Sadismus Jail
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Sadismus Jail

Venez vivre la vie mouvementée des prisonniers de Sadismus.
 
AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
Le deal à ne pas rater :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot 6 Boosters Mascarade ...
Voir le deal

 

 Regarde-moi... [Terminé]

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
Sybille Hawkins
240293 Petite plume
Sybille Hawkins


Féminin
Nombre de messages : 2592
Age : 37
Localisation : Quelque part dans ses bras, avec mon fils et ma fille. Avec eux... Ma famille.
Date d'inscription : 30/03/2007

Regarde-moi... [Terminé] Empty
MessageSujet: Regarde-moi... [Terminé]   Regarde-moi... [Terminé] Icon_minitimeSam 22 Déc - 17:28

[ => laverie ]

Que se passe-t-il ? Qui est là ? J’ai tant envie de savoir… Les bruits, les voix me parviennent à peine, sons étouffés, infimes. Des cris ? Des gémissements ? Je ne sais pas… J’ai l’impression… Que l’on se bat. Mais qui ? Pourquoi ?! Ma vue se brouille, le décor s’estompe. Reviens ! Je ne veux pas, je ne peux pas…
Je ne veux pas mourir…
Aidez-moi, je vous en supplie…
Ma tête retombe sur le sol. Mes yeux se ferment, ma respiration s’affaiblit.
Et je sombre dans l’inconscience.

[…]

« La lune trop blême
Pose un diadème
Sur tes cheveux roux… »


Une vieille chanson me revient en mémoire. D’anciennes paroles que je pensais avoir oubliées… Où ai-je donc entendu ce chant… ?
Debout dans un couloir désert, j’avance lentement, pieds nus. J’ignore où je suis et où je vais. J’avance, simplement. Je suis comme… attirée par cette lueur qui brille là-bas, au fond du couloir.
Et cette voix… cette voix qui m’obsède, m’ordonne d’avancer, m’appelle à elle…

« …La lune trop pâle
Caresse l'opale
De tes yeux blasés… »


Le bruit de mes pas résonne dans l’air. J’avance, de plus en plus vite. Et je cours, je cours ! Des larmes de joie ruissellent sur mes joues tandis que sur mon visage éperdu de bonheur se peint un sourire extatique.
Car Il est là. Il m’attend.
Ludwig !
Je viens…

« … Princesse de la rue
Soit la bienvenue
Dans mon coeur blessé… »


C’est lui, c’est bien lui ! Il me regarde et me souris, tout en me tendant les bras. Folle de bonheur, je me jette à son cou, tandis qu’il me serre contre lui. Et mes larmes coulent de plus belle alors que nous nous embrassons avec amour. Il m’a tant manqué… Je le savais qu’il n’était pas mort, je le savais ! Blottie contre lui, je n’ose bouger, de peur de le voir disparaître.
Et cette mélodie qui ne s’arrête pas…

« … Mais voilà qu'il flotte
La lune se trotte
La princesse aussi
Sous le ciel sans lune
Je pleure à la brune
Mon rêve évanoui… »


Non ! Non !
Ma bouche s’ouvre, mes lèvres s’agitent, mais aucun son ne sort. Je crie, pleure silencieusement, tandis que, doucement, petit à petit, il s'efface, un triste sourire sur son beau visage.
Je me laisse tomber au sol, prostrée.
Reviens… Reviens !
Une main se pose sur mon épaule, tandis qu’une autre me tourne doucement le visage.
Et, une fois de plus, aucun bruit ne s’échappe de mes lèvres. Je voudrais hurler, mais je reste muette, tandis qu’il me regarde, un sourire dément sur son visage où scintillent deux prunelles ambrées. La vérité me percute de plein fouet.
Ces yeux, ce sourire… cette voix…
C’est lui qui chantait…

Je pousse un hurlement, qui, cette fois-ci, résonne fortement et longuement dans le corridor glacé, alors qu’il se penche vers moi. Je tente un geste pour me débattre, le repousser, m’enfuir, mais avec la même habilité déconcertante dont il a toujours su faire preuve, il me saisit la main et la bloque dans mon dos – m’arrachant un gémissement de douleur – avant de me serrer contre lui. Et le cri d’effroi qui s’échappe de ma bouche meurt lorsqu’il pose ses lèvres sur les miennes. Au même moment, tout bascule, tout devient noir…

Pitié…

[…]

Je passe du noir au blanc. Mes yeux s’ouvrent subitement sur une surface immaculée, vierge de toutes taches. Je referme immédiatement les paupières, éblouie par la violente lumière qui émane de cette étendue blanche. Eteignez ça, c’est insupportable… Et ces sons, ces bourdonnements autour de moi… Stop, stop !
J’ai tellement mal…
Un infime gémissement s’échappe de mes lèvres, alors que je rouvre lentement les yeux, battant des cils. J’ai horriblement mal à la tête. Partout en fait. Comme si je m’étais faite rouler dessus par une voiture. La moindre parcelle de mon corps me fait mal. Je tremble, regarde autour de moi.
Où suis-je ?

