Plus tout à fait sûr d'être heureux d'être arrivé ?[Thorkel]

Je tombe en arrière… Je me crispe, attendant avec appréhension un atterrissage probablement douloureux. Mais je tombe sur… du sable. Du sable tout doux, tout chaux. Je regarde autour de moi et voit du sable à perte de vue de tous les côtés. Je n’ai plus mal nul part, je me relève sans problème. Je suis tellement heureux, tout ça c’était juste un cauchemar, un affreux cauchemar. Je vais rentrer chez tonton et tout sera comme avant, je serais toujours maladroit mais il me dira que c’est pas grave avec son beau sourire… seulement voilà il y a un petit problème, où c’est chez Tonton ? Je ne reconnais pas cet endroit et tout est pareil à l’horizon. Comment je vais faire pour trouver ? Je suppose que ce n’est pas grave, je n’ai qu’à avancer tout droit dans une direction et je finirais bien par trouver. Alors j’avance… Et j’avance toujours au bout de ce qui me paraît une éternité. C’est tellement dur de marcher dans le sable et le soleil tape de plus en plus fort dans cet étrange désert. J’ai soif, tellement soif… J’étais en train de me demander si j’y arriverai un jour quand, d’un coup, sans raison apparente, le sol s’ouvre sous mes pas et je tombe dans un grand précipice sans fin… je me cogne contre las parois et j’ai mal partout et tellement, tellement soif…

J’atterris enfin sur… une surface molle. J’ouvre les yeux d’un coup sur un plafond complètement blanc. Où est ce que je suis ? Qu’est ce qui m’est arrivé ? J’ai un de ces mal de crâne… J’était dans un désert, non, c’était juste un rêve. En tout cas rêve ou pas j’ai toujours aussi soif… Je me rappelle, voyons… j’étais à l’accueil oui c’est ça ! et j’ai du m’évanouir. Je tourne légèrement la tête sur le côté malgré la douleur que cela éveille dans ma pauvre tête qui n’a pas du toucher le sol avec douceur et je m’aperçois que je ne suis pas seul. Le gardien est assis à côté du… lit je suppose, sur lequel je suis allongé. J’essaye de me relever sur un coude mais j’abandonne bien vite cette tentative, mes coudes n’ont pas été plus épargnés que le reste pendant le voyage d’aller. Je me contente donc de tourner la tête pour observer mon environnement, où que je pose mes yeux, il n’y a que du blanc. Je suppose que je dois être dans une infirmerie ou quelque chose d’approchant… Ca veut dire que le gardien, il m’a amené ici ! Je tourne à nouveau la tête dans sa direction.

« Merci »

Je ne sais pas si il a entendu quelque chose tellement je parle bas, j’ai du mal à bouger mes lèvres toutes sèche autant que ma langue tout aussi desséchée. Finalement j’ai vraiment de la chance d’être tombé sur ce gardien, un autre aurait très bien pu me laisser par terre ou me réveiller en me gifflant.

[Avec mes plus plates excuses ]


Je le vois tourner la tête vers moi. Un mot, un signe de tête, je ne peux faire que cela. Je me lève de ma chaise. Je vais droit à la table de nuit. Il y a là un verre et une bouteille d’eau, je me saisis de celle-ci et je verse le liquide transparent dans le verre. Une fois fait je me tourne vers lui, et je m’assoie sur le bord du lit, proche de lui.

Je lui maintiens la nuque pour qu’il relève un peu la tête. Je porte le verre à ses lèvres. Mais il se précipite trop rapidement. Il a juste le temps de boire une gorgée qu’il s’étouffe. Je le lâche, ses mains saisissent la mienne, celle qui tient de verre d’eau. Il veut me le prendre. Mais je les repousse. Il est vraiment assoiffé, il doit malgré tout prendre son temps.

-Un peu de patience, jeune Ian. Prends par petites gorgées.

Je peux lire beaucoup de tristesse dans ses beaux yeux. Et dire qu’il a tué plusieurs centaines de personnes. Le contraste est flagrant entre lui et le tueur, trop à mon gout. Je ne peux m’empêcher de penser qu’il est étranger à cette affaire. Si seulement c’était si simple. Je caresse sa joue de ma main libre et doucement je lui parle.

-Reste ici le temps qu’il faudra pour te remettre. Personne ne viendra t’embêter. Je ne serais pas loin, et dès que tu auras retrouvé tes forces je t‘emmènerais à ta cellule.

Je me relève, je vais quitter cette place que j’aimerais garder. Mais d’autres choses m’appellent. Je m’apprête à partir mais deux questions ne taraudent toujours l’esprit. J’aimerais bien qu’il me réponde franchement. Je me reviens sur mes pas brusquement, autant le faire de suite.

-As-tu vraiment fait ces meurtres horribles ? Et cet oncle pourquoi il n’a rien fait pour toi ? Tu en as parlé quand tu étais évanouie.

Je lis de la surprise dans son regard, de l’incompréhension mais toujours cette tristesse qui m’émeut plus que tout. Encore cette faiblesse qui me fait défaut face à un jeune qui est perdu dans ce monde dur et froid.
Je lui donnerais volontiers ma protection s’il le désire mais avant cela je dois savoir.

Je ne penses pas qu’il ait entendu ce que je lui aie dit mais au moins j’ai essayé de le remercier, je ne peux guère faire plus, trop desséché, trop fatigué, trop mal au crâne... Je vois des petites lumières bizarre qui volètent devant mes yeux… Je ne pense pas que le gardien les voit, lui. Le gardien qui se lève et s’éloigne de moi. Je ne sais pas quoi penser à son sujet… Il ne m’ pas frappé, pas comme les autre, mais impossible de savoir si il ne va pas le faire plus tard. Il m’a tout de même ramassé par terre, je devrais lui être reconnaissant au lieu de me méfier de lui. J’entend soudain un bruit que je n’ai que trop entendu pendant le voyage et qui a pris des allures de torture : de l’eau qui coule. Je ne peux m’empêcher de pousser un léger gémissement de détresse presque inaudible, lui aussi il va s’amuser à boire devant moi en ricanant de mon incapacité à lui prendre son eau ? Quand il reviens vers moi il a un verre à la main, un verre rempli d’eau… Je ne peux détacher mes yeux de cet objet qui me semble quasi divin sur l’instant, je jette un coup d’œil suppliant au possesseur de cette merveille mais il semble que ce n’était pas la peine. En effet à peine assis sur le lit à côté de moi il me relève la nuque d’une main et me propose le verre de l’autre. Je ne me suis jamais autant précipité sur quelque chose je crois ; Je me précipite sur le verre et essaie de boire le plus d’eau possible d’un coup. Résultat je m’étouffe dès la première gorgée et me mets à tousser. Mais c’est tellement merveilleux de sentir de nouveau de l’eau couler dans ma gorge que je n’ai pas pu m’en empêcher. Il me lâche, il vaut déjà m’enlever l’eau ? Au non s’il vous plait ! juste le verre, juste le verre d’eau mais entier, juste un seul verre d’eau… Je m’accroche à la main du gardien qui tient mon trésor. Mais il me repousse sans difficultés, je ne crois pas que quiconque aurait eu des difficultés à me repousser étant donné la force qui me reste dans les mains…

-Un peu de patience, jeune Ian. Prends par petites gorgées.

Il ne voulait pas me l’enlever, juste me dire de me calmer... tout ce qu’il voudra pourvu qu’il me laisse le verre, ce qu’il fait. Je m’oblige à le boire lentement, par petites gorgées comme il m’a dit de le faire. Je meurt d’envie de finir le verre d’un coup mais je ne veux pas qu’il me l’enlève encore, alors je bois doucement. C’est si facile de me faire obéir… dire que je me sens si heureux d’avoir simplement le droit de boire un verre d’eau, cette pensée me rends triste. Ce sera comme ça pour toujours, parce que c’est comme ça ici et que je ne sortirais jamais d’ici… Je sens sa main sur ma joue et je tourne mon regard vers lui, il me parle d’une voie douce… Est ce vraiment un gardien pour être aussi gentil avec quelqu’un qu’il pense être un criminel ?

-Reste ici le temps qu’il faudra pour te remettre. Personne ne viendra t’embêter. Je ne serais pas loin, et dès que tu auras retrouvé tes forces je t‘emmènerais à ta cellule.

Oui vraiment je me demande si je ne suis toujours pas en train de rêver… Ca n’existe pas des gardiens de prison aussi gentil, ou juste dans mon imagination. Il se relève, il a sûrement autre chose à faire que de rester avec moi. Mon verre est fini mais si je vais en chercher un autre quand il ne sera plus là il ne pourra pas le savoir… si ? Je ne veux pas risquer de le mettre en colère, surtout pas ! Et pourtant.. je voudrais tellement boire un tout petit plus, rien qu’un peu… Dilemme qui de toute façon la question ne se pose plus puisqu’il semble avoir changé brusquement d’avis. Il fait en effet volte face et reviens vers moi. D’un coup j’ai peur de manière tout à fait irrationnel qu’il ait entendu mes pensées et qu’il reviennent me punir d’avoir seulement penser désobéir.

-As-tu vraiment fait ces meurtres horribles ? Et cet oncle pourquoi il n’a rien fait pour toi ? Tu en as parlé quand tu étais évanouie.

