Ma nouvelle chambre

Alors c’est ici que je vais passer le plus clair de mon temps. Deux lits, simples, pas très larges. Un fait, l’autre : matelas nu avec draps et couvertures pliés dessus. Deux armoires, qui ressemblent plus à des casiers. Je referme la porte derrière moi. Pose mon roocksac et commence à faire mon lit. Je le décolle du mur, et je déplie les draps… je le fais machinalement, j’ai fait ces gestes tellement souvent. Ma coloc’ est une psy. Les psy sont des gens bien. Ils ont compris qu’ils pouvaient arriver à avoir une position stable en se basant sur une pure logique qui vient si l’on prend un minimum de temps à observer les autres. Celle qu’on acquiert bien avant l’université. Maintenant, le fait qu’elle vienne s’enterrer dans une prison, ça restreint les possibilités de sa personnalité. Soit elle est là car elle est mauvaise dans son domaine. Et ici personne ne pourra venir la critiquer, mis à part la seconde psy. Où est-ce que j’ai vu la fiche du personnel ? Décidemment, il y a vraiment des trucs qui m’échappent… Soit elle est ici pour un but précis.
Mon lit est fait, au carré, comme on m’a appris à l’armée. J’ouvre un casier. J’aurai du ouvrir celui en face de mon lit. Je le referme et m’empresse d’ouvrir l’autre. Je commence à vider mes roocksac dedans, en vérifiant que toutes mes affaires restent pliées, en ordre. Je fais ça machinalement. Je referme l’armoire, et place mon roocksac vide sous mon pieu. Il fait sombre. Bof… je me couche sur mon lit, sur le dos, les deux bras sous ma tête et je regarde le plafond blanc. Ca sent ma colloc’…. Un parfum de femme, presque inodore. J’ai toujours remarqué les odeurs. Quand je vais chez les gens, je remarque toute suite l’odeur bien particulière qui règne dans leur logis. Souvent l’odeur indique beaucoup. Et leur style finit le tableau. La plupart ils n’on pas besoin de parler pour que j’en sache beaucoup sur eux. Dans ce cas je sais que c’est une femme, mais ça, le contenu de la pseudos armoire me l’avait déjà appris. C’est une femme qui se parfume, elle fait attention à son image, donc. Le parfum est presque inodore, donc elle en met juste ce qu’il faut. Soignée. Elle est soignée et elle soigne son image dans une maison de fou. Elle se soigne pour ces patients ? Si c’est le cas, alors c’est peut-être la raison pour laquelle elle est ici ? Les patients, le sens du devoir, ça fait un peu trop cliché de filme américain. J’en doute.
Mes pensées son balayées par un bruit de pas dans le couloir. Quelle heure il est ? Je ne sais pas, fin d’après midi début de soirée je pense.

L'eau chaude coule sur mon visage, j'en avais tant besoin. Mes douches sont toujours brûlantes, parfois tellement que ma peau prend une teinte écarlate et reste chaude pendant plus d'une heure par la suite, quelque soit la température. Je regarde autour de moi, la salle de bain est minuscule, mais au moins il y a une salle de bains. Mon vanity noir trône dans un coin, je n'aime pas m'étaler, ou plutôt je ne supporte pas qu'on regarde mes affaires. Ce sont MES affaires. Je laisse quand même mon gel douche sur le rebords de la cabine, des fois que mon coloc' n'ai pas prévu son coup ( je peux tomber sur un désordonné, malheur ... ). C'est un de ces gels douches que l'on trouve dans les parfumeries, ce qui donne à mon corps tout entier une odeur bien particulière et très discrète, contrairement aux parfums qui laissent une flagrance capiteuse dans le cou. Dior - Pure poison elixir ou je suis riche et j'en profite, certes. Je me rince une dernière fois et soupire légèrement avant de poser le pied sur la serviette que j'ai étalé au sol. Toutes les femmes aiment le luxe, je n'en suis particulièrement fanatique mais je l'apprécie à juste titre. Cette salle de bains n'a rien de luxueuse pourtant, grise, froide, petite et éclairée plein pot par une ampoule nue qui pend mollement au plafond. Ce que je peux détester ce genre d'endroits. J'ai toujours préféré les pièces lumineuses, dans lesquelles je contrastait, moi l'ombre. Le petit miroir au-dessus du lavabo est déjà couvert de buée. Je ne vois qu'une image déformée de moi même, sans contours. Seuls mes longs cheveux noirs se détachent dans le décor, ils collent à mon cou à mes lèvres sur mon front, totalement trempés. Je me résout à tout sécher dans la chaleur étouffante d'un sauna.