Tout me revient en mémoire… et j’éclate en sanglots.
Contrecoup de mon rêve, contrecoup de l’humiliation, de l’horreur que j’ai subie. Pourquoi, pourquoi ?! Je me sens salie, souillée, brisée… Pourquoi m’a-t-il fait ça, pourquoi ?! Il n’avait pas le droit...
Oh… Pourquoi ne suis-je pas morte ?!
Les larmes roulent sur mes joues, tandis que le décor se précise peu à peu. Je reconnais cet endroit. Et cette odeur… cette odeur crainte, détestée… Ces murs blancs, froids… L’infirmerie, évidement. Mais qui m’y a donc emmenée ?
Et que s’est-il passé ? Je ne me souviens de rien… Juste de… Son visage, son sourire alors qu’il se mouvait au-dessus de moi, en moi… Et puis… plus rien. Un son, une voix peut-être… Je pleure de plus belle. Y a-t-il seulement quelqu’un à mon chevet ? Y a-t-il quelqu’un dans cet endroit maudit ? Venez, venez ! Ne me laissez pas seule, je vous en supplie ! Ne me laissez pas souffrir, par pitié… J’ai mal… si mal…
Laissez-moi mourir…

Vaincue, je ferme les yeux, me laissant retomber sur l’oreiller. Je n’ai même pas la force de me tenir droite. Achevez-moi… Je souffre trop… Mes sanglots se calment, peu à peu, mais des perles salées continuent à s’échapper du coin de mes yeux émeraude. Moi qui pensais, qui pensais… que plus jamais je n’aurais à subir ce genre de choses, maintenant qu’Il était à mes côtés… Je me l’étais juré, il me l’avait promis…
Et maintenant…
Mon cœur se serre. J’ai la nausée. Je dois sûrement être livide. Pire même. Mais par pitié, venez. Ne me laissez pas toute seule. Pas ici… Et si… il revenait ?
Mes yeux se révulsent, l’horreur passe dans mon regard, se lis sur mon visage. Non, non ! Un hurlement s’échappe de mes lèvres, et je me relève brusquement, malgré la douleur que ce geste m’arrache. La panique est bien trop forte. Je ne dois pas rester ici, je ne peux pas rester ici ! Terrorisée, je m’apprête à me lever, sortir du lit… lorsque deux mains m’agrippent par les épaules, m’allongeant à nouveau sous les couvertures, la tête sur l’oreiller. Je hurle de plus belle, me débat comme une furie, les yeux toujours clos. C’est lui, c’est sûrement lui. Il est revenu m’achever, finir ce qu’il avait commencé, et dont il a été interrompu d’une quelconque manière. Le visage baigné de larmes, je martèle le torse de mon agresseur de coups de poings fébriles, les paupières résolument fermées. Lâche-moi, lâche-moi ! Vas-t’en, démon ! Laisse-moi en paix ! Tu ne m’auras pas vivante… Tu ne me toucheras plus, plus jamais ! Jamais ! Comme possédée, je continue à le frapper, le griffer, enfonçant mes ongles dans sa peau, sourde à ses cris. Tu m’as tuée, tu m’as tuée ! A mon tour à présent… Tu n’avais pas le droit !

- Sybille !

Je me stoppe net. Cette… voix… Je… la connais…
Ce n’est pas…
Tobias !
D’un geste, j’ouvre grand les yeux. Et tombe nez à nez avec deux prunelles grises. Je… Il n’a pas… Ce n’est pas… J’ouvre les lèvres, mais aucun son n’en sort. Et je me laisse tomber dans ses bras, secouée de sanglots violents. Pourquoi, pourquoi ? Mon viol, mon rêve… Ce monstre dont le nom se répète inlassablement dans ma tête… Ludwig et… LuiLui dont je m’étais jurée d’oublier même le son de sa voix. Et voilà qu’il revenait… Pourquoi ?! Pourquoi reviennent-ils me hanter, maintenant ? Pourquoi ?! Pas maintenant, je vous en supplie… Je n’en peux plus, je n’en puis plus…
En pleurs, je me sers de plus belle contre ce corps chaud, rassurant, mon visage enfoui quelque part entre son épaule et son cou. Une fois de plus, son odeur me saisit. Mais ne parvient pas à me calmer.
On m’a violée… Il m’a violée. Brisée, souillée.
Détruite…


Dernière édition par Sybille Hawkins le Mer 20 Fév - 8:35, édité 3 fois
Revenir en haut Aller en bas
Tobias Viatscheslav
0274 Serenae Aquae Natae
Tobias Viatscheslav


Masculin
Nombre de messages : 1176
Age : 48
Localisation : Avec ma femme et mes deux enfants. Au Paradis.
Date d'inscription : 18/05/2007

Regarde-moi... [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Regarde-moi... [Terminé]   Regarde-moi... [Terminé] Icon_minitimeMer 26 Déc - 19:48

"- Mais foutez-moi la paix !
- Soyez raisonnable…
-… Raisonnable ?…Lâchez-moi."

D'un geste sec, je repousse le doc. Depuis notre arrivée, il ne cesse de me harceler. De questions, d'abord. Evidemment. 'Faut dire que tout ne s'est pas fait dans la délicatesse… Avouons que, débarquer à pas d'heure, le dos en sang, et une damoiselle évanouie dans les bras, c'est pas optimum, niveau "normalité". "Quoi", "quand", "comment", "où", "pourquoi"… Mais ta gueule ! Sans compter cette volonté tenace qu'il a à me tripatouiller le dos, tentant vainement de mesurer les dégâts… et m'empêchant par la même occasion de rejoindre Sybille, reposant sur un des lits, à côté.

"- Ne vous inquiétez pas… Quelqu'un s'occupe d'elle.
- Ah ouais ?

… Je me refuse à l'exprimer tout haut, mais ce n'est pas de ça, qu'elle a besoin. J'ai cru comprendre ce qui s'est passé… avant que j'arrive, je veux dire. Et si elle s'éveille… maintenant, et face au plus parfait des inconnus… Que se passera-t-il, dans sa tête ? Et puis… Je connais le mec qui est sensé "veiller" sur elle. C'est une tombe. Y'a pas pire pour vous casser, avec ses petits airs faussement affectés, ses silences dédaigneux, froids, impersonnels. Pour lui, un détenu… bah c'est un détenu, justement. J'ai pas la prétention de croire que c'est de moi, qu'elle a besoin… Mais au moins… elle connaît ma gueule.