Mais il semblerait que ça n’est rien à voir et je reste un instant silencieux sous le coup de la surprise. Surprise que quelqu’un me demande si j’ai vraiment tuer ces gens, jusqu’ici personne ne l’avait fait. Ils étaient tous si persuadés que j’étais coupable qu’ils se fichaient même éperdument de mes dénégations, alors me poser la question… Et, deuxième surprise, quel oncle ? Je ne me souviens pas avoir d’oncle… Ou alors il a du mourir… Et puis soudain je me souviens que « Tonton » est un synonyme d’oncle. Mais ce n’est pas mon oncle c’est son nom… quoique au tribunal aussi ils avaient l’air de dire que c’était mon oncle alors peut être qu’il l’est devenu… Mais surtout, j’ai parlé de Tonton ? Pendant que je dormais ? Mon Dieu mais qu’est ce que j’ai bien pu dire ?! J’espère que je ne l’ai pas trahit ! Avec une panique de plus en plus grandissante je regarde le gardien. Bon du calme, d’abord répondre à la première question. Je regarde à nouveau le gardien avec incrédulité. Il me pose vraiment la question ? Il veut vraiment savoir ? Alors je lui réponds, la vérité comme toujours et je m’attends à ce que comme toujours il me dise d’arrêter de mentir voir me frappe pour me punir d’avoir menti…

« Je n’ai jamais tué personne… »

Et puis je me tais, peut être que même si il se mets en colère à cause de ma réponse comme ça il oubliera Tonton…

Cette phrase je me la repasse dans la tête surtout la façon dont il la prononce. A mon avis il l’a déjà répété mainte fois. Personne ne l’a cru … et moi ??

J’aimerais bien mais la voix d’un détenu laisse des doutes. Pourtant j’aime à le croire. Mais pourquoi il a le visage et le corps si crispé ? Est-ce à cause des crimes ou l’autre question ?
Il ne m’a toujours pas répondu. Il n’en a pas l’intention. Mais je suis tenace, je veux une réponse à toutes mes questions.

Je me rassois sur ma chaise et je croise les bras et les jambes. J’attends patiemment mais il n’a pas l’air de vouloir le faire. Que cela ne tienne, je vais réitérer ma question. Mais là pas d’échappatoire, il devra me mettre au courant.
Cet oncle qui est-il au juste ? Pourquoi ne veut-il pas en parler ? il évite carrément la réponse.

Il devrait savoir que rien n’échappe aux gardiens. On a vu et entendu tellement de chose que l’on arrive à faire une différence.
Pourquoi cet oncle ne lui ai pas venu en aide ? Tant de questions, mais pourquoi je me pose des questions sur un détenu qui vient à peine d’arriver ?
Ce n’est pas dans mes habitudes, je crois que je suis en train de fondre sous ce regard désemparé. Ce n’est pas normal, je ne suis pas venu à Sadismus pour devenir un « gentil » je ne le suis plus depuis bien longtemps.

J’ai l’impression que cela fait une éternité que j’attends. Le temps de la réponse est écoulé.

-alors et cet oncle, pourquoi tu ne veux pas m’en parler ?

Question franche, directe. Je suis un peu en colère. Je croyais qu’il ne me cacherait rien. J’ai eu tord sur lui. C’est peu être un complice, il n’a pas pu faire cela tout seul de toute façon, c’est impossible.

Je me relève brusquement de ma chaise et je reviens m’assoir sur le lit. Sans détour je lui attrape les poignets durement.

-Dis-moi pourquoi il t’a laissé venir ici ?

Je lui réponds, la même réponse que d’habitude, la seule qui est vrai. Mais les hommes veulent qu’on leur dise ce qu’ils ont envie d’entendre, pas la vérité. Alors je me crispe dans l’attente d’un coup… qui ne vient pas. Je regarde le gardien debout à côté de moi, mais il ne fait pas mine de faire un geste. On dirait qu’il me jauge du regard, et puis qu’il attend quelque chose. Il attends quelque chose ? Oh non… J’espère qu’il n’attends pas une réponse à son autre question… J’espérais tellement pourtant qu’il l’oublierais… qu’est ce que je peux lui répondre , de toute façon je ne sais rien de Tonton, même pas son vrai nom… Il me semble qu’ils l’avaient dit au procès mais je ne m’en souviens plus. Ca me faisait tellement bizarre que des gens l’appellent autrement que Tonton… C’était ça son nom pour moi…

Je m’aperçois alors que le gardien s’est rassis et qu’il a croisé bras et jambe, visiblement dans l’attente d’une réponse que je ne veux pas lui donner. Si je lui répondais qu’est ce qui arriverait à Tonton ? Des policiers viendrait le chercher chez lui ? Et ils seraient méchant avec lui comme ils ont été méchant avec moi… Je ne veux pas, surtout pas… alors je ne lui dirais rien. Sauf qu’il attend toujours, d’un air de plus en plus impatient et j’appréhende de plus en plus sa réaction quand il se rendra compte que je ne répondrais pas. Mais tant pis ce sera juste comme dans le fourgon il faudra juste attendre que ça passe. J’aime bien trop Tonton pour préférer qu’il soit lui à ma place…

-Alors et cet oncle, pourquoi tu ne veux pas m’en parler ?

Sa question a claqué dans l’air de manière assez sèche, sans doute à cause du silence qui règne dans l’infirmerie, une question des plus directe… J’ai l’impression que je l’ai mis en colère, mais qu’est ce que j’y peux ? Je ne peux pas répondre à sa question alors plutôt que de lui raconter des mensonges je préfère me taire. De toute façon je ne sais pas mentir. Je me tourne résolument de l’autre côté du lit, je ne le vois pas, je ne veux pas le vois. Je ne lui réponds pas, je ne veux pas lui répondre. Je me donne l’impression de faire quelque chose de mal, ce gardien a été tellement gentil avec moi et moi je l’ignore… Mais je n’y peut, c’est quand même Tonton qui est le plus important pour moi…

Je sursaute quand il se relève brusquement mais je laisse ma tête tournée à l’opposée de lui. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Parce que j’ai peur de lui ? ou parce que j’ai honte de lui cacher des choses ? Les deux sans doute… Mais peut être que la peur prends le dessus quand il se rassoie sur le lit et me saisit les poignets avec rudesse, toute douceur envolée.

-Dis-moi pourquoi il t’a laissé venir ici ?

« Je ne sais pas… »

Je réponds en gémissant… La vérité encore une fois, je n’en sais strictement rien… Sauf… Sauf si il voulait se débarrasser de moi, s’il en avait assez de m’avoir dans les pattes alors que j’étais si maladroit, s’il me détestait… Je ne peux pas supporter cette idée. Tonton c’est la seule personne qui ait pris sin de moi et qui soit encore vivante, toutes les autres elles sont mortes, elles m’ont abandonnés… Tonton aussi, il m’a abandonné ? Non ! Je ne veux pas… Mais il n’est jamais venu me voir, je ne l’ai plus revu depuis cette fameuse nuit… Il ne pouvait pas c’est tout, il avait trop de travail… Je sens des larmes couler sur mon visage et je me dis vaguement que c’est un peu ennuyant de perdre déjà l’eau que je viens à peine de boire…

Je ne comprends pas pourquoi il s'obstine à ne pas répondre. Un petit "je ne sais pas " vient clore le sujet il me semble. Je n'en tirais rien de plus. Des larmes viennent inonder ses joues déjà bien pales. Il me fait de la peine.

*Vient-il de se rendre compte qu'on l'a laissé seul? Qu'il a été abandonné par ses proches? *

C'est sûrement le cas. Par contre je peux comprendre cela au moins. Je lui lâche les poignets, ma main se pose le menton pour qu’il tourne la tête vers moi. De mes doigts j’essuie les larmes qui continuent de couler. Va-t-il arrêter un jour ?

Mon visage se met à la hauteur du sien. J’ai tout le loisir de voir ses yeux bien en face. Ils sont si tristes, si inquiets. Je lui ai sûrement lui faire peur. J’ai été brusque mais je ne souffre d’aucuns remords. Pourquoi ? Parce que je suis un gardien. Navré pour lui mais je n’irais pas jusqu’à le dorloter. Ce n’est vraiment pas dans mes desseins.

Je pourrais avoir d’autres projets pour lui qui c’est mais pour l’instant il faut qu’il se repose. Dans cet état, je ne sais pas s’il sera capable de tenir à qui que ce soit. Et à mon avis il en aurait besoin. Sadismus n’et pas fait pour les tendre. Au contraire ils sont même utilisés à des fins plus …. Sexuelles et douloureux.

Je crois que je vais garder cela pour moi pour le moment. Quand son état se sera vraiment amélioré alors je pourrais lui dire le fonctionnement de la prison, l'impitoyable, l’inflexible prison.

Pour l’heure, Ian est toujours en larmes. Je me risque à quitter son visage pour le prendre par les épaules. Doucement, sans trop le brusquer, je l’amène vers moi, contre mon torse. Qu’il se libère enfin de toute cette tension. C’est tout ce que je peux effectuer pour lui. Et je crois que c’est déjà pas mal. Si on me voit ainsi, ça va jaser.

-Calme-toi maintenant C’est finis … Ou presque.

je prononce ces derniers dans un murmure, je ne voudrais pas l'effrayer. Je lui caresse légèrement le dos tout en continuant à lui murmurer des mots apaisants. C’était difficile pour moi, cela faisait si longtemps que je n’avais fait cela. Mon cœur se serre douloureusement, mes mains se crispent sur ce corps frêle. Mes pensées vont vers Dan, il me manque tellement à cet instant.

