Le repas d'un dieu au féminin.

* Il est temps que je mange *

J’avance donc en direction du réfectoire accompagnée comme toujours d’un gardien qui cette fois est bien silencieux. Il n’a prononcé aucun mot depuis notre départ. Étrange. Qu’importe, j’espère que le repas sera digne de Hina. Depuis mon arrivée je commence à comprendre ma supériorité. D’ailleurs parler de moi à la troisième personne me semble bien meilleur. Hina est grande. Je suis grande. Oui, Hina est grande, cela est bon. Le gardien m’offre quelques consignes, que je juge inutiles. Hina décide ce qui est bien pour elle et ses instructions ne correspondent pas à ce qui est bien. C’est donc avec un certain mépris que je le regarde et tout en souriant je m’éloigne de lui.

La salle est assez grande et quelques prisonniers sont éparpillés ici et là. Je vois des regards se poser sur moi. Normal j’ai envie de dire, ma grandeur éblouit leurs pupilles. Je prends soin de m’éloigner du commun des mortels et je m’installe à une table relativement laide. Ma présence à cette dernière devrait lui rendre l’existence moins médiocre. Nous sommes les extrêmes.
De ma place j’assiste à des scènes pathétiques. Deux gardiens sont à l’entrée du réfectoire, prêts à bondir sur le premier dérapage. Ils croient être utiles à cette prison, mais non. Ils sont dans le faux. Mais pardonnons les, ils ne sont qu’humains.
Près de moi une prisonnière se bat avec sa nourriture. Plus loin un petit groupe parle et rit, le tout de façon forte. Cela gène Hina. Hina aimerai les tuer, mais il ne faut pas. Ils ne méritent pas de mourir de mes mains.

« Hina a faim. »

Je parle seule. Personne ne pourrait comprendre. Je regrette parfois d’être mieux. M’enfin. J’attends. Personne ne m’apporte à manger? Mais … Il y a un problème dans cette prison. Chacun est traité de la même façon alors que personne ne vaut Hina. Je refuse de m’intégrer dans ce monde où la reconnaissance n’existe pas.

« HINA … A… FAIM… »

La colère monte malgré moi. Lorsqu’un dieu est en colère rien ne l’arrête. Je regarde autour de moi toute cette pourriture accumulée dans un espace si réduit. Personne ne prête attention à mon appel. L’autre abrutie continu de se battre avec sa bouffe. Je lui arracherai les yeux avec sa fourchette. D’autres prisonniers rentrent, comme si de rien n’était. Pourquoi? Hina ne comprend pas.

« Je vous éliminerai un par un… »

D’un geste brusque j’enfonce mes ongles d’un cette maudite table. Je lève ma tête en direction d’une prisonnière, qui s’avançait vers moi. Elle veut peut être m’apporter à manger. Soyons polie. Avec un peu de chance elle n'est pas comme eux. Elle est peut être meilleure. Ou pire. Je jugerai si elle doit vivre ou mourir. Hina est la seule qui puisse le faire.

« Vous tombez bien, mademoiselle… »

Je commençais à mourrir de faim, quelques jours que j'étais là et je n'avais quasiment rien mangé chaque soir et chaques midi, c'était le fait de manger des repas beaucoup moins copieux que mon petit chez moi qui me dégoutais autant sûrement...
Cependant il fallait absolument que j'avale quelque chose à présent, sinon j'aurais été capable de dévorer un gardien ou mon propre bras, même si le repas n'était pas fameux, j'allais sûrement faire avec. La faim me tiraillait et les bruits que faisaient mon ventre en témoignaient largement. Je fit un mince sourire en coin en l'entendant prête à manger ce qu'il y 'aurait peu importe ce que ce serait.
La salle était plein et je n'avait aucune envie de me mêler pour le moment à la foule de prisonniers qu'il y avait, peut-être un autre jour mais aujourd'hui, il me fallait un certain calme, je cherchais des yeux la table la moins rempli pour pouvoir m'y poser et réclamer comme il se devait ma nourriture ayant une faim de loup.

De loins j'appercevais une table avec deux prisonnière qui y était posé, seulement deux, cela ferait l'affaire, la seule que j'avais rencontré pour le moment était Mérédith cependant elle n'était pas là. Je m'avançais donc vers cette table lorsqu'un femme assez suspecte, peut-être la faim la tiraillait également de me dit de sa voix assez haute.

"Vous tombez bien, mademoiselle…"

Je tombais bien? Et pourquoi donc? J'étais pourtant sure de ne connaître personne d'autre que Mérédith ici... Serait-il possible que j'aie un trou de mémoire, un blanc dans ma vie? Je ne pouvais pas l'avoir oublié tout de même, peut-être somnambule? Quoique je ne me connaissais pas ce talent, car oui cette folie pour moi était un talent. Je soupire doucement et je me penche légerement pour na pas avoir à crier... Je m'approche d'elle et demande d'un air tout à fait calme.