Mon nécessaire de toilette est aussi un nécessaire d'armes. J'y trouve des pinces, des ciseaux, du fil et des aiguilles, des pointes ... C'est fou comme on peut changer des instruments de beauté en instruments de torture. Amusée, je lève ma pince à épiler dans la lumière et songe qu'avec ceci on pourrait arracher plus que de simples poils. Ce que le monde est paradoxal. Mais je dois me préparer, la beauté est un des moyens de pression les plus intéressants et les plus faciles. Enfin, ça dépens pour qui. Je redessiner la courbe de mes sourcils, recourbe mes cils et lisse ma masse de cheveux avant de les attacher en couette hauteur, laissant mon visage parfaitement lisse et blanc à la vue de tous. Je ne le fais que rarement car dévoiler toute ma face me donne un sentiment d'insécurité, étrangement. Je fronce légèrement les sourcils et recule. Pas besoin de maquillage, il faut exploiter le naturel. Je passe la main dans les cheveux attachés en hauteur qui caressent toujours mes omoplates et songe un instant que je devrais probablement les couper un jour, ne serais-ce que pour ne pas qu'ils me gênent en travaillant.

Il ne me reste plus qu'à m'habiller. J'attrape mes sous-vêtements, ma valise est dans ma chambre. La main sur la porte, quelque chose me fait tiquer. Une odeur s'infiltre de l'extérieur, avec l'air frais. Et cette odeur n'est ni la mienne, ni celle de Marc et encore moins celle de Siriel. J'ouvre et me trouve nez à nez avec mon camarade de chambre. Bien joué comme première entrée. Vraiment. J'hésite un instant sur mon rôle. Je n'ai jamais de réaction pré définie, je me laisse un choix, un choix adapté à la personne et non à mon caractère. Je m'adapte pour ne pas qu'on me voit, pour ne pas qu'on essaie de déchiffrer mon esprit tordu. Soit je joue la froide, soit la cruche. Après avoir pesé rapidement le pour et le contre, je me sent d'humeur à n'avoir aucune réactions et à faire comme si de rien n'était. Mon visage vide d'émotions tique et je me dirige vers ma valise. J'aurais pu tout aussi bien porter une combinaison de ski, j'étais devenue imperturbable. j'ouvris mon casier d'un geste brusque et le sondait, le visage fermé. Je savais qu'il n'y avait rien dans mes affaires qui eut put être suspect, pas même une arme. Non je gardais toutes mes combines pour moi, et l'instrument de torture le plus basique pouvait être un crayon de papier. Je m'amusais d'un rien d'ailleurs.

Quand je les avais tués j'avais été prudente et je n'avais pas pu jouer avec eux, j'avais du rabattre ma frustration sur des animaux. C'était mieux comme ça :Always in control. Tout contrôler, tout trier, tout ranger, tout décider. Dieu by the way. J'attrape une robe noire et glisse dedans avant de me retourner face à mon colocataire, tout comme s'il venait d'arriver.

" Bonsoir. Je suis le docteur Heartgreaves. "

Ma voix est calme, tout comme mon visage et la main que je lui tend. D'une autre je cherche dans mon casier mon paquet de cigarette, ou tout au pire ma boite de cigares. Juste parce que j'en ai envie. Je contrôle même mon manque de tabac. Je m'impressionne, des fois...

Une porte s’ouvre. Il y avait donc une porte… Ca doit être la salle de bain, je ne pense qu’Elle sortirait habillé aussi peu d’un débarras. Elle est maigre. Enfin tout est relatif, tout dépend du point de vue de la personne qui juge et qui regarde. Pour moi, je vais admettre qu’elle est maigre. Elle est incroyablement blanche. On dirait un fantôme. Elle met longtemps, enfin longtemps… assez pour que ce qu’elle dit s’éloigne autant de la vérité que le nombre de secondes écoulées. Posée, réfléchie, pas spontanée. Elle réfléchie ces quelques secondes pour savoir qu’elle impression je vais percevoir d’elle. Elle est très portée sur l’apparence, et elle a l’habitude.

