je n'en menais pas vraiment plus large que lui à ma première journée. Et dire que je m'apprête à réduite tout ses efforts pour bien paraître à… rien du tout. L'idée m'est apparue quand je me suis réveillée. Ça me semblait la meilleure chose à faire. Mais plus j'y repense, plus je m'en veux d'avoir pensé à ça. Peut-être que je devrais le laisser accueillir cette femme.

Non pas question. C'est ma patiente. C'est moi qui lui souhaiterai la bienvenue. Je regarde la tasse qui est posée à côté de son assiette. Je hume l'air et capte une légère odeur de laurier. Tisane aidant à guérir les insomnies. Je le sais pour en avoir bu souvent dans ma jeunesse.

- C'est votre première journée n'est-ce pas?

Il hoche la tête, toujours tremblant. Il porte la tasse fumante à ses lèvres. Je devine la légère brûlure qu'il ressent sur sa langue et ses lèvres.

- Si vous voulez être alerte, vous ne devriez pas boire ce type de tisane. C'est endormant le laurier, dis-je.

- Je l'ai pourtant toujours bue sans me fatiguer. Je m'en sers pour me réveiller.

- Eh bien, si vous le dites.

Je bois un peu de mon café. J'attends la bonne occasion pour accomplir mon dessein. Ce moment vient assez vite. C'était facile de prévoir qu'il renverserait du thé, simplement en regardant les tremblements de ses mains. Il se confond en excuses et se lève précipitamment pour aller chercher des serviettes et nettoyer la petite flaque qui repose sur la table. Je profite de son absence pour prendre les trois cachets et les faire tomber dans le reste de sa boisson. Avec la chaleur du breuvage, ça ne met pas de temps à se dissoudre. Le pauvre. Si on considère qu'un seul cachet peut me faire dormir en quelques minutes, ces trois-là vont littéralement l'assommer.

En faisant cela, je ne pense pas à mal. Il ne faut pas se méprendre sur mes intentions. Je regarde à ma droite et croise le regard amusé de Jefferson. Mon sang se glace. J'avais oublié que lui aussi s'était toujours levé tôt. Je me force à lui rendre son sourire. Je sais qu'il ne dira rien de toutes façons. Peut-être me sermonnera-t-il simplement avec ce même sourire, comme un vrai grand frère le ferait avec sa petite soeur. Je déglutis. Il n'a rien du grand frère classique.

Je me retourne en avant juste à temps pour voir rappliquer le pauvre gardien qui s'excuse encore de sa maladresse. Je lui assure que ce n'est rien. Une fois sa gaffe nettoyée, il jette le tas de serviettes dans la poubelle près de notre table et reprend sa tasse entre ses mains. Il m'entretient de tout et de rien. Je n'entends à peu près rien de ce qu'il dit. Je suis trop concentrée sur la tasse qui va souvent à la rencontre de ses lèvres. J'imagine le liquide chaud qui envahit sa bouche, coule dans sa gorge et qui va se répandre dans son système et pour envahir lentement son cerveau, apaiser ses neurones.

Quelques minutes s'écoulent à peine que je vois ses yeux qui commencent à rapetisser. Plusieurs autres minutes plus tard, il cogne des clous, lutte pour rester éveillé. Encore un peu plus tard, il tombe, affalé sur la table en ronflant. Il ne boira plus jamais de tisane de laurier, c'est évident. Je me débarrasse de mon faux sourire. Si j'ai fait tout ça, c'est seulement pour avoir le champ libre et m'occuper de Neph Dalus. Je n'avais pas envie d'argumenter avec ce garçon. Je me remercie silencieusement pour faire de l'insomnie et termine mon déjeune l'air de rien avant de me lever et quitter la salle. Je sens le regard de Jefferson dans mon dos.

Quelques heures plus tard, en repassant devant le réfectoire, je constate que personne n'a déplacé le jeune homme qui dort toujours dans son assiette. Mais je n'en ai rien à faire. Je reviens de voir la directrice qui m'a dit que Fredérick –c'était son prénom- étant indisposé à travailler, elle me confiait l'accueil de la nouvelle venue, s'excusant du dérangement.

Me voilà dehors. Pour une fois, j'apprécie le paysage gris et terne de la prison. Je constate que la dame est déjà arrivée. Les gardiens lui enlèvent ses menottes et repartent, la laissant seule dans cet endroit qui lui est inconnu mais deviendra sa nouvelle maison pour le reste de sa vie. Je ne peux m'empêcher de la plaindre. Moi je suis libre de partir quand je le veux, tandis qu'elle, elle devra endurer les mêmes arbres morts et la même vue sur la ville qui se profile au bas de la montagne en se disant que jamais elle n'échappera à cet enfer.

Tremblante d'excitation, –si je peux employer ce mot- je m'approche sans faire de bruit. À deux trois mètres d'elle, je m'arrête et la regarde un moment. Sa chevelure flamboyante reluit sous le soleil tapant. Je me racle la gorge pour lui signifier ma présence. La tête basse, elle se tourne vers moi, me regardant à peine.

- Bonjour mademoiselle. Vous devez être Neph Dalus. Je me présente, Maybeth Greene, psychologue.

J'ai employé mon ton le plus doucereux. Elle lève les yeux vers moi et me salue doucement. Quand je croise son regard vert sombre, deux mots me viennent tout de suite à l'esprit ; non coupable. J'ignore comment et pourquoi, mais je sais qu'elle était sérieuse en affirmant qu'elle avait oublié ses crimes. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres minces. Il y a une légère part d'absence dans son regard. Une partie d'elle manque.

- Si vous voulez bien me suivre.

Je l'entraîne à ma suite vers la porte de la prison, frémissante.
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