Mince, faut pas que je pleure, je vais encore être complètement déshydraté… Mais je ne peux pas m’arrêter, j’ai l’impression d’avoir un gros poids qui m’écrase le cœur. Et maintenant que le gardien est en colère contre moi il ne me donnera probablement plus d’eau… Je sais bien que c’est ma faute s’il est fâché mais je ne peux pas lui répondre, ce serait une trahison que je ne me pardonnerais jamais. Un vrai dilemme… Si seulement il arrêtait de me demander, ce serait bien. Peut être y’a-t-il un bon génie qui veille sur moi et exauce mes souhaits pare qu’à peine je me fais cette réflexion qu’il me lâche les poignets. J’ai soudain un doute sur le qualificatif « bon » quand il me saisit le menton pour m’obliger à tourner la tête mais il ne fait qu’essuyer mes larmes. Larmes qui n’en coulent que plus d’ailleurs, je ne sais pas comment les faire cesser.

Je le regarde plein d’incertitude alors que son visage se positionne à la hauteur du mien. Il m’a fait peur à être si brusque… mais on dirait qu’il n’a pas l’intention de continuer à me maltraiter, mais il n’a pas l’air honteux du tout non plus. D’un autre côté il n’y a pas de quoi, il m’a juste tenu par les poignets c’est tout. Ce n’est pas de sa faute si les menottes étaient trop serrées… Et puis c’est moi qui ne voulais pas répondre… sur tonton… Tonton… Je voudrais tellement le voir rien qu’une fois ! Il me dirait qu c’était des bêtises qu’il ne m’aurait jamais laissé, qu’il y a une explication toute simple… Alors pourquoi je ne la trouve pas ?

Le gardien me prends doucement par les épaules et me sers contre lui avec délicatesse. Tonton aussi me serrais dans ses bras parfois… J’éclate d’un coup en sanglots en me serrant contre l’homme en face de moi. Je me fiche de savoir si c’est un gardien ou pas, je veux juste qu’il ne me lâche pas. Je voudrais que ce soit Tonton à sa place dans notre appartement. Sur mon lit juste avant d’aller dormir. Je le voudrais tellement, que tout soit comme avant, que ce procès n’est été qu’un mauvais rêve. Et tous ces morts aussi, je voudrais qu’ils ne soient pas morts, je voudrais ne pas avoir leurs visages dans ma tête quand je ferme les yeux, ne plus les voir dans mes cauchemars… Si ça se trouve Tonton croit que je les ais vraiment tuer, et c’est pour ça qu’il ne viens pas me voir, qu’il ne m’aime plus. Non je dois lui expliquer que ce n’est pas vrai… Mais il le sait normalement… C’est lui qui m’a emmené dans la maison où il y avait déjà tous ces morts… Le gardien me parle je crois mais je ne comprends pas bien ce qu’il dit.

« Je… veux… rentrer… chez…. moi ! »

Je sanglote toujours sur l’épaule du gardien, jusqu’à ce que les mots qu’il prononce d’une voix calme finissent par faire l’effet d’une douce mélodie qui me calme. J’ai cessé de pleurer depuis un bout de temps, faute d’eau probablement, quand mon corps cesse enfin de s’agiter en sanglots convulsifs. Je reste encore un petit moment lové sans bouger contre « mon » gardien avant de me décider à décoller un peu la tête pour demander.

« Est-ce que… euh… Est-ce que je pourrais… avoir de nouveau de l’eau s’il, s’il vous plait ?

J’espère que ma demande n’est pas trop impertinente. En plus j’ai bafouillé… Mais ça je n’y peut rien… Je suis trop intimidé d’oser demander quelque chose. Tonton et surtout Cousine m’avait vite fait comprendre qu’il ne valait mieux pas être impertinent si on voulait ne pas se réveiller avec de jolis bleus tirant sur le violet-mauve le lendemain matin. J’ai déjà des jolis bleus tirant sur le violet-mauve et même sur le jaune et le vert par endroits, je ne veux surtout pas agrandir ma collection. Je jette un coup d’œil implorant au gardien, pourvu qu’il dise oui… ou alors au moins qu’il ne me frappe pas s’il vous plait bon génie si vous existez vraiment…

« Est-ce que… euh… Est-ce que je pourrais… avoir de nouveau de l’eau s’il, s’il vous plait ?

Il a levé son visage, je peux voir toute la tristesse d’un enfant perdu dans le milieu d’adultes. Mais le lieu en question est le pire qui soit pour lui. Les adultes n’ont laissé aucune chance, comme il en avait déjà eu une. Non jeune Ian tu ne rentreras pas chez toi, ni maintenant si jamais. J’en suis profondément désolé. Mais qui puis-je ? Je n’en suis que le gardien et pas le seul.
Sa voix est faible mais c’est normal, il doit avoir soif et peur surtout. Comme si le faite de me demander une chose pareil peu me mettre en colère.
Mes lèvres s’étirent, je souris effectivement. Pas que je me moque de lui, mais c’est cette pensée, je la trouve si ridicule.
Je le prends par les épaules pour le redresser. Puis je me lève pour aller récupérer la bouteille d’eau ainsi que le verre. Je reprends ma place initiale avec mes accessoires. Je verse de l’eau et lui tends. Ses yeux sont limpides autant que cette eau. Je dois sûrement tenir un grand trésor entre mes mains.
Cette fois je ne l’arrêterais pas. Qu’il prenne tout ce qu’il veut. Sa bouche se jette sur le liquide, ses yeux sont fermés. Je soupire, c’est tout moi ça, je ne peux vraiment pas m’en empêcher. Dès qu’un jeune est en difficulté il faut que je l’aide ou quelque chose de semblant. Mais si un jeune à l’âme noire j’ai la faculté de la discerner aussi et là je n’aurais aucune pitié pour lui. Il ne faut pas exagérer non plus, je ne suis en aucun cas le bon samaritain.

Je pose ma main sur sa tête et lui frotte les cheveux déjà bien en bataille. Il a enfin finis tout son verre.


-Je suppose que tu ne veux pas me parler de cet oncle. Mais s’il te plait pose-toi les bonnes questions et fait-le sans écouter ton cœur. Ce qu’il a fait pour toi, est-ce une bonne chose. J’en doute pour ma part, on ne laisse pas un être aimé derrière soi. Surtout un jeune comme toi, naïf, sur un lieu de mort.

J’aurais voulu lui dire que tout va bien, qu’il n’a plus rien à craindre. Mais ici c’est vraiment tout le contraire. C’st triste pour lui mais c’st ainsi, plus personne ne peut plus rien pour lui. Je vais tâcher de garder un œil sur lui. Le prendre sous mon aile, c’est encore possible, bien des gardiens ont ce droit. Mais encore faut-il qu’il me le demande.

Mais généralement il doit donner quelque chose en contrepartie.

Je vais finir par croire aux bons génies, moi qui n’ai jamais cru en aucun dieu, je trouvais cette notion bien trop abstraite. Mais peut être qu’il existent finalement… Dans ce cas c’était très impoli de ma part de douter de leur existence mais il s me pardonneront sûrement, je ne pouvait pas savoir… Et puisqu’ils exaucent mes souhaits je suppose qu’ils ne sont pas fâchés. J’ai pourtant sérieusement douté de leur existante ou tout au moins de leurs bonnes intentions lorsque le gardien a sourit… Pas que ça ait été un sourire moqueur, méprisant ou mauvais et menaçant mais je ne comprenais pas et je ne comprends toujours pas d’ailleurs ce qu’il y avait d’amusant dans ma demande. Alors j’ai eu peur, peur qu’il soit comme les policiers, qu’il trouve cela amusant de me regarder souffrir ou de me voir supplier… Je ne comprends pas ce qui peut leurs faire plaisir là dedans, qu’est ce que je leur ais donc fait pour qu’il me haïssent ainsi ? Je ne vois pas ce que je leurs ai fait, rien du tout… Alors le fait que j’ai par contre fait quelque chose pour m’attirer la colère de ce gardien ne m’a vraiment pas rassuré lorsque celui-ci m’a prit par les épaules. Mais il s’est contenté de me redresser avant de se lever.