« Bonsoir. Je suis le docteur Heartgreaves. »

Parfait, pour se donner une contenance, donner son nom ça marche souvent. Je ne détourne pas le regard et continue de dévisager la blancheur de sa peau, sa fine silhouette. Son visage, presque parfait, typé asiatique, comme moi. Le nom ne laisse rien présager d’asiatique, comme moi. Mais si je l’avais été, asiatique, aurais-je gardé mon nom en –en, -in ou -ang ?
Mon regard peut prêter à confusion et instaurer une gêne, j’espère donc détendre l’atmosphère ou le ridicule de la scène de la même façon qu’elle.

« Arther. »

You're living today,
I want to be a part it,
New york, New york.

Pourquoi cette chanson ? Qu'en sais-je. Ca me change les idées, ça me change, ça me rendra peut-être moins antipathique. Je laisse quelques notes de l'âme de Sinatra envahir mon esprit en tirant sur la robe noir, laissant tomber ma serviette par l'occasion. J'avais pensé qu'il détournerais le regard à ce moment-là, mais non. Cependant je sais reconnaître différents regards. Ce type ne me convoite pas, il me regarde comme on regarde une ampoule. Jolie comparaison, je sais, merci merci. Je trouve enfin ce que j'avais cherché, mon fameux paquet de cigarettes. Davidoff. J'en allume une et recrache lentement la fumée vers la droite, des fois que ça gêne.

A ce moment ci, je tourne le regard vers lui pour de bon. Il est assez fin, presque maigre je dirais, enfin puis je parler du haut de mon mètre 78 et de mes 51 kilos ? Hum non. Il possède un air asiatique, ses yeux en amande et son nez épaté me le disent. Son physique est discret, passe partout, ni agressif, ni trop décalé. Je remercie le ciel de ne pas m'avoir offert un sac de muscles et de stupidité.

It's up to you
New york, New york.

Bon, il n'a rien à avoir avec Frank Sinatra. Il ressemble un peu à Siriel, mais je ne dis rien, ni ne laisse paraître. Je glisse mes pieds dans des chaussures à talons Gucci gracieusement offertes offertes par mon ancien patron. Il voulait me rincer l'ahuri, il l'a eu bien loin dans le ... Et en plus je l'ai plumé comme un pigeon. Dieu, que je me fais penser à une adolescente lorsque j'ai ce genre de pensées. C'est mignon, dans un sens, et ça m'amuse. D'ailleurs parlons en, qu'est ce qui ne m'amuse pas ? ...

Bon soyons fous. Je lui adresse un gentil sourire. J'ai envie de m'entendre avec mon voisin de lit, comme ça on pourra parler jusqu'à pas d'heure ... je plaisante. Je ne suis pas gamine à ce point-ci, j'ai juste des passades, comme les chats. Un coup ça dort, un coup ça t'emmerde, un coup ça veut jouer. Des fois les trois à la fois.

Bien sur, toutes ces pensées mine de rien, ça fait quelques secondes de silence où il reste là, avec sa présentation, et moi qui fume et m'habille comme si il n'était pas là. Bien joué la politesse. Je remonte ma bretelle et vais m'asseoir sur mon lit les jambes croisées face à lui, plus aimable, je fais un effort.

" Enchantée, Arther, mais je pense que je peux même vous donner mon prénom, c'est Tsuyosa. " Dis-je. Oui après tout, un jour ou l'autre, fatalement, nous devrons passer au tutoiement, non?

"Si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à me le demander, je ne suis pas toujours facile à vivre mais il peut m'arriver d'être sympathique, voir même aimable."

Elle passe une robe noire qui lui va plutôt bien et ne semble pas non plus s’offusquer de mon regard. Ce n’est pas une petite joueuse ni quelqu’un à prendre à la légère. Elle est intelligente et je crois qu’elle me juge, me considère. Elle allume une clope, et par soucis de moi, souffle la fumée parasite dans une autre direction. Se soucier des gens, c’est devenu hypocrite avec le temps : on se soucie des gens pour donner l’impression qu’on est soucieux des gens, pas parce qu’on ce soucie vraiment d’eux. Je radote. A mon âge c’est un peu prématuré…
Elle met des chaussures à talons. Sans doute une grande marque vu le design. Va savoir où une psychologue trouve l’argent pour s’acheter ça. Elle doit être un peu plus qu’une simple psychologue. Peut-être a-t-elle des relations importantes. Sûrement. Une femme intelligente comme elle doit savoir utiliser tous les atouts qu’une femme a. Elle me sourit. C’est gentil de sa part, mais j’ai du mal à me dire que ce n’est pas pour donner une impression, que c’est un sourire qui rentre dans une stratégie d’approche mondaine. Ca fait combien de temps que je n’ai pas vu un véritable sourire ?
Elle s’assied sur son lit, en face de moi. Du mien. Moi je suis toujours couché. Je continue de regarder le plafond et hume le parfum qui émane d’elle autant que de la salle de bain. J Le même qu’à mon arrivée.