Je me fige. Un cri ? Un nom. "Ludwig" ?

Je me lève brutalement. "Mon" doc s'interpose. Cette fois, je l'envoie carrément –mais avec toute la grâce dont je suis capable- se faire foutre. Je passe précipitamment la cloison qui me sépare encore de la chambre de repos, et avise le seul lit occupé. Seuls ? Tant mieux. J'arrive à faire dégager l'infirmier sans trop de problèmes. Il a fait ce qu'il avait à faire –quoi, au juste ?- et tire sa révérence sans demander son reste lorsque j'use d'une "diplomatie" ma foi bien recherchée… Mais je ne lui ai pas fait de mal. Même si j'ai les nerfs à bloc, ce n'est plus vraiment mon style, de déconner de la sorte. En tous cas… pas sur les employés.

Passons. Je peux enfin me concentrer sur Petite Plume. Elle semble s'être calmée. Pour le moment, du moins. Son front est pâle, ses traits tirés. Tu m'étonnes… Après ce qu'elle vient de subir… Innommable. Je tire une chaise, m'assieds, et me mets en tête de veiller sur son sommeil.
L'endroit est parfaitement silencieux, si ce n'est le tic-tac régulier d'une hypothétique horloge. J'inspire lentement. Banale odeur de désinfectant.
Silence.
Je m'interroge. Ce cri… Pourquoi ? Etait-elle consciente ? Etait-ce un rêve ? Je regarde sans le voir le mur d'en face. Dieu… Quelle horreur. Ce qui vient de se passer… C'est… de ma faute. Je n'étais pas là pour elle. Je ne pouvais pas savoir.
Et c'est là, le véritable problème. Je ne peux pas être au courant de tout. Je ne peux pas être constamment sur ses pas, surveillant, dissuadant, protégeant.
Brutalement, je mords le côté de mon unique pouce.
Je viens de mesurer l'étendue de mon impuissance.
Je ferme douloureusement les yeux, force la pression. La douleur pulse doucement, et dans mon dos, et sur ma main. Mais j'ai beau faire, celle-ci, cette souffrance plus dure encore, dans ma tête, refuse de me quitter.
Dans ma tête.

Un gémissement... Rien de plus que le souffle d'un enfant malade, une plainte à peine ébauchée, trop faible pour se poursuivre. D'un bloc, je me redresse, laisse ma main retomber. Elle s'éveille, lentement, douloureusement, les joues encore baignées de larmes… Le cauchemar… est fini. Est mort.
Je ne sais pas véritablement quoi faire. J'ai peur de l'effrayer. Alors… Je ne bouge pas.
Peine perdue.
Ses sanglots reprennent, éclatent bruyamment dans cet espace blanc. J'ai mal. Les tremblements incontrôlés de ses épaules frêles me font mal. Le tracé lugubre de ses larmes amères sur ses joues pâlies me fait mal. Mon impuissance me fait mal.

De…quoi ? NON ! Ne bouge pas ! N'essaie pas de te relever… Je ne veux pas, je ne veux pas que tu te brises ! Le moindre souffle, le moindre souffle… Je crois qu'il te tuerait. Dans ma panique, je me lève complètement, et tente vainement de la calmer. Je pose fermement mes mains sur ses épaules, exerce une légère pression. S'il te plaît…
S'il te plaît !
Mais tu paniques ! Tu ne me vois pas, et tu paniques totalement ! C'est vraiment moi, que tu frappes pour défendre ta vie ?
Défendre…ta vie.

Souvenir. Etait-ce moi, il y a à peine dix ans, il y a à peine une éternité …? Où suis-je ? Où est ce type, qui se foutait des coups que ses victimes, vainement lui donnaient ? Et qui en riait ? Et eux… Eux… Ils me haïssent, mes morts ?
Ah… Elle vient de toucher une des côtes… une de celles que son agresseur a blessées…
Je cille. Lui aussi, je l'ai tué. Tué. Est-ce qu'on prend la mesure de tout ce qu'implique ce putain de mot ? "Tué"… Mais cette fois, je l'ai fait… pour quelqu'un. Pour protéger… Je l'ai fait pour…

Sybille !

Ma voix a un peu plus porté que prévu. Pas grave. L'important, c'est qu'elle semble m'avoir reconnu. Aussi soudainement qu'elle avait commencé, sa crise, brutal contrecoup de l'horreur qu'elle vient de subir, passe. Ses yeux s'ouvrent, et tombent dans les miens. Je fais de mon mieux… de mon mieux pour le soutenir, le réchauffer, le rassurer, ce regard… Je suis là.
Avec une forme de…violence, Elle se serre contre moi. Passée la surprise, je ne peux –et ne veux- que refermer mes bras sur elle, sur sa peur, sur sa douleur.
Cette fois-ci, la simple chaleur de mon corps ne semble pas parvenir à calmer sa… sa peine.
J'ai peur. Peur de ce qui se passe dans sa tête. Peur des effroyables mécanismes qui peuvent broyer de douleur le mental des victimes d'un viol.
Toujours debout, je resserre légèrement mon étreinte, la berce doucement, les yeux fixés sur son visage agité… décomposé.

Là… Sybille…

Ma voix, réduite à un murmure le plus doux possible, tente de la ramener, de la maintenir son esprit ici, avec moi… Ne te perds pas là-bas, ne te perds pas… Je répète doucement son nom, à maintes reprises, tout en l'obligeant doucement à se rasseoir. Je m'installe à ses côtés, sans me détacher d'elle. Et, sans vraiment réfléchir, me mets à fredonner quelques vers d'un vieux poème… Mots doux, familiers, qui se veulent paisibles, rassurants.