"Puis-je savoir la raison pour laquelle je tombe bien en m'approchant de ta table ma chère?"

Decidemment les gens étaient vraiment spéciaux ici, cette peste de maîtresse à mon père avait choisi la meilleure prison dans laquelle m'enfermer, juste assez pour que je veuille me suicider, mais elle ne m'aura pas de la sorte! J'attends donc patiemment la réponse de mon interlocutrice

"Puis-je savoir la raison pour laquelle je tombe bien en m'approchant de ta table ma chère?"


Elle était en fait comme les autres. Elle n'avait pas l'intention de m'apporter à manger. Ce n'est rien. Hina trouvera un moyen. Il fallait répondre quelque chose de gen...de gent... de gentil. Quel mot atroce. La gentillesse est un défaut. Sa chère? je viens de comprendre. Sa chère. Je suis chère certes, mais Hina n'appartient à personne. Je pourrais me mettre en colère, mais non. Elle ne m'a pas ignorée, elle. Bien que si je ne l'avais pas interpellée elle aurait filé. Mais elle a entendu ma voix, et a compris que je n'étais pas quelqu'un de banal. Je suis celle qui dicte. Peut être que "sa chère" voulait dire "son maitre". Je préfère les mots masculins, ils correspondent mieux à Hina.

" Parce que Hina a faim."

Un sourire se dessine sur mon visage. D'un geste lent je pose ma seconde main près de l'autre, à plat sur la table. Elle verra que je n'ai pas de mauvaises intentions, pour le moment. Elle sera grandement récompensée si elle accepte de nourrir Hina. J'aimerais lui sortir une de ces longues phrases qui marquent ou impressionnent les mortels. Cependant l'inspiration ne vient pas. Je dois quand même essayer, je ne veux pas que ma proie s'échappe.

" Je suis Hina. Vous voulez vous asseoir? Je vous autorise."

Rien d'exceptionnel. Restons simple pour le moment. Citer mon prénom est à chaque coup une jouissance personnelle intense. C'est peut être pour ça qu'après chaque Hina prononcé mes yeux brillent, mon visage s'éclaircit et mon plus beau sourire rayonne. Evidemment elle ne réagit pas de la sorte. Elle est insensible au mot Hina. Pourquoi? parce qu'elle ne sait pas qui je suis. Elle va le découvrir. Je la regarde attendant sa réponse. Il ne faudrait pas qu'elle se sente en danger. Si elle m'offense je ne sais comment je vais réagir. Il se peut qu'elle ne soit pas stupide. Garder son calme dans un tel moment est difficile. Hina n'aime pas se poser autant de questions. Elle ne doit pas refuser de s'asseoir. Nan, elle ne doit pas.

Je regarde un moment l'air qu'avait prit la jeune femme lorsque je lui avais posé cette question... Elle avait du croire que j'allais lui apporter quelque chose de bien, évidemment qu'elle avait été déçu, du coté de la bannalité d'apporter des choses, je tapais assez fort dans cet prison. En fait pour dire vrai ce ne pouvait être de la bannalité puisqu'on avait rien sur soit, apporter des choses était totalement inexistant en prison.
Je l'entends en nouveau dire " Parce que Hina a faim.", cette fois je la scrute avec mon regard interrogatif? Hina c'est elle? Je me trompe ou elle parle d'elle à la troisième personne. Decidemment, suis-je bien dans une prison ou un asile de fou? Je ne veux en aucun cas devenir comme eux, je tiens à ma lucidité quoiqu'incertaine ma lucidité, elle était tout de même plus élevé que la leur!!!
Je la vois posé sa main aux cotés de la mienne d'un geste lent et je garde le regard posé sur ma main sans réagir immédiatement... Je lève le regard vers elle et je l'entends à nouveau prononcer des mots, les suivants.

" Je suis Hina. Vous voulez vous asseoir? Je vous autorise."

J'ouvre grand les yeux... Ah parceque j'aurais du lui demander la permission pour m'asseoir c'est cela? C'était vraiment le monde à l'envers! Je ne savais plus réellement comment réagir même si mes yeux ne trahissaient pas le fait que j'étais perdue devant ses paroles. M'asseoir ou pas? Lui répondre de manière sec pour lui montrer qu'on ne me commandait pas ou ne pas m'attirer directement des problèmes? Je choisis sans savoir pourquoi la solution la plus facile pour le moment attendant de voir si je devais m'enfuir à grandes enjambées, ce que j'aurais du faire, j'aurais du réellement le faire, je le sentais mais je fis le contraire. Moi même je ne sus pas pourquoi, je me pose donc à ses cotés sans sourire cependant avant de dire.