Et quelques instant plus tard il est de retour avec entre ses mains un véritable trésor. Une bouteille remplie, remplie d’eau… Pour l’instant je ne veux penser à rien d’autre, rien d’autre que cette eau qui m’est devenue si précieuse à force de m’être refusée. Je refuse de penser à nouveau que je ne pourrais sûrement jamais sortir d’ici, que je ne reverrais probablement jamais Tonton… parce qu’il ne viendra jamais me voir… Je chasse avec violence cette pensée là en particulier avant de recommencer à sangloter. Je me concentre sur le verre que me tends le gardien et sur son contenu. Je le saisis d’une main tremblante et le porte doucement à mes lèvres en fermant les yeux. J’essaye de retrouver ma sérénité, de faire cesser au fond de moi ces sentiments si violents. Je déteste la violence. C’est peut être un non sens d’ailleurs car le fait de détester quelque chose fusse la violence est un sentiment violent. Je bois le précieux liquide à petites gorgées en essayant de bien le savourer et à chaque gorgée je sens mon calme intérieur s’établir un peu plus fermement. Ce voyage m’a éprouvé tant physiquement que moralement mais c’est fini maintenant je suis arrivé. Les gardiens de la prison ne peuvent pas être aussi cruels que ces policiers, si ? Sûrement que non…

Mon verre est vide, je me sens mieux, apaisé. La main du gardien s’en va emmêler un peu plus mes cheveux noirs, ce qui m’arrache un sourire timide. Il m’a fait peur tout à l’heure mais il est gentil en fait. Cependant mon sourire disparaît quand il me parle de Tonton. Je ne veux pas me poser ces questions, je le refuse… parce que j’ai bien trop peur des réponses, parce que je sais qu’il a raison. On ne laisse pas un être aimé derrière soi… Mais si moi j’aime Tonton, qu’il est un être aimé pour moi… lui ne m’a probablement jamais aimé vraiment ou alors il ne m’aime plus, il m’a abandonné. Je ne compte plus pour lui, je ne compte plus pour personne. Alors quelle importance a ma vie si personne ne lui en accorde ? Je sens une larme solitaire glisser le long de ma joue alors que je serre entre mes doigts le verre maintenant vide. Peut être que si je le sert assez fort il va se briser. A quoi ça sert que je vive cela n’a d’importance pour personne, au contraire je suis sûr que ça ferait plaisir à tant de gens, tous ceux qui veulent que l’assassin qu’ils croient que je suis meure et ceux qui sont bien content que j’endosse la responsabilité de leurs actes…

« Je veux mourir… »

Je peux ressentir sa détresse et elle est bien réelle. J'aimerais le soulager, mais comment faire ? Je n’ai pas l’habitude de faire du sentiment.
Je regarde cette larme unique glisser le long de sa joue. Il va encore s’effondrer en pleure. Je ne sais plus quoi faire. Peut être le laisser un peu seul, pour qu’il retrouve un peu de tonus. Bien que je me demande s’il va réussir à remonter la pente. Il le faudra bien car il doit aller en cellule tôt ou tard mais il ira.
La jointure de ses doigts blanchit, c’est un mauvais signe. Lentement ma main vient se poser sur la sienne.
Je reprends le verre, il y a eu une légère résistance, que voulait-il faire au juste ? Si c’est bien ce que je pense il va falloir que je garde un œil sur lui pour qu’il ne fasse pas de bêtise. Il est hors de question qu’il fasse une connerie pareille. Je prends une voix douce et calme pour m’entretenir avec lui.

-Ecoute, je vais être obligé de te parler de la prison. Et je vais te mettre en garde. Tu dois tout savoir. Ce n’est pas joli et ce n’est pas une prison comme les autres. Ici pour les gardiens tout est permis. Tu devras être très obéissant, sinon c’est l’isolement ou a torture et même …le viol. Bien sûr il y aura des risques aussi avec les autres détenus. Tu comprends la situation ?

Je crois que j’ai capté son attention. Je sais que j’aurais du attendre mais autant qu’il sache tout de suite. Ce n’est pas de gaité de cœur que je le fais.
Je passe mon bras autour de ses épaules pour lui dire et lui faire comprendre que je le soutiendrais. Si c’est dans mes capacités, et surtout si c’est justifié.

-T’inquiète pas tout se passera bien. Et en cas de problème je serais là si tu le désires.

J’ai cru bon de rajouter cela. Je ne voulais pas l’effrayer, en regardant son visage je crois que c’est ce que j’ai fait malheureusement. Si c’est le cas, il n’a pas finis de l’être. Je resserre mon étreinte, je lui donne ma force, et un peu de courage.

–Je vais te laisser te reposer … je repasserais plus tard … D’accord ?

C’est vrai, non ? C’est mieux si je meurs, si je disparaît ça rendra plein de gens heureux… Si je meurs personne ne sera triste de toute façon et moi je ne serais plus tout seul… Enfin je ne sais pas trop, je ne crois pas vraiment en Dieu alors peut être qu’il va se fâcher si il existe… Je m’en fiche en fait. Si je ne suis pas avec Tonton c’est comme si j’étais tout seul puisque personne d’autre ne se soucie de moi. Mon regard se perd sur le verre que je serre de plus en plus fort. S’il se brise je vais me couper, mais c’est ce que je veux non ? Cousine m’avait expliqué ça pour se tuer tout seul il faut quelque chose qui coupe et puis il faut se couper au niveau des poignets. Elle avait un drôle d’air d’ailleurs, elle était ivre je crois. Elle m’avait dit d’essayer pour voir mais je n’avais pas essayé. Je vais essayer maintenant. Il faut juste serrer un peu plus fort…
Mais le gardien m’enlève le verre des mains, je tente de le retenir mais sans grande conviction, je n’ai plus de force dans les doigts, je n’ai plus de force tout court… Peut être que si je reste là sans bouger je vais finir par mourir sans avoir besoin du verre. Mais sa va être long, je voudrais partir tout de suite… La voie du gardien me sort de ma torpeur toute nouvelle et je relève les yeux vers lui.

La prison ? Ce n’est pas la première dans laquelle je vais, j’étais dans une autre avant, pendant le procès, ils appelaient ça de la préventive. Les prisons ne sont jamais jolies, en tout cas celle où j’étais ne l’était pas, elles sont tristes et toutes sombres et personne ne vous adresse la parole sauf pour dire de se lever quand il faut aller au procès… Alors ce n’est pas parce qu’elle n’est pas jolie qu’elle est différente des autres.. Les gardiens ont le droit de tout faire ? C’est à dire, ils font quoi ? Que… Quoi ?...

Je regarde fixement mon interlocuteur à présent, les yeux légèrement écarquillés et la lèvre inférieure tremblante. Il me dit ça parce que je n’ai pas été obéissant ? Mais je n’ai pas fait exprès de m’évanouir pas du tout… Je ne veux pas qu’on me torture, je serai très sage promis… Je ne sais pas très bien ce que c’est les deux autres choses mais ça doit être des punitions aussi quand on est méchant avec un gardien. Peut être qu’il dit ça parce que je l’embête et qu’il veut que j’arrête ? Parce qu’il n’a pas envie de perdre son temps à rester avec moi… Mais si je meurs il sera soulagé alors, il n’aura plus à s’encombrer avec moi… Il vaut vraiment mieux que je meurs… Mais si on retrouve mon cadavre les gens diront peut être que c’est de sa faute. Je ne veux pas lui faire des ennuis alors qu’il a été si gentil avec moi…. Mes yeux ont replongés vers mes genoux alors que je me torture l’esprit sans savoir quoi faire. Son bras m’encercle les épaules me faisant le regarder de nouveau.

-T’inquiète pas tout se passera bien. Et en cas de problème je serais là si tu le désires.

Tonton aussi m’avait dit que tout irais bien avant de m’abandonner dans cette maison pleine de cadavre. Je lève des yeux inquiets vers lui. Lui aussi il va me laisser ? S’en aller en me laissant à la merci de gens qui vont me frapper et m’insulter en m’accusant de crimes affreux que je n’ai pas commis ? Il me sert un peu plus contre lui avant de confirmer mon horrible pressentiment, il me laisse. Tonton aussi m’avait serré fort contre lui avant de me laisser, je ne veux plus qu’on m’abandonne ! Je m’agrippe fermement avec une force que j’ignorais posséder à l’uniforme du gardien en lui demandant d’une voie suppliante.

« Non ! Je vous en prie ne me laisser pas tout seul ! Je serais très sage je vous le promet, je ferais tout ce que vous me direz même si je suis un peu maladroit mais ne me laisser pas tout seul je vous en supplie… »

Ses yeux, ce regard agar, je ne croyais pas que ça existerait ici. Un coup violent vient d’être porté à ma poitrine. Non je dois rejeter cela. Mais ses yeux sont si limpides, si innocents. Pourquoi, pourquoi a-t-il fallu que ça tombe sur moi.
J’étais bien étendu sur mon lit, à faire le vide de la journée. Pourquoi ils m’ont appelé … Moi.
Je ne suis pas un être sensible, que diable. Je pourrais en faire qu’une bouché de ce petit. Alors qu’est-ce que j’attends ? Pourquoi je reste là à le prendre dans mes bras et le consoler ?

*Putain je suis vraiment trop con, ou pas assez*

Je sens ses doigts se crisper sur ma veste, il va l’arracher s’il continue. Je ne saisis pas pourquoi il réagit comme ça. S’il se tient à carreaux il n’a aucune raison d’avoir peur. Et ne lui ai-je pas dit que je serais là en cas de besoin ?

« Non ! Je vous en prie ne me laisser pas tout seul ! Je serais très sage je vous le promets, je ferais tout ce que vous me direz même si je suis un peu maladroit mais ne me laisser pas tout seul je vous en supplie… »

C’est bien ce que je pensais, il ne pouvait y avoir qu’autre chose. Mais quoi ?
L n’a pas peur de la prison, il n’a pas peur des autres et de moi. C’est d’être laisser à l’abandon la source de ses angoisses. Je crois savoir d’où cela provient. J’ai ma petite idée sur la question.