"O, rămâi, rămâi la mine -
Te iubesc atât de mult !
Ale tale doruri toate
Numai eu ştiu să le-ascult…"

Ô, reste, reste…


Cette litanie… Je crois que je commence à en comprendre le sens… "Ô, reste, reste encore sous mes rameaux… Puisque je t'aime tant et tant…Car c'est moi qui sait comment il faut… Comment il faut t'écouter du début, à la fin…" Eminsecu… Merci ?
J'aimerais tant la guérir, tout de suite. S'il vous plaît… Quelqu'un ! Que la douleur parte, et qu'Elle, reste… Les yeux clos, je prononce lentement, avec la plus grande douceur…

Je l'ai tué, Sybille… Il est mort… Personne, plus personne… ne te blessera. Ils savent, maintenant… Ils savent…

Et que ceux qui en doutent, viennent mourir dans mes bras.
Revenir en haut Aller en bas
Sybille Hawkins
240293 Petite plume
Sybille Hawkins


Féminin
Nombre de messages : 2592
Age : 37
Localisation : Quelque part dans ses bras, avec mon fils et ma fille. Avec eux... Ma famille.
Date d'inscription : 30/03/2007

Regarde-moi... [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Regarde-moi... [Terminé]   Regarde-moi... [Terminé] Icon_minitimeJeu 27 Déc - 8:45

- Tu m’avais promis, tu m’avais promis…

Inlassablement, je répète ces mots. Blottie, serrée contre lui, perdue quelque part entre l’espace de ses bras et de son torse. Secouée de sanglots violents. Et lui… il m’enlace, me berce… Mes bras toujours serrés autour de son cou, de pars et d’autre de ses épaules, mon regard fixé sur le mur du fond, là-bas, derrière lui, je murmure :

- Tu m’avais promis que ça n’arriverait plus…

D’un geste, j’enfoui mon visage dans le creux de son épaule, cachée derrière un rideau de cheveux corbeau. Mouillant de larmes silencieuses cette peau mise à nue par le fait qu’il ne porte pas de chemise.

C’est drôle… Si cela avait été dans d’autres… circonstances, je pense que j’aurais été… affreusement gênée. Mais là… Je m’en fiche complètement.
Et si désormais mes sanglots ne résonnent plus, mes épaules continuent à trembler de façon régulière. Il m’avait promis…
Mais ce n’est pas après lui que j’en ai. Comment aurait-il pu savoir ? Comment aurais-tu pu savoir… ?

Oh Tobias ! Tu murmure mon nom, le répète sans cesse, comme une berceuse. As-tu mal toi aussi ? Ressens-tu cette même douleur qui me ronge, me dévore, me brûle ?
Je ne pense pas… et je ne l’espère pas pour toi. Pourquoi… pourquoi ?! Pourquoi m’a-t-il fait ça… POURQUOI ?! C’est tellement… tellement injuste…
Je veux mourir…
Lentement, tu me forces à me rasseoir. Délicatement. Sans me lâcher. Je ne te lâche pas non plus. Je ne fais que d’ailleurs resserrer mon étreinte, me presser plus contre toi, comme si tu n’étais plus que l’unique personne à qui je pouvais encore me raccrocher.
Ce qui est d’ailleurs vrai…
Et tu fredonnes, tu chantes, une nouvelle fois, une fois de plus. Comme toujours lorsque tu me tiens contre toi. Comme toujours lorsque je suis en pleurs, perdue, à deux doigts de lâcher prise. Comme un père bercerait sa fille… Mais est-ce vraiment cela, cette multitude de sentiments, d’émotions en pagaille que je ressens à ton égard ?
J’ignore ce que signifient tes paroles. Je ne connais pas ta langue, et ne la connaîtrai sans doute jamais. Peut-être est-ce pour ça après tout que cela me calme… Cette douce mélopée incompréhensible aux sons graves et roulants, chauds et rassurants.
Tu es bien le seul que j’aime à entendre chanter…

Je l'ai tué, Sybille… Il est mort… Personne, plus personne… ne te blessera. Ils savent, maintenant… Ils savent…

Un bon moment ne s’écoule avant que ces paroles ne fassent leur chemin dans mon esprit. Lentement, je me détache de son étreinte, lui faisant face.
Et mes yeux, jusqu’à présents clos, s’ouvrent brusquement sous l’effet du choc. Mer d’émeraude battue par un vent de douleur, de peur et d’incompréhension…

- Tu l’as tué… ?

Je répète ces mots dans un souffle, incapable d’y croire. Quand, comment ? Combien de temps s’est écoulé entre mon évanouissement et mon éveil ?
Flash. Une image, des bruits me reviennent en mémoire. Des cris… une bagarre… Etait-ce lui ?
Il m’a sauvé la vie… Une fois de plus.

- Tu l’as tué… Il est mort, mort…

J’éclate de rire, répétant ces mots, encore et encore. Un rire nerveux, fou, hystérique. Presque dément.
Mort. Mort, mort, mort. Mort ! Il est mort ! Enfin ! Plus jamais, plus jamais ! Plus jamais tu ne me toucheras, tu m’entends ?! Plus jamais je n’aurais à me retourner dans les couloirs, à jeter des regards anxieux derrière mon épaule, à sursauter au moindre bruit ! Plus jamais je n’aurais à m’éveiller en hurlant la nuit parce que ton visage hante mes cauchemars… Plus jamais, c’est fini, fini !
Brusquement, mon hilarité retombe, aussi vite qu’elle était venue. Et un air grave, douloureux se peint sur mon visage livide. D’un geste fiévreux, je saisis cette main calleuse et la serre vigoureusement entre mes doigts tremblants. Glacés…

- A-t-il eu mal ?

D’un air inquisiteur, je détaille son visage. Tobias… Dis-moi… Je veux savoir… Je répète ma question :

- A-t-il eu mal, a-t-il souffert ?