« Enchantée, Arther, mais je pense que je peux même vous donner mon prénom, c'est Tsuyosa »

Elle cherche à se rapprocher de son voisin de chambre. En même temps on risque de passé pas mal de temps ensemble, que ce soit éveillé ou endormi.

« Si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à me le demander, je ne suis pas toujours facile à vivre mais il peut m'arriver d'être sympathique, voir même aimable. »

« Philippe Arther. » dis-je sans quitter des yeux la blancheur immaculée du plafond.

Je viens de m’apercevoir qu’elle ne m’a pas demandé mon prénom, mais que le lui ai donné spontanément. Elle a sûrement eu mon dossier entre les mains. Est-ce que dans mon dossier il y a marqué que je ne suis pas très loquace ?

Je reste sans bouger, songeuse. Je n'ai pas pensé à lire son dossier, j'aurais du, l'analyse en direct live était peu compatible avec la sociabilité. Vous vous voyez rencontrer quelqu'un et de but en blanc: Racontez moi votre plus mauvais souvenir d'enfance. Un sourire naît sur mes lèvres, ce que je peux être stupide... Enfin, je préfère rester sincère pour le moment, laissant de côté mon sens du professionnel.

Je souris toujours légèrement, non pas que je sois hypocrite et que je m'y force, non je souris naturellement, parce que dans ma vie, tout va bien. Je ne regrette rien. Après tout, ce qui nous pourri la vie, c'est la culpabilité. Je n'aurais pas du faire ça, ni ça, ni ça. J'ai abandonné cette émotion depuis longtemps, je m'en porte mieux, mais si chacun faisait comme moi on reviendrait à l'ère primaire. En somme la cruauté ne devrait appartenir qu'aux personnes mentalement plus évoluées. Non je ne suis pas narcissique, je suis simplement logique.

Mon voisin semble peu loquace, grand bien lui en fasse, je suis rodée. Avec Silver c'était toujours la même chose, j'ai appris à traduire les paroles par l'émotion. Et comme chez lui il y a très peu d'émotion, j'ai également appris l'interprétation. La seule chose que je sent ressortir de mon camarade de chambre c'est son calme et son éventuelle sympathie. Je ne sais pas si il aime le bruit; après tout Siriel n'aimait pas le bruit mais adorait m'écouter déblatérer des heures durant sur tout et n'importe quoi.

Je regarde autour et ferme les yeux, écrasant ma cigarette. Si ça le dérange il ne me le dira pas de toutes façons, et je n'aime pas emmerder ceux que j'apprécie, question de savoir vivre.

" J'écoute pas mal de musique en temps normal, ça vous gêne ?"

Au pire, si ça l'emmerde tant que je me commanderais un baladeur, qui a dit que les adultes ne vivent pas avec leur temps ?

D’après mon ouïe, elle ne bouge pas. Je me demande comment elle peut bien marcher ? Elle doit croire tout connaître de moi par mon dossier. J’y ai mis ce que je jugeais utile que les gens sachent. Est-ce que je pourrais moi aussi consulter son dossier ? Pourquoi pas, il faudra que je me renseigne. Elle fume tranquillement, pendant que moi je regarde le plafond. Il y a ce qu’on pourrait appeler un blanc. Les gens se sentent mal à l’aise lors d’un « blanc », ils comparent cela à un malaise. Durant un blanc, on a tout le temps de réfléchir, c’est donc un des nombreux chemins pour accéder à la réflexion, puis l’intelligence, sous ses différentes formes. Je pense que Tsuyosa est intelligente. Tout le montre. Pense-t-elle que je le suis ? Je m’en fous, je le saurais le temps voulu, si je suis attentif.

« J'écoute pas mal de musique en temps normal, ça vous gêne ? »

C’est un moyen comme un autre d’engager la conversation. Marcher sur les voies de la socialisation pourrait m’aider ? Non. Je ne bouge pas et continue de fixer le plafond. Si elle écoute des groupes de merde ça va me faire chier.

« Vous écoutez quoi comme musique ? »

Comme cela je vais engager une conversation.