-Dis-moi pourquoi ? Pourquoi je ne devrais pas te laisser. Après tout c’est bien aussi de faire le vide et de le faire seul, sans personne pour t’emmerder. A l’infirmerie tu n’as aucune raison de stresser. C’est tranquille ici. A moins qu’il y est une autre cause à ta demande…

Il faut enfin qu’il me dise la vérité, la raison de tout ça, une preuve valable cette fois. Plus question de tourner autour du pot, s’il veut vraiment mon aide il devra tout me dire. C’est aussi une façon de faire confiance en l’autre personne.
Mais on se connaître depuis trop peu de temps pour qu’il se confie à moi. Mais au moins qu’il me donne un détail, un indice.
Je lui attrape les poignets pour le faire lâcher prise. On dirait que ses doigts sont ancrés dans ma veste. J’ai même du mal à les retirer. Tout en lui tenant les mains, d’une des miennes, je lui fais soulever le menton. Nous sommes à présent face à face, nos yeux sont rivés l’un sur l’autre. Plus de faux fuyant, plus d’échappatoire, ce qui doit être dit, doit être dit maintenant.

-Je veux bien rester, mais il va falloir que tu m’expliques pourquoi tu veux que je reste. Mais la vérité cette fois, et ne me dit pas que tu as confiance en moi ou quelque chose comme ça. Et aussi pourquoi MOI ?

Je desserre la pression sur ses poignets. Je veux qu’il me parle en toute tranquilité.

Je m’accroche avec l’énergie du désespoir à un malheureux uniforme qui ne m’a rien fait mais qui risque d’y laisse une ou deux coutures si je continue comme ça. Mais je ne peut pas m’en empêcher ni même desserrer ne serait ce qu’un peu les doigts qui semblent agir de leur propre volonté. D’ailleurs je ne le veux pas, si je ne le relâche ne serait ce qu’un instant il va partir il l’a dit, il va partir et je me retrouverai seul encore une fois… Pourtant je n’ai rien fait de mal et je fais toujours beaucoup d’effort alors pourquoi ils me laissent tous ? C’est normal sans doute, je ne dois être qu’une gêne pour les autres, qu’une charge alors ils ne veulent pas s’encombrer de moi… Oui sans doute tonton en a-t-il eu marre de mes échecs répétés à atteindre une cible avec le pistolet qu’il m’avait pourtant confectionné sur mesure fusse-t-elle à trois mètres à peine… Ou alors je l’ai fâché sans m’en rendre compte, et il s’est débarrassé de moi comme va le faire ce gardien pourtant tellement gentil si je le lâche. Et je ne peux même plus le supplier de e pas s’en aller, j’ai une grosse boule dans la gorge…

-Dis-moi pourquoi ? Pourquoi je ne devrais pas te laisser. Après tout c’est bien aussi de faire le vide et de le faire seul, sans personne pour t’emmerder. A l’infirmerie tu n’as aucune raison de stresser. C’est tranquille ici. A moins qu’il y ait une autre cause à ta demande…

Pourquoi ? Mais c’est normal de ne pas vouloir être seul… Je ne savais pas qu’on pouvait vouloir être seul, moi je n’ai jamais voulu être seul peut être parce que je l’étais très souvent puisque personne ne se souciait de moi… Pardon, personne ne se soucie de moi. Il ne faut pas que je parle au passé. Ca avait changé pourtant, avec Tonton, lui il s’occupait de moi, il ne me frappait pas enfin sauf quand je n’étais pas sage et il avait toujours du temps pour m’écouter quand il venait me voir… et je ne le verrais plus jamais. Je sens une goutte d’eau salée solitaire qui descends le long de ma joue alors que mes doigts s’enfoncent encore plus dans le tissu au risque que es ongles le déchire. Ce qui se serait sûrement produit si il ne m’avait pas obligé avec difficulté à cesser de martyriser ce pauvre uniforme. Une de ses mains m’emprisonne les poignets et j’abandonne après une unique tentative toute idée de les en déloger sans sa permission, je n’ai pas la force nécessaire pour, celle qui me permettait de m’agripper à son uniforme semble m’avoir déserté. Son autre main me relève le menton et il ancre son regard dans le mien. J’ai la sensation de me retrouver totalement pris au piège, impossible de me détourner.

-Je veux bien rester, mais il va falloir que tu m’expliques pourquoi tu veux que je reste. Mais la vérité cette fois, et ne me dit pas que tu as confiance en moi ou quelque chose comme ça. Et aussi pourquoi MOI ?

Je suis autant pris au piège par son regard qu’hypnotisé par ses paroles. Je suis toujours pris au piège quoi… Je ne pense même pas à essayer de dégager mes poignets quand il desserre son emprise sur eux. Je suis prisonnier, ça prend soudain tout son sens et je suis terrifié aussi. Si je ne lui réponds pas il va me torturer ? Mais je suis un peu en colère aussi, est ce que c’est mal de se fâcher contre un gardien quand on est un prisonnier ?

« Je ne mens jamais ! »

Je n’aurais sans doute pas du dire ça mais ça m’indigne qu’il pense que je puisse faire quelque chose d’aussi malveillant… Mais ce n’était pas ça sa question je le sais bien mais je ne sais pas quoi lui répondre. Je ne veux pas que la seule personne qui a été gentille avec moi depuis bien longtemps me laisse tout seul dans un remplit de gens qui veulent me torturer. Je ne veux pas que la seule personne qui en a quelque chose à faire que je vive ou que je meure décide que finalement elle s’en fiche… Mais je ne peux pas lui dire ça. Mais je ne sais pas quoi lui dire d’autre et ses yeux qui ne me lâche pas et qui ne me laisse pas me dérober… Alors finalement je lui dis et j’attends le rire moqueur u le coup qui ne manquera pas de m’arriver prochainement, qu’est ce que je pourrais faire d’autre ? Le fait que je puisse lui désobéir ne m’effleure même pas l’esprit, ici c’est les gardiens qui décident et si on ne fait pas qu’ils veulent, ils vous torture. Et lui c’est un gardien même si il est gentil alors je ne veux pas qu’il me torture et je ne veux pas savoir ce que c’est les deux autres punitions possibles.

[je suis vraiment dsl d'avoir été si long à te repondre, je ne le referais plus]



« Je ne mens jamais ! »

Je le regarde étonné. Il a haussé le ton, son timbre de voix à changer aussi. Je crois bien que je l'ai mis en colère. J'ai douté de lui, il vient de me signaler.
Ses pensées doivent être nombreuses pour être dans cet état. Si fragile, vulnérable aussi, c'est l'impression qu'il donne. Ses yeux se posent enfin sur les miens, ils se soudent. Il veut que je reste auprès de lui, pourquoi pas. Je n'ai pas grand-chose à faire maintenant, quand je suis venu le chercher j'avais finis, en principe, mon travail. L'envie de me reposer était devenue un besoin évident. Alors pourquoi ne pas faire deux pierres deux coups et l'effectuer ici, en sa présence. Cela ne me dérange pas plus que ça, s'il se tient tranquille. Et puis c'est demandé si gentiment qu'en faite je ne pouvais refuser. Mais avant toute chose je tenais à remettre les pendules à l'heure.

-C'est bien que tu ne mens jamais … C'est très rare ici. Mais fait tout de même attention l'honnêteté n'est pas non plus payant … Surtout entre prisonnier.

Mes mains sont toujours accrochées à ses poignets, il va tout de même falloir que je le libère un jour. Je me lève et fait le tour de Ian pour m'asseoir de l'autre coté, à sa droite. Il est toujours face à moi, mais à l'opposé. Je m'installe confortable contre l'oreiller, mes jambes ne sont pas encore posés sur le lit mais ça ne va pas tarder. J'espère qu'il ne va pas se faire des idées, je n'ai pas envie de le voir encore pleurer, surtout si cette fois c'est de ma faute. Je le lâche enfin, il peut faire ce qu'il veut tant qu'il reste dans la pièce. Je ne voudrais pas le courser sinon ça finira mal pour lui. Mais bien que je ne le connaisse pas encore très bien, je doute qu'il fasse quoi que se soit de fâcheux.

Je cale ma tête plus sur l'oreiller sans pour autant fermer les yeux. Je le fixe toujours dans les yeux et une de mes mains vient tapoter le drap à coté de moi. Je lui propose de venir me rejoindre, et ce dans le calme. Bien sûr il y a d'autres lits dans l'infirmerie mais je n'ai pas envie de me déplacer … La flemme.

-Allez vient t'allonger près de moi … Un moment de repos sera bénéfique pour tous les deux. Ton état le réclame. Et moi je suis naze, crains rien, je ne vais rien te faire …

J'attends qu'il se pose la question, entre le pour et le contre. Ma proposition est seine, mais va-t-il avoir le courage ou l'envie de le faire. Je commence aussi, comme lui, à me poser pas mal de questions. Cela doit être contagieux.

Je crois que je commence à savoir avec précision ce que peut ressentir une souris entre les griffes d’un chat… L’impression qu’aucune échappatoire n’est possible, ce regard hypnotisant qui ne me lâche pas et cette peur paralysante… Oui je me sens de plus en plus d’affinités avec ces petites bêtes que j’ai toujours trouvé très mignonnes d’ailleurs mais j’aurais préféré ne pas en être si proche… Ca me fait bizarre de penser ça comme si j’étais méchant envers ces pauvres souris alors que je jouais souvent avec toutes celles qui se cachaient dans le grenier de l’orphelinat. Je m’excuse petites souris ne soyez pas fâchées je vous aime beaucoup… Mais là en fait j’ai tellement peur qu’il me frappe ou pire que je me mets à penser à n’importe quoi… J’ai sans doute été trop présomptueux en lui répondant comme ça. Je ne dois pas avoir le droit de parler sur ce ton à un gardien, surtout qu’il m’a dit qu’ici ils faisaient ce qu’ils voulaient… Mais, si mon regard à moi doit sembler on ne peut plus inquiet, le sien semble plutôt étonné qu’autre chose. Peut être que j’ai fait quelque chose de tellement mal qu’il n’en reviens pas ? Euh… mais je ne vois vraiment pas quoi alors ça ne doit pas être ça. Est-ce que la panique fait aussi perdre leurs facultés de réflexion à ces pauvres souris ? Dire que je n’avais jamais pensé à ça quand je les côtoyais…

-C'est bien que tu ne mentes jamais … C'est très rare ici. Mais fait tout de même attention l'honnêteté n'est pas non plus payant … Surtout entre prisonnier.