Mon ton se fait plus pressant. Inconsciemment, ma prise sur sa main se resserre. Mais il faut que je sache, que je sache…

- Dis-le moi, dis-le moi ! Je veux savoir si ce salopard a souffert avant de mourir, si il a crié, si il a eu mal ! Si il a ressenti ne serait-ce que le dixième de ce qu’il m’a fait subir !

Je crie à présent. Je ne m’en étais même pas rendu compte… Et mes larmes qui s’étaient taries jusqu’à maintenant ruissellent à nouveau sur mes joues pâles. Libérant finalement ses doigts de mon emprise, je baisse la tête, détournant le regard. Fixant le mur blanc, sans vraiment le voir...

- Il n’avait pas le droit de me faire ça… Pas le droit…

Ma voix se brise, la pièce tourne autour de moi. Puis je sens sans vraiment les voir deux mains qui me prennent doucement mais fermement par les épaules, m’obligeant à me recoucher, à poser ma tête sur l’oreiller. Une voix inconnue résonne dans la pièce. J’ignore de qui il s’agit. J’ignore ce qu’il dit, à qui il s’adresse. Je n’en ai que cure. Je suis tellement fatiguée… et j’ai mal, tellement mal…
Quelques secondes après – ou quelques minutes ? Je l’ignore, je n’ai plus aucune notion du temps qui passe… - je sens une aiguille qui s’enfonce dans ma peau. Je ne bronche même pas. Qu’est-ce que la douleur bénigne d’une piqûre comparée à ce que je ressens en ce moment même ? Rien… Infime…
Je jette un coup d’œil à mon bras gauche. Perfusion. Merveilleux… Mais pourquoi donc ?
Je me rappelle vaguement avoir perdu du sang. Beaucoup ? Combien de temps suis-je restée inconsciente ? Instinctivement, je porte ma main libre à mon visage : mon front est ceint d’un bandage, sur toute sa largeur. Sans un mot, je ferme les yeux, laisse ma tête retomber sur le coussin se trouvant sous cette dernière. Je me sens si lasse d’un coup, si… fatiguée…
J’ai froid…

Le médecin finit enfin par me lâcher le bras et se redresse, lâchant ces quelques mots :

- Votre enfant va bien, il n’est pas en danger. Vous avez eu de la chance…

Je rouvre brusquement les yeux, pétrifiée. De… La chance ? Regarde-moi, espèce de salaud, regarde-moi ! Est-ce que c’est ça que tu appelles avoir de la chance ?!
Je voudrais me lever, le frapper, lui hurler au visage et lui raconter tout ce qui s’est passé, dans le moindre détail. Détruire l’air réprobateur que je devine sur son visage lorsqu’il s’adresse à Tobias :

- Vous devriez la laisser tranquille, elle a besoin de repos.

Dans une infime crispation, mes poings se serrent. Je secouerais violement la tête si j’en étais capable. Mais je pense que mon regard exprime déjà tout ce que je pense. Non, non ! Ne me laisse pas, je t’en supplie ! Ne m’abandonne pas… Pas maintenant, par pitié !
Les paroles de l’infirmier me reviennent en mémoire.
Il va bien. Mon bébé va bien…

- Il est vivant… Il est sain et sauf…

Le soulagement empli mon visage, détend légèrement mes traits crispés. Pourtant, lorsque je me redresse, ce sont la terreur et la haine qui brillent dans mes yeux aux reflets mordorés tandis que je supplie mon sauveur du regard, les joues baignées de larmes :

- Il a dit qu’il, qu’il mourrait, qu’il… le tuerait si je n’obéissais pas… Il m’a forcée, il… il m’a menacée, je n’ai rien pu faire…

Je balbutie, luttant pour ravaler ces sanglots qui me brûlent la gorge, m’empêchant de parler. C’est affreux ce sentiment d’impuissance que l’on peut ressentir lorsque l’on vous prend à dépourvu, que l’on trouve l’unique moyen capable de vous briser, de vous réduire à l’état de captive, d’esclave… Pourquoi est-ce que je dois me justifier, pourquoi ?! Je me sens comme coupable, fautive…

- J’ai essayé, j’ai essayé, mais je n’ai pas pu, je n’ai pas pu le laisser faire… J’en étais incapable, c’était horrible… Alors il m’a frappée et il, il…

Ma voix se brise à nouveau, et les sanglots que je tentais de refouler s’échappent enfin de mes lèvres. Complètement détruite, j’enfouis mon visage entre mes mains, pleurant à chaudes larmes. Mes épaules s’agitent violement, je tremble comme une feuille. Je suis totalement incapable d’en parler. Le simple fait d’y penser, d’imaginer ce mot, de l’imaginer lui, de revivre tout ça… me donne envie de vomir. De hurler, de pleurer. Je relève finalement la tête, les yeux rougis par les larmes. Je hoquette :

- Il a essayé de me tuer, de le tuer, lui ! C’est de ma faute, ma faute ! Tout ce qui s’est passé ! Mon fils a failli mourir à cause de moi !

Je me déteste, me dégoûte. Je suis entièrement coupable. Il m’avait pourtant prévenue, et j’ai été incapable d’obéir. J’ai failli tuer mon fils…
Incapable d’en supporter plus, je me laisse retomber sur l’oreiller, à bout. Mes sanglots s’espacent, s’estompent peu à peu. C’est tellement ignoble…

- Je me sens si sale, souillée… comme si j’étais déchirée de l’intérieur. C’est horrible… Balbutie-je.