- Moi je suis Sephyr... Merci de m'autoriser... Tu es là depuis longtemps Hina?

Je préferais pour le moment restait dans une conversation tout ce qu'il y avait de plus sobre craignant quelque peu une surprise venant de cette personne si spéciale. Même si j'aimais plus que tout ce qui était surprenant je faisait tout de même attention! Sur ce coup j'avançais à pas de loup. Je m'étais tout de même retrouvais dans cette prison à cause d'une imprudence, on ne m'aurait pas deux fois!

Sans rien dire elle s'installe. Prudente ou réellement bonne? je ne sais pas. En tout cas elle semble calme. Elle se met à côté de moi. Réaction imprévisible, j'aurais plutot pensé qu'elle se serait mis en face de Hina. Pour une fois je n'ai pas pu prévoir, et cela devait être un grand bonheur pour elle d'avoir trompé Hina. Peut être ne s'en était-elle pas rendu compte... Je lui demanderai à l'occasion. Sans que je ne puisse prendre la parole, elle reprît.


- Moi je suis Sephyr... Merci de m'autoriser... Tu es là depuis longtemps Hina?


Sephyr ... quel beau prénom. Elle me remercie? elle veut me flatter? ou elle a comprit que je suis importante? en tout cas, elle sait me faire plaisir. Je souris tranquillement, me disant que la reconnaissance arrive donc. Zephyr était cependant curieuse. On s'éloigne du sujet pour lequel je lui ai fais signe, si je puis dire. Tant pis, je peux bien lui accorder cela. Je n'étais moi même pas sûre de la réponse que je devais donner. M'enfin, essayons. Elle devra faire avec. Je n'ose pas la regarder pour le moment. Je n'ai pas envie qu'elle croit que nous sommes pareilles.

" Si vous parlez d'ici, ce réfectoire aussi misérable soit-il, je suis là depuis peu. Si vous parlez en général, dans cette prison, cela fait plusieures semaines. Je n'ai pas fait très attention."

Je me tourne vers elle. J'aimerais voir ce qu'elle pense. Malheureusement elle ne laisse rien apparaitre. La jeune fille qui se battait avec sa nourriture se lève. Dommage, je n'ai pas pu lui arracher les yeux. Je le ferai une prochaine fois, à l'occasion. Je remarque que mon étât d'origine reprend le dessus. Je ne lui ai même pas demandé depuis quand elle est là.

" Et vous, Zephyr? Depuis quand votre présence hante ces lieux?"

C'est une des rares fois où je suis correcte avec quelqu'un, pour ne pas dire agréable. Pour le moment je n'ai pas matière à me moquer d'elle. Ou à m'énerver contre elle. Je pense qu'elle n'est pas là depuis lontemps. Elle saurait qu'il ne faut pas s'asseoir à coté de quelqu'un qu'on ne connait pas. Mais Hina et bonne. Elle lui pardonne cette erreur.

- Depuis... trois jours à peine... Mais j'ai l'impression que ça fait une éternité!

Elle s'exclame. Elle est donc assez émotive et pas aussi impassible que je ne le pensais. Trois jours. C'est le temps qu'il m'a fallu pour comprendre que cette prison serait à jamais ma demeure. Une éternité, voilà le temps qu'il lui reste à vivre ici. Mais Hina ne préfère pas lui dire. Elle lui laisse cette mauvaise surprise. Je me retourne vers les gardiens, les mains toujours à plat sur la table. J'aimerai bien voir ce qu'ils feraient si l'envie d'étrangler ma voisine me prenait. Ils essairaient de m'en empêcher, en se mettant alors en danger. Je vois déjà le scénario. Pitoyable. Je me perds dans mes pensées quand elle reprend la parole.

- Tu voudrais bien me faire visiter si un jour tu peux...?

Visiter la prison. L'idée ne m'avait même pas effleurée. On m'a enfermée ici pour canaliser mes pulsions meurtrières. Alors maintenant je ne sortirai pas, mais la prison sera mon terrain de jeu. Je devrais peut être le lui dire. Si elle veut visiter ce n'est certainement pas pour le plaisir, sans doute pour s'échapper, ou trouver des coins tranquils pour se faire plaisir. Qu'importe ses raisons. Je la regarde et sourit.

" Visiter ma demeure? Moi même je ne la connais pas bien. J'ai vu la bibliothèque, des livres magnifiques. Ma cellule, des gens pathétiques. Les couloirs aussi. Tu veux peut être retrouver ta liberté? Dans ce cas ne visite rien. Improvise. Histoire de ne pas paraitre suspecte. Je t'autorise à partir. En général je n'aime pas les gens qui s'échappent. Ils sont à moi, puisqu'ils sont chez moi. Mais toi tu peux."