Payant ? Nul besoin de me payer pour que je sois honnête… Je me demande un instant perplexe ce qu’il a bien pu vouloir dire par là mais il me semble que sa remarque a un sens qui m’échappe quelque peu. Le fait que l’honnêteté soit rare en prison n’est pas vraiment une surprise pour moi, mais la deuxième phrase…Je le regarde un instant d’un air perplexe… et effrayé, si jamais il voulait une réponse je ne sais pas du tout quoi lui dire. J’ouvre légèrement la bouche comme pour commencer à parler puis la referme puisque je n’ai rien à dire de plus en plus paniqué. Mais je n’ai pas vraiment l’impression qu’il veuille une réponse.

Il se relève et je crains un court moment que ce ne soit pour me relever de force mais il ne fait que faire le tour du lit pour s’asseoir de l’autre côté. Il me rend de plus en plus perplexe mais ce n’est pas important. L’important c’est qu’il n’a pas l’air fâché malgré le ton que j’ai employé pour lui parler et surtout, surtout, qu’il n’a plus l’air de vouloir partir. C’est même le contraire puisque j’ai l’impression qu’il s’installe sur le lit. D’ailleurs il me lâche les poignets ce qui me soulage un peu parce que je n’aime pas trop cette sensation d’étau autour de mes poignets et le sentiment de vulnérabilité totale qui en résultait. Je n’aime pas qu’on m’immobilise comme ça… mais je n’ai surtout pas le droit de me plaindre puisqu’il avait parfaitement le droit de faire ça. Et puis il n’en a pas profité pour me frapper, alors que ça aussi il aurait eu le droit…

Je le regarde s’installer confortablement sur le lit et… tapoter le drap à côté de lui. Ca voudrait dire qu’il veut que je le rejoigne ? Vraiment ? Je sens une petite étincelle d’espoir s’allumer en moi. Ca me rappelle tellement les jours où cousine n’était pas là et où j’avais bien travaillé, Tonton me faisait un grand sourire et puis il s’allongeait sur le lit et me tendait les bras… et je pouvais venir m’y blottir et dormir toute la nuit avec lui bien en sécurité au creux de ses bras. Mais en fait ça devait l’embêter puisqu’il devait me réveiller quand je faisait des cauchemars et je faisais souvent des cauchemars… Maintenant ce n’est pas que je n’en fait plus mais j’ai l’impression que de veille à sommeil il n’y pas grande différence. Enfin avant quand je dormais avec mon Tonton je le réveillais souvent, c’est peut être pour ça qu’il m’a aban… Mais ça arrivait si peu souvent ! Et puis sinon il n’était pas obligé et…

-Allez vient t'allonger près de moi … Un moment de repos sera bénéfique pour tous les deux. Ton état le réclame. Et moi je suis naze, crains rien, je ne vais rien te faire …

la voie de mon gardien me sort de mes souvenirs et je me rends compte qu’une goutte d’eau salée traîtresse est en train de glisser sur ma joue. Je tourne immédiatement mon regard vers le lit en l’essuyant rapidement d’une main rageuse. Mais pourquoi m’a-t-il laissé ? Pourquoi ? Je le gênais tant que ça ? je ne veux pas y penser, pas maintenant je vais m’endormir et je serais réveillé par tonton qui me dira en souriant que j’ai encore fait un cauchemar. Je jette un léger coup d’œil au gardien allongé à côté de moi qui semble attendre que je me décide et je ne peux empêcher un léger sourire d’apparaître brièvement sur mon visage. Je ne résiste alors pas bien longtemps avant de céder à mon envie première, à savoir filer me lover entre ses deux bras protecteurs ou à défaut tout contre lui. Ca faisait si longtemps… si longtemps que je ne m’étais pas senti en sécurité comme ça. Il est vraiment gentil ce gardien, comme tout à l’heure où il m’a consolé. Je crois que je peux définitivement me mettre à croire aux bons génies. Sauf si j’ai mal interprété ses paroles ? Bon il a dit qu’il n me ferait rien donc il ne me fera pas de câlin avant de dormir comme Tonton mais ce n’est pas grave ça me va très bien comme ça…

Après une hésitation, il se décide enfin à venir s'allonger près de moi. Je ne sais pas ce qu'il lui est passé par la tête, mais je savais que ces pensées étaient tristes. Sûrement dû à sa vie passée, juste avant de venir ici. Pourquoi est-ce que je suis resté là avec lui, je n'en sais rien à vrai dire. Peut être à cause de sa détresse voyante qui m'y a contraint … j'aurais pu le laisser là, seul, pour se reposer mais je ne me suis pas résolu à le quitter. Je suis fatigué pourtant par ma journée harassante, j'avais un grand besoin de récupérer et de me retrouver avec moi-même.
Ces derniers jours, je suis tombé dans des situations soit pénibles, soit jouissives, toutes étaient plus fatigantes les unes que les autres. Toutefois je suis resté, pensant que ce lit ferait très bien l'affaire avec ce petit détenu tranquille et peu bavard.
Quand il se couche enfin contre moi, je ne peux m'empêcher de le prendre dans mes bras. De son infortune j'éprouve l'envie de le réconforter, je ne suis pas ce que l'on appelle un tendre, loin de là, mais il m'arrive parfois dans éprouver le désir pour certaines personnes, quand ils sont dans le plus total accablement et consternation.
Ne prenez pas cela pour de la faiblesse car il se peut que mon soutient se transforme suivant la situation ou mon humeur. Mais bon pour cette fois je serais quelqu'un de sage … bien que je cherche encore de la sagesse dans mon intérieur. C'est e vieillissant que l'on devient sage me disant mon Maitre Zuang, donc je vais patienter encore, car je ne suis pas pressé de me percevoir dans un âge avancé, j'ai tout mon temps. Pour le moment, j'ai un petit détenu à veiller, je le presse plus contre moi. J'aimerais lui dire que tout allait être pour le mieux maintenant pour lui. Mais se serait un mensonge, complètement inexact, tout sonnerait faux. Je vais juste me contenter de lui ire que …

-Tu dois te détendre, nous verrons pour le reste plus tard. J'irais te chercher manger et te montrerais ta cellule. Mais pour le moment dors, je veillerais sur toi et ton sommeil.

Je baisse les yeux, contemple son visage. Tout à l'heure il a eu un sourire sur les lèvres qu'il l'avait quelque peu transformé il est vrai que je l'avais trouvé très mignon à cet instant et même à mon gout, malgré sa pâleur. Cependant je ne veux pas de ça … pas maintenant, je lui ai fait une promesse … A condition qu'il ne me cherche pas, bien entendu. Je penche ma tête vers lui, pose mes lèvres sur son front, sans arrière pensée …Le moment serait mal choisi.
Je repose ma tête sur l'oreiller, mes yeux se ferment doucement, seulement je ne dors pas, toujours en éveil, l'instinct en alerte, néanmoins somnolent. Quelque chose m'a rapproché de lui, je ne saurais dire quoi. Pourtant j'ai croisé des jeunes prisonniers complètement perdus, voir désespérés et je n'en ai pas fait cas comme avec Ian, je ne e suis pas laissé attendrir par leurs minois pitoyables.

-Dors bien … Enfin du mieux que tu peux.

Pas facile certes, cependant sa journée, voir ses nuits n'ont pas du être de tout repos. Le sommeil viendra sûrement vite. Une main enserre sa taille fine, l'autre ses épaules. Je prends contacte avec son corps pour me faire une idée de lui. Est-il svelte ou d'une maigreur accablante dû au manque de nourriture? Si c'est le cas je me ferais un plaisir de le renflouer. Je n'aime pas vraiment discerner ça, et on ne peut pas dire que la bouffe soit insuffisante à Sadismus.
Je soupire, il est temps pour moi d'arrêter ce genre de réflexions, sinon je crois bien que je vais finir par le déshabiller pour m'en rendre compte moi-même.