Je détourne la tête, fixant le mur, le regard vide. Je n’ai même plus la force, le courage de le regarder en face. J’ai tellement honte de moi…
Et pourtant, je devrais cesser de me mettre dans cet état, à force. Ce n’est pas la première fois, loin de là… Mais comment s’habituer à une telle chose ? C’est impossible, impossible ! Une telle horreur ne devrait pas exister. C’est ignoble…
Comme pour me persuader, me calmer, je me murmure à moi-même ces derniers mots, les yeux toujours rivés sur le mur. Vide. Brisée…

- Ce n’est pas la première fois… pas la première fois…

Et ce ne sera sans doute pas la dernière…
Oh Tobias, je t’en supplie ! Arrête cette torture !
Achève-moi, par pitié…


Dernière édition par le Mar 15 Jan - 7:01, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Tobias Viatscheslav
0274 Serenae Aquae Natae
Tobias Viatscheslav


Masculin
Nombre de messages : 1176
Age : 48
Localisation : Avec ma femme et mes deux enfants. Au Paradis.
Date d'inscription : 18/05/2007

Regarde-moi... [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Regarde-moi... [Terminé]   Regarde-moi... [Terminé] Icon_minitimeDim 30 Déc - 18:30

[désolée Sybou, c'est légèrement parti en vrille... quand je commence à inclure des dialogues, ça part dans tous les sens... j'aime trop en faire... sorry si y a trop de hors sujet u..u Puis j'aime pas faire des posts si longs, je part en cahuet' à chaque fois...]

Non, Sybille. Non. Il n'avait pas le droit.
Personne n'a ce type de droit. On ne le prend pas, on le vole. On l'arrache, on le brandit, comme un organe tout palpitant encore, hurlant de douleur… Et on en jouit.
Si tu savais.

Je te vois dans mes bras, tout contre moi. Je sens ta chaleur, ton souffle, et je sens ton âme. J'ai l'impression que ta souffrance est si grande… qu'elle perce ta peau. Je voudrais tant la faire disparaître dans ma propre chair, dans mes os, cette douleur… Laisse-moi la prendre pour toi.
Tu répètes ces mots qui me blessent… d'autant plus qu'ils sont d'une atroce vérité. Je t'avais promis, oui… Et voilà le résultat.
Tu dois me haïr.

Même si je sais que, désormais, le message est passé. La nouvelle ne va pas tarder à se répandre parmi les prisonniers… et peut-être même parmi les gardiens. Je m'en assurerai moi-même. Tu es sous ma protection. Ce genre d'arrangement est monnaie courante, dans cette taule… Alors pourquoi pas moi ? J'ai tué un homme… et recommencerai sans la moindre gêne. Je n'étais déjà pas un enfant de cœur… Mais c'est maintenant que ça commence vraiment. Plus j'agirai comme un monstre… et plus tu seras en sécurité, protégée par la peur.
La peur… Venin universel.

Tellement humainement partagé que j'en profite largement… Chaque sanglot qui t'échappe est comme un reproche… Et j'ai vraiment peur, peur que tu m'en veuilles de n'avoir pu te protéger d'un fait qui de toute façon m'échappait totalement…
C'est con, mais c'est comme ça. Je suis con. Qui me changera ?

Mais bon. Au moins, j'ai de l'intuition. Ma berceuse, ces mots, ma langue, semblent calmer un peu les pleurs de Petite Plume. Je prends ça comme une petite victoire. Je… je ne sais pas si tout ça est vraiment sain… Je veux dire… C'est quoi, mon rôle ? Hier, je l'embrasse comme un voleur, et, aujourd'hui, je l'étreins comme on berce une enfant… Si ce n'est ce léger gêne de sentir sa joue contre ma peau nue… Tout en étant bien plus âgé qu'elle…
Tout est mélangé.
C'était peut-être ça, que je trouvait malsain…
Peut-être…
Ou pas.

Il y autre chose. Je le sais. Une sorte de petite musique, familière, mais pas pour autant agréable. Comme une vague odeur d'ailes brûlées, de vieilles couleurs rappelant des événements désormais oubliés… Réminiscence. Je… c'est presque là. J'arrive presque à voir… à remonter cette chose qui me hante… Mes paupières se ferment, comme pour tenter de me faciliter la tâche… Théâtre de ma vie, reviens faire couler tes ocres, tes sanguines, sur cette toile noire… Je l'ai presque…

"- Tu l’as tué… ?
- Oui."

Ma réponse est immédiate… Trop. Et elle ne satisfait pas qu'une question… Je l'ai tué. Oui. Mais pas seulement. Je l'ai aussi tuée… Tout comme je les ai tués. Un peu, beaucoup, toujours… Pas de pardon ! Pas de repentance !
J'ai mal au cœur… J'ai mal au crâne…
Il pleut, dans ma tête.


…"a-t-il souffert ?"

…Hein ? Brutalement, je plonge mon regard dans le sien. Je ne suis pas sûr… Pas sûr d 'avoir compris ces paroles. Dans sa bouche, ces mots résonnent comme d'horribles…blasphèmes. Je panique un peu. Ca aussi, c'est de ma faute ? Ne me laisse pas déteindre sur toi… Surtout, surtout, ne me ressemble jamais, Petite Plume… Je t'en supplie.

… Seigneur. Mais quel con ! Elle repose sa question, et je comprends enfin. C'est si normal… Si humain… La souffrance appelle la souffrance. Je ne connais que trop bien ce sentiment un peu primaire… mais si violent. Il vous ronge… vous transfigure.
A ce point là de la violence, peut-on encore appeler ça de la vengeance ?
"On m'a fait la haine"… Expression détournée. Si vraie. On partage l'amour… cette haine aussi.

Mes prunelles grises tombent sur nos mains entrelacées. Enfin… C'est un grand mot. Elle ne s'en rend pas compte, mais depuis un petit moment, ses ongles s'enfoncent dans ma peau. Je ne relève pas. A quoi bon ? De toute façon… sa main est déjà partie. Envolée. Enfuie ? Je contemple sans vraiment y penser les quelques marques imprimées sommairement dans ma chair. Rien de bien méchant.