Pourquoi pouvait-elle? parce qu'elle ne m'a pas offensée. Son regard n'est pas en train de me défier, ses paroles ne m'agressent pas. Alors elle a le droit, elle a su comprendre Hina et la respecter. Ce sera sa récompense. Ma puissance divine la fera sortir. Ce n'est pas un probléme. Mais pas tout de suite. Elle est ici depuis trois jours, elle est donc encore faible. Les derniers arrivés sont souvent les premiers qui veulent s'en aller. Et elle ne fera pas cette erreur. Hina l'a décidé. Elle deviendra meilleure que les autres mortels. Et elle pourra en jouer.

Je la regarde un moment dans les yeux, tentant de savoir ce que je lui inspire, ce qu'elle pense de moi, sur moi, elle semble un moment perdue, perdue dans ses pensées, est-elle avec quelqu'un d'autre ou pense-t-elle tout simplement à ce que j'ai dit? Je penche légerement la tête pour tenter de dicerner quoique ce soit mais ne voyant rien, je pense que la regarder ainsi pourrait l'importuner, c'est pour cela que je détourne lentement le regard...

" Visiter ma demeure? Moi même je ne la connais pas bien. J'ai vu la bibliothèque, des livres magnifiques. Ma cellule, des gens pathétiques. Les couloirs aussi. Tu veux peut être retrouver ta liberté? Dans ce cas ne visite rien. Improvise. Histoire de ne pas paraitre suspecte. Je t'autorise à partir. En général je n'aime pas les gens qui s'échappent. Ils sont à moi, puisqu'ils sont chez moi. Mais toi tu peux."

J'étais décidemment de plus en plus fascinée, elle était un mélange de gentillesse avec moi, une personne spéciale, originale, et elle parlait d'elle à la troisième personne... Je ne pouvais détourner mon attention bien longtemps au final... J'étais autorisée... Mais pourquoi moi plus qu'une autre personne! A elle? Comment ça à elle? Je ne comprenais plus rien cette fois, c'était une prisonnière...

- Je pourrais savoir pourquoi j'aurais le droit plus qu'une autre personne de sortir?

J'avais demandé ça d'un ton plus doux que la normale, je voulais savoir et elle m'avait intéréssée dès sa première paroles c'était pour cela que mon ton était interrogatif... Je me demandais ce qu'elle avait de si spéciale qui m'attirait autant

- Je pourrais savoir pourquoi j'aurais le droit plus qu'une autre personne de sortir?

En réalité ça ne lui apporterait rien de savoir. Elle veut que je me justifie. Un dieu n'a pas besoin de se justifier. Elle est un peu naïve, cela amuse Hina. Elle se rabaisse volontairement, se met au même rang que les autres vermines de cette prison. Peut être était elle exactement pareille. Pourtant je ne pense pas. Ici tout le monde veut paraitre plus fort qu'il ne l'est, plus fort que tout le monde. Et pourtant il n'existe personne au dessus de moi. Ils sont tellement stupides. Ridicules. Abrutis. Les mots défilent dans ma tête. Etrangement la haine dans mon regard grandit. Sephyr le prendra peut être pour elle. Mais non. Je hais les inferieurs.

" Pourquoi? Parce que Hina l'a décidé. Parce que Hina sait. Je sais que tu n'es pas comme eux. Je te laisserai partir parce que tu sais que je suis mieux. Tu dois acquérir de l'expérience. Tu es sur la bonne voie et Hina ne veut pas te laisser seule. Tu vas pouvoir t'élever au dessus des autres, et de tout en haut je pourrais t'aider à monter. Evidemment, tu n'arriveras jamais à mon stade. Mais tu iras plus haut que le commun des mortels "

Mon monologue n'était qu'à son début. Je pourrais continuer des heures et des heures pour tenter de la convaincre d'être supérieure, d'être la transition entre moi et la vermine. Elle y arrivera. Pour le moment elle ne me prend pas pour une folle. Pour le moment elle semble avoir confiance. Elle a raison. Pour le moment je suis gentille..Gentille. Avec elle. Mais cela pourrait vite changer. Peut être essaie t-elle d'amadouer Hina. Elle veut peut être se servir de moi. Mais il est impossible. Si cette idée lui traverse la tête elle connaitra la souffrance ultime. Personne n'a le droit.

" Hina a décidé que tu dois vivre."

Elle ne pensera surrement pas que cette phrase va assurer sa survie ici. Elle pensera que je divague. Que je mens. Mais non, elle vivra aussi lontemps que je l'aurais décidé. Quand j'autorise la vie, ce n'est pas définitif. Mais ça je ne lui dirais pas. Elle a le droit de vivre, les cartes sont dans ses mains. A elle de bien jouer.