Chaleur, douceur, sécurité… Depuis combien de temps n’avais je pas ressenti tant de sentiments agréables ? Je ferme doucement les yeux entouré de cette protection bienveillant qui n’existe peut être que dans mon esprit mais peu importe, pour l’instant je veux y croire. Je me pelotonne un peu plus contre lui. Cette situation me rappelle Sisco. Sisco, chat male d’âge inconnu, squatteur professionnel et amateur de poisson grillé au citron vert s’est tranquillement incrusté chez nous à l’occasion d’un diner –non pas de poisson grillé au citron vert comme on pourrait le croire mais de pommes de terre vapeur, comme quoi les chats peuvent être culinairement tolérant- et aucune gesticulation ou grimace de Tonton n’avait pu le faire partir de mes genoux où il était sans doute à son aise, les griffes plantées dans mes cuisses. Pour finir Tonton avait renversé sur lui –et accessoirement sur moi- une pleine bassine d’eau glacée ce qui avait eut pour résultat de faire frémir sa moustache gauche et de me coller au lit pendant une semaine avec 39,8 de fièvre. Ce qui ne m’avait pas gêné outre mesure puisque j’avais pour cette occasion une boulle de poils personnelle lovée contre mon ventre qui ronronnait à plein volume. Tonton l’avait baptisé Sisco pour je ne sais quelle raison et avait fini par admettre à contre cœur sa présence. Il s’en plaignait souvent néanmoins et ne cessait de répéter qu’il ne le gardait vraiment que pour me faire plaisir ce que j’avais du mal à concilier avec ce que je voyais quand je me relevais la nuit et que je jetais un coup d’œil dans la cuisine à savoir Tonton en train de faire griller du poison, un citron vert à la main et Sisco e plus en plus énorme en train d’émettre sa spécialité : le ronronnement à haute fréquence. Un timide sourire s’inscrit sur mes lèvres, c’est exactement comme ça que je me sens : encore un tout petit peu et je ronronne. Quand Cousine est revenue de sa longue absence, Sisco a disparu et Tonton m’a dit qu’il était parti… Lui aussi en a sans doute eu marre de moi… Une image de Sisco en train de gober un bout de poisson tenu entre le pouce et l’index par Tonton me vient à l’esprit et mon sourire se crispe.

-Tu dois te détendre, nous verrons pour le reste plus tard. J'irais te chercher manger et te montrerais ta cellule. Mais pour le moment dors, je veillerais sur toi et ton sommeil.

La voie de mon gardien me ramène au temps présent. Il n’y a pas que Sisco qui en a eu assez de moi… alors s’il vous plait que cet homme continu lui à rester avec moi qu’il ne se lasse pas et qu’il ne me laisse pas. Je lève la tête vers lui, il me regarde. Je me demande un instant paniqué s’il n’y avait pas quelque chose dans ses paroles d’important que j’aurais omis d’écouter attentivement. Je blêmis légèrement plus –si c’est chose possible- et m’accroche compulsivement à sa manche. Mais il n’a pas l’air fâché, pas du tout même. Je me demande alors si je lui fait mal à le serrer comme ça sans m’apercevoir que je ne tiens dans ma main que du tissu et non de la chaire. Je tente désespérément de lui sourire. Cousine m’a dit que les enfants qui ne sourient pas à leur interlocuteurs sont raiment détestables mais je n’arrivais pas à lui sourire, son coup de pied m’avait fait trop mal. Tout comme je suis présentement incapable de sourire correctement à mon gardien tant je suis angoissé à l’idée de lui faire mal.
Le gardien ne doit pas trouver cela détestable, ou alors ne m’a-t-il pas bien vu car au lieu de me gronder il appose doucement ses lèvres sur mon front. Tout à coup le sourire me viens plus facilement. Il avait pourtant dit qu’il ne me ferais pas de câlin avant de dormir, il a u changer d’avis entre temps et j’en suis très heureux bien que je ne le mérite sans doute pas, je n’avais même pas réussi à lui faire un sourire.

-Dors bien … Enfin du mieux que tu peux.

Oui, oui bien sûr il faut que je m’empresse d’obéir à mon ange gardien mais d’abord je lui rend la pareil. Je me redresse pour atteindre sa tête reposant sur l’oreiller et dépose timidement un bijou sur la joue qui me fait face. Puis, le rouge aux joues et un grand sourire ornant mon visage, je dépêche de me lover à nouveau dans ses bras et de lui obéir. Je pensais que ce serait difficile de m’endormir mais en réalité on dirait que toute la tension qui ne me quittait pas depuis… et bien depuis cette horrible nuit viens de se relâcher et je plonge aussitôt dans un sommeil réparateur que je pensait ne plus jamais connaitre. Tout le corps enfin détendu et la bouche légèrement ouverte je me laisse aller au plus agréable des états de mon point de vue. En plus Tonton m’a assuré que je ne ronflais pas, je ne risque donc pas d’importuner mon voisin.

Malheureusement cet état de grâce ne dure pas plus d‘une dizaine de minutes et de traites cauchemars viennent envahir mon coin de paradis et je me recroqueville gémissant et tremblant sous les coups de policiers dont le visage bien trop loin pour moi se résume à une sombre grimace menaçante avant de me réveiller en sursaut mes ongles fermement plantés dans ce qui semble être un avant bras. Je n’émet plus le moindre son, il ne faut surtout pas faire de bruits sinon ils se fâchent et ils cognent encore plus fort.

Mes paupières se baissent lentement, laissant le calme et la tranquillité de l’endroit me porter. Je peux enfin me détendre. Les événements étant ce qu’ils sont aujourd’hui, j’ai un grand besoin de sérénité, le paradoxe quand on songe ou je me trouve. La détente est de courte durée pourtant, car un baiser vient interférer dans mon relâchement. Je ne m’attendais certes pas à ce genre de geste. Surpris, j’ouvre un œil et jette un regard sur ce visage qui se repose entre mes bras à présent. Je n’ai rien vu d’aussi adorable qu’à cet instant, cela m’a manqué, je l’avoue. Du coup, je suis parfaitement éveillé, je prends un certain plaisir à le contempler. Ian a, sur ses joues, une légèrement rougeur, apparemment il n’avait pas l’habitude à un tel égarement. Car je tiens pour acquis le fait que c’est le baiser qui lui a mis le feu aux joues. Un sourire étire mes lèvres, ce jeune détenu, si peu enclin à la parole, vient de me prouver que l’on peu se tromper, ou alors c’est comme un « merci ». Mon bras se ressert sur ses frêles épaules, j’aimerais lui dire que j’ai parfaitement compris. Son visage parait si paisible, presque enfantin, on ne se douterait pas de la teneur du lieu qui nous entour.
Maintenant, je peux enfin me reposer, fermer les yeux et me sentir ailleurs. Je repense à notre conversation, je ne peux m’en empêcher. Il ne me faut pas longtemps pour accepter, avec réserve tout de même, à sa version, celle de l’innocence.
Pourquoi suis-je si prompte à lui donner raison tout à coup ? Pas moyen, c’est comme s’il m’avait fait un nettoyage de cerveau. Franchement j’ai vraiment besoin de sommeil, une bonne sieste m’aidera à chasser tout ça. Le noir m’enveloppe, je ne pense plus à rien, rien ne peux plus m’atteindre.

*Si ! … Je viens encore de me leurrer ! *

C’est comme si Ian ne voulait pas que je dorme. Dois-je aussi veiller sur son sommeil ?
Il bouge, Ian se crispe, son corps à quelques petits spasmes fébriles. C’est un vrai cauchemar, un vécu qu’il est entrain de revivre, certainement. Un sursaut vient le réveiller à ce qu’il me semble, au départ. Mais brusquement ses ongles entrent dans ma chair, je grimace, sans toutefois me plaindre. Je ne désire pas l’effrayer plus que ça, c’est pénible pour lui, certes, pour moi c’est tout de même douloureux. Pourtant je ne pas le punir, se serait un comble. On ne dicte pas ses cauchemars.
Je regarde son visage, bizarrement il me semble encore endormi. Ian s’est réveillé en sursaut, mais je vois bien qu’il est encore dans se rêve mauvais. Que dois-je faire ? N’étant jamais été dans ce genre de situation, le me sens larguer ? Pourtant il serait bon qu’il revienne dans le monde réel, même si ce n’est guère mieux.
Tout d’abords retirer cette main qui m’agrippe, je n’en souffre pas, cependant je ne suis pas du genre maso. Doucement je m’empare de son poignet et le presse lentement pour qu’il lâche prise. J’ai l’impression qu’il a encré ses ongles dans ma peau. Une fois écarté, mes mains viennent le prendre par les épaules, je le secoue sans brutalité.

-Ian ! … Tu n’as plus rien à craindre … Réveille-toi ! Tout va bien !

Je ne sais pas de quoi il rêvait, je ne sais pas s’il dort encore. Tout ce que je vois c’est un visage angoissé, ou la peur se lit comme dans un livre ouvert.
Délicatement, je l’amène vers moi, dans mes bras. Le seul réconfort que je peux lui donner, le seul que je connaisse vraiment. Ma garde est revenue, ne voulant pas être pris au dépourvu si Ian devait violent. Après tout je ne le connais pas vraiment bien.
Ma main caresse ses cheveux, des mots d’apaisement sortent de ma bouche. Comme on le fait pour un enfant que l’on cajole après un mauvais rêve. Je ne pense pas que celui ressemble aux contes et au grand méchant loup de notre enfance.

-Chuuuut ! …. C’est finis … Je suis là !