Ne te consume pas…

Ma voix est douce. Un murmure, presque. M'entend-elle seulement ? Je pose lentement ma main sur son épaule, serrant à peine, l'incitant à se réveiller. Oui, Sybille, oui, c'est un cauchemar. Mais aides-moi à t'en sortir…
Elle ajoute quelques mots, que je comprends à peine, tant sa voix est ténue. Avec douceur, je place ma main gauche sur son autre épaule, et la force le plus délicatement possible à s'allonger.
Heh, bonne idée, vu qu'elle perd tout simplement conscience.
Un peu de sommeil. C'est pas une mauvaise idée.

"- Qu'est-ce que vous faites ?
- … quoi ?

Je me retourne un peu brutalement. Génial. Monsieur Tombe, le roi d'la joie mortuaire, vient de ramener sa fraise. Il me détaille d'un air… inquisiteur ? Dégoûté ? Suspicieux ? Hmm… Un p'tit mélange de tout ça. D'un bloc, je me relève, lui faisant face avec l'habituel… fair-play, qui me caractérise.
L'autre répète sa question, avec un ton qui me déplaît particulièrement…
Je hausse un sourcil.

-"C'est quoi, ton problème ?
- T'as rien à faire ici. Dégage. T'es un mâton… Va faire ton taff. T'as pas un autre détenu à bousculer ? Tobias… Tu fais du bon boulot, vraiment. Je respecte ça. Mais va pas te faire chier avec tes "restes". J'm'en occupe. Va te faire un autre de ces enfoirés. Ils ne méritent que ça.
- Et elle ?
- Je la termine.
- …"

Répartie cinglante s'il en est. Mais j'avoue que j'ai un peu la flemme. Je suppose que le poing que je viens de lui foutre dans la gueule lui a largement suffit. S'il n'est pas maso, du moins.
Je le rattrape sans la moindre once de douceur par le col, et le saisis violemment au visage, enfonçant mes doigts dans ses joues.

Tu la… quoi ?

Ma voix s'est réduite à un murmure… presque un sifflement. J'ai comme une belle envie de lui démonter proprement la gueule. Le genre de truc qui me détend quand je suis trop stressé. Lui, de son côté, me toise avec toute la hauteur dont il est capable.
Un ange passe.

Lâchez-le.

Cette voix… Le doc aux yeux couleur de sel. Tsae de son joli nom. Son ton est ferme, mais pas agressif. J'obtempère, non sans appuyer un bon coup avant de le lâcher définitivement. Calme comme pas deux, le vieux doc jette un œil à petite plume.
Nous, on reste, là, silencieux. Comme deux gamins pris en faute.

Franz… Va te chercher un café. Un long café. A toute à l'heure.

Pierre Tombale, à ma grande surprise, obéit sans rechigner. 'Faut dire que le vieux a… comme une certaine aura d'autorité. Il s'approche de moi, et, ignorant mon mouvement de recul, me saisit par le bras, et me fait asseoir sur un lit adjacent. Je sens ses mains palper mes côtes, puis passer vaguement dans mon dos.

C'est moche.

Encore une phrase qui s'applique à trois mille choses différentes. Le viol de Sybille ? Ma blessure ? Notre altercation ? Ou seulement la gueule de Pierre Tombale ?

" -C'est pas bien de se moquer, doc.
- Je ne me moque pas. Je constate."

Silence.

" – Et elle ? Occupez-vous d'elle… D'abord.
– …Vous n'êtes vraiment pas très observateur."

Il fait un petit signe de la tête, histoire de me pousser à lever les yeux. Une damoiselle semble s'occuper de Sybille. Ses gestes sont doux, mesurés. J'ai un léger sourire. Je suis…rassuré.
Je frissonne un peu lorsque quelque chose de froid passe sur ma plaie… Il la nettoie ?

" – Je veux lui parler.
- Elle dort."

Le silence retombe. Le doc finit par m'enrouler une sorte de bandage autour du torse. Pour un simple accident de lave-linge ? Je touche délicatement mes côtes. Le doc saisit mon poignet, secoue négativement la tête. Il s'en occupera plus tard… C'est pas grand chose. Il a peut-être compris que je veux vraiment lui parler ? J'en ai besoin. Elle aussi. Surtout.


Sans plus rien demander, je me relève. Je fais un pas vers Sybille, et l'infirmière… Et sursaute lorsque je sens le doc déposer une chemise claire sur mes épaules. " Vous allez finir par lui faire peur…" Ben voyons. Je passe mes bras dans les manches, et en quelques foulées, me retrouve au chevet de Petite Plume. L'infirmière darde sur moi un regard peu… amical. Elle a besoin de repos ?
Héhé… J'avais pas remarqué.
Mais je suis heureux de voir avec quelle verve elle défend "sa" patiente… J'ai même du mal à l'éloigner. Pour quelques instants, du moins.

Petite Plume recommence à parler. C'est bon signe –même s'il elle ne semble s'adresser à personne en particulier, pour le moment. Je tire une chaise, m'assois de façon à pouvoir être suffisamment proche d'elle. Je tire un peu sur moi les pans ouverts de ma chemise… "Ne pas l'effrayer"... Drôle d'idée.

J'écoute avec attention la moindre de ses paroles. Et, cette fois, même si je suis troublé par sa souffrance… J'essaie de paraître confiant, sûr de moi. Elle a besoin d'un soutien solide… Alors c'est pas le moment de péter un câble. Ni moyen, ni léger. Calme, sain, et souverain, Tobby.