Avant dormir n’était pas un problème. C’était même une activité que j’affectionnait particulièrement. Je m’endormait toujours dans la même position, roulé en boule à la manière d’un félin et comme eux j’appréciait les longues siestes au soleil dont je me réveillait en m’étirant de tout mon long, affichant un sourire radieux et parfaitement reposé. Mais maintenant… depuis cette nuit la seule constante c’est que je m’endors toujours roulé en boule la plupart du temps, mais c’est plus par peur des coups que par confort. Le sommeil est devenu une contrainte et même un calvaire en plus d’être un luxe, car, le peu de fois où les gardiens me laissent dormir et où l’épuisement a raison de ma volonté, le visage des morts de cette nuit là tourne dans mes rêves accompagnés de leurs corps immobiles et sanglants et des souvenirs plus ou moins récents de la prison… Dormir est synonyme d’un cauchemar que j’évite le plus possible. Quand je dors je suis encore plus vulnérable que d’habitude, ils peuvent me faire ce qu’ils veulent… pas qu’ils s’en privent d’habitude je pense même s’ils sont tenus aux règles de leur fonction, mais la surprise au réveil le rend encore plus difficile à supporter. Et même s’ils ne me réveillent pas, je me charge moi-même de les divertir en me réveillant en sanglotant ou en hurlant ce qui leur donne un excellent prétexte pour me battre à nouveau… Là je n’ai pas crié, non je n’ai pas émit le moindre son. J’essaye toujours de faire bien attention à ne plus crier quand je me réveille et là j’ai parfaitement réussit. Oui mais… Mais la sensation de chaire que je sens au bout de mes doigts et la sensation d’un contact avec un liquide visqueux m’ont fait baissé les yeux sur une promesse non pas seulement de coups mais de torture.

Mon regard ne peut se détacher de mes ongles plantés dans sa peau et des quelques gouttes de sang sombre qui perlent. Je voudrai faire un geste, ne serais ce que pour cesser de le blesser mais je suis comme paralysé, si raide, si incapable du moindre mouvement fut-il infime. Je voudrais dire quelque chose, rien qu’un mot, m’excuser, le supplier… mais une grosse boule obstrue ma gorge m’empêchant même de respirer. Toute couleur a déserté mon visage d’un blanc de nacre et même mes lèvres serrées à l’extrême commencent lentement à blanchir. Je n’arrive plus à réfléchir à quoi que ce soit seules repassent en boucle au milieu des réminiscences de mon cauchemar qui ne m’a pas totalement quitté les images de la rossée que j’ai reçue la dernière fois que j’ai griffé un gardien en cherchant à me dégager de la poigne avec laquelle il me tenait pendant qu’un autre gardien me giflait parce que je l’avais « regardé de travers ». Sûr que les bleus que m’avait laissé ses mains refermés si violemment sur ma chaire que j’avais tenté de m’en échapper m’avaient semblé bien dérisoires après cela…

Sa main se referme sur mon poignet et mes incisives déchirent férocement ma lèvre inférieure pour empêcher que ne se repende le hurlement de frayeur qui n’existe que dans ma tête. Je remarque à peine sa douceur dans mon état semi éveillé et totalement paniqué. Ses doigts pressent ma peau de façon calme, sans précipitations et il finit par réussir à faire lâcher prise à mes doigts qui ne semblent en cet instant pas plus m’appartenir que le reste de mon corps figé. Je sens de façon décalée ses mains se poser sur mes épaules, j’ai l’impression d’être un spectateur extérieur voir même d’appartenir à un univers parallèle incapable de ressentir quoi que ce soit comme si la panique avait également figé mes sentiments en les fondants dans un gros bloc informe. Les secousses qu’il me fait ressentir finissent par avoir raison de ma raideur et celle-ci est remplacée par un relâchement total accompagné d’un léger mais incontrôlable tremblement. Mes yeux égarés tombent sur son visage, ses lèvres bougent mais le bourdonnement qui résonne dans mes oreilles ne me permet pas de l’entendre.

Qui est-il ? un gardien bien sûr mais… Ah oui, le gardien qui est venu me réceptionner à l’entrée de Sadismus et qui là me prend gentiment dans ses bras et me caresse doucement les cheveux. Les derniers vestiges du sommeil se dissipent et emportent avec eux la plus grande partie de ma terreur et de ma panique, ne reste que l’angoisse et la honte… Oui la honte ce gardien qui a été si gentil avec moi, la première personne à faire attention à moi depuis si longtemps, à accepter d’écouter et même de répondre à mes requêtes, voir presque à ce soucier de moi… Et je ne lui ait causé que des ennuis, j’ai été capricieux en plus et maintenant… maintenant je l’ai même blessé. Au souvenir du sang, de son sang, qui coulait à cause de moi je me mets à pleurer et à murmurer presque inintelligiblement des « pardon, pardon… » à répétition. Je sens même le goût du sang dans ma bouche… et la douleur à ma lèvre, tandis que je prends pleinement conscience de son étreinte chaleureuse et rassurante et que le bourdonnement qui me coupait du monde extérieur se dissipe enfin me permettant d’entendre ses mots.

-Chuuuut ! …. C’est finis … Je suis là !

Oui il est là, il me console malgré le fait que je ne lui suis utile en rien et même que je lui fasse du mal. Quelle que soit ma punition je l’aurais amplement méritée et je la subirait sans broncher, peut être que ça me rachètera rien qu’un petit peu et peut être que si je fais des efforts après il ne m’abandonnera pas… Je voudrais tant qu’il reste avec moi quel qu’en soit le prix à payer… Je ne veux pas me retrouver seul, tout mais pas ça ! Je m’accroche fortement à ses vêtements –en prenant bien garde de ne pas les abimer- la tête enfouie contre son torse, n’osant pas relever les yeux vers son visage pour y lire son expression et mes dents replonge à nouveau dans ma pauvre lèvre gonflée, sans le moindre égard pour les minces filets de sang qui s’écoulent sur mon menton. Au bout de quelques secondes, j’ai rassemblé suffisamment de courage pour interrompre ma litanie et relever lentement mon visage vers le haut.

« Pardon, pardon… je vous en prie, je ferais ce que vous voudrez mais ne me laissez pas… »

Mon ton sonne définitivement plus désespéré que plaintif mais je ne m’en soucie guère et garde toute mon attention fixé sur le visage de cet homme où s’est ancré mon regard humide.

Avec peine, il arrive à sortir de ses sombres rêves. Malgré ses yeux légèrement ouverts, je ne vois que le vide dans ses iris. La pression qu’exerce ma main sur la sienne pour me dégager parvient enfin à ses fins. La blessure n’est rien, juste une petite égratignure, j’en aurais puni pour moins que ça, cependant, avec ce jeune dans mes bras, pris au piège de ces cauchemars, je ne le peux et surtout ne le ferais à aucun moment. Comment je peux en être si certain ? Ce n’est pas avec ce que je regarde là, devant moi, que je peux me permettre de juger, c’est simplement mon instinct qui me le dicte. Son corps est encore pris par des frissons que je ressens à travers mes mains. Comment pourrais-je l’aider moi qui suis si impuissant devant la détresse, n’ayant jamais fait cas, étant totalement indifférent devant les souffrances des détenus.
Ces jeunes mains s’accrochent à moi comme à une bouée. Je ne sais pas ce qu’il veut. Qu’est ce qu’il attend de moi ? Il ne me parle pas, ne le veut certainement pas, mais je suis toujours aussi impuissant, je n’aime pas cette sensation stérile.

Sa tête vient se nicher contre moi, je ne peux apercevoir son expression, je suis presque inquiet de son état … Presque ? Non je le suis réellement. Mes bras le serrent d’avantage, lui donner un peu de ma chaleur et d’énergie en passant par cet instant. Je soupire devant cet abandon, j’ai l’intuition qu’il me fait confiance, est-ce bien pour Ian, je me mets à le croire moi-même.

Ian bouge, il lève son minois vers mon visage, je peux enfin constater les dégâts. Sa lèvre est gonflée, du sang s’en écoule, il s’est infligé cette blessure, j’en suis convaincu, mais pourquoi ? Je ne mis attarde pas trop, je verrais cela plus tard. Ses yeux sont si douloureux, toute la tristesse se lie dans ses iris.

« Pardon, pardon… je vous en prie, je ferais ce que vous voudrez mais ne me laissez pas… »

Stupéfait est un mot qui n’est pas assez puissant pour ce que j’éprouve maintenant. Certes je ne m’attendais pas à cette demande, pourquoi moi ? Parce que je l’ai accueilli, parce que je suis la première personne qu’il a rencontrée ici ? C’est peut être ça, mais cela ne me convient pas, ces réflexions ont un gout fade. J’aime à penser que c’est beaucoup plus de ça, que je me goure complètement.

Ses yeux sont toujours rivés aux miens, il attend quelque chose de ma part à ne pas en douter. Ma main vint se poser sur sa joue, c’est comme si elle enfermait entièrement son petit visage, je la caresse avant de descendre vers son menton pour essuyer son sang de mon pouce. Doucement, je lui parle sans que ma voix est un ton dur, je ne vois pas pourquoi il en serait autrement.

-Tu es pardonné, ce n’est pas vraiment de ta faute, soit tranquille. Par contre je ne peux te promettre d’être tout le temps avec toi, j’ai mes obligations. Mais soit certain que je resterais le plus longtemps possible près de toi.

Ma main continue de nettoyer son visage. Après le sang les larmes, pendant que je m’y emploie, des questions trottent dans ma tête. Peut être est-ce le moment de parler tous les deux ?

-Tu me dis que tu feras tout ce que tu voudras, je ne suis pas certain que tu saches réellement de ce quoi tu parles, ni à qui tu fais cette déclaration. Prends garde à qui tu la formule, je ne voudrais pas que tu te retrouve dans une mauvaise situation, cela pourrait être dangereux pour toi.
Mais la question est … Qu’attends-tu de moi ?