Ses lèvres diaphanes restent désormais closes. J'ai voulu qu'elle sorte tout… que toute cette douleur s'exprime un peu, par mots. Le début de la catharsis.
Sybille… Je vais faire de mon mieux, je te le promets.

Ma main hésite un peu, mais finit par se poser sur sa joue, qui me paraît brûlante. Du pouce, je caresse lentement sa peau. Encore un geste pas très clair… Mais on va essayer de le prendre de façon saine, d'accord ?

Je sais… prononçai-je avec douceur, je sais… Petite Plume, t'es là. Tu vois ? T'es là, t'as ton fils, et tu risques plus rien…

J'aimerais tant lui faire comprendre… tout va bien, désormais… Elle peut tout faire, se remettre, surtout. C'est ce que je désire. Je reprends.

Tu as été parfaite… La preuve, vous avez survécu… tous les deux. C'était de sa faute à lui, et un peu de la mienne, aussi.

Petite pause. Reprends-toi, Tobby…

Mais il est mort. Nuque cassée. Et, s'il te plaît…

Timidement, ma main quitte sa joue pour aller effleurer le galbe arrondi de son ventre… Un enfant… Comme c'est…étrange.

Fais-moi confiance… Tu n'es pas souillée… D'aucune manière… Tu as défendu ton enfant. Et tu as réussi.

Lentement, je me penche à son oreille. Pour ce que je vais dire, j'ais vraiment pas envie que la moitié de la prison soit au courant. Ceux qui ont pris connaissance de cet aveu là… sont morts.

J'ai connu ça… Je sais ce que ça fait, et j'ai survécu. Enfin, je crois. Tu penses que j'ai l'air mort ?

C'est vraiment pourri, comme plaisanterie, mais je peux pas faire mieux, présentement. Je sais même pas si j'avais envie de sortir une connerie… Bref. Je baisse un peu les yeux, tombant sur une mèche d'un roux incandescent.
Roux…
Rouge.
Une femme… C'était une femme. Aux cheveux roux.

Je me…rappelle. Je le tiens, ce souvenir ! Cette sensation de déjà vu… Je ferme les yeux. Une situation analogue. Mais pas les mêmes rôles.
Du moins…pas pour moi.
Il y a onze ans… une éternité. Je crois que je…
Non.
Elle est morte… et je ne sais plus… je ne veux plus savoir…
Vous m'entendez ? Qui a dit que ça m'éclairerait sur mes motivations d'aujourd'hui, hein ? QUI ? Je me souviens… que c'est quelque chose que j'ai essayé d'ensevelir, comme on cache un cadavre…
Mais… Si ça m'aide ? Si ça nous aide ?
Je… je dois ? Je dois pas ?
Ne…ne me forcez pas.
Une larme.

Pas la première fois ?

Ses paroles me reviennent. Au détriment d'autres pensées... Mais bon. Je sais pas vraiment si ce truc dans ma tête, c'est bon, ou pas. Plus sincèrement, je commence à m'inquiter véritablement de ce qu'elle vient de dire. Pas... la première fois ? Des détenus ? Des mâtons ? J'ai la nausée... Qu'elle me dise... ça va se payer. Duucement, je répète cette simple question. Je ne veux pas l'effrayer, mais... il faut que je sache.
Un peu de sang en plus, ou en moins...

Qui ?
Revenir en haut Aller en bas
Sybille Hawkins
240293 Petite plume
Sybille Hawkins


Féminin
Nombre de messages : 2592
Age : 37
Localisation : Quelque part dans ses bras, avec mon fils et ma fille. Avec eux... Ma famille.
Date d'inscription : 30/03/2007

Regarde-moi... [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Regarde-moi... [Terminé]   Regarde-moi... [Terminé] Icon_minitimeSam 5 Jan - 7:45

« On m'a fait la haine, j'peux plus faire l'amour
On m'a fait la haine, pardon, mon amour... »


De vieilles paroles me reviennent en mémoire. Cette chanson… Combien de fois ne l’ai-je pas chantée, fredonnée, murmurée lorsque j’étais seule, dans le noir, brisée ? Sans personne pour me soutenir, me rassurer, démentir mes propos comme il le fait en ce moment même… Rongée par la haine, par la douleur, le remord aussi. Et pourtant… J’ai toujours fait face. Jamais je n’ai baissé la tête, tenté… de mettre fin à tout ceci. De manière définitive.
C’est peut-être ça… Cette envie, cette obsession… Vivre… Un droit que nous avons tous. Dès la naissance. Moi… on me l’a retiré beaucoup trop tôt.
Je ne veux pas mourir sans l’avoir repris, sans avoir pu en profiter ne serait-ce que quelques instants.
Me battre…

« C'est un coup dur à prendre
Mais c'est dur à comprendre
J'ai comme le corps en cendres,
J'ai comme envie d'me pendre… »


Une main sur ma joue. Contact doux, frais, rassurant. Malgré ça, je sursaute. Trop peu habituée à de tels gestes. Enfin, innocents je veux dire… Et pourtant, innocent, ça l’est en ce moment même. Lentement, je lève mon regard, cherchant les prunelles grises du possesseur de cette main.
Ca l’est, hein… ?
Un frisson me parcoure l’échine tandis que son pouce glisse sur ma peau brûlante. Mais un frisson agréable, pas ceux qui nous saisissent lorsque nous sommes angoissés, terrorisés même. Car là… je me sens… bien. Je ne pourrais dire heureuse. Mais…bien. Cette infime caresse m’apaise, me fait oublier pendant quelques délicieux instants ce mal qui me ronge.
Et, intérieurement, je lutte pour ne pas poser ma main sur la sienne, retenir ces doigts rugueux avant qu’ils ne s’en aillent. Ne me laisse pas…

Tu as été parfaite… La preuve, vous avez survécu… tous les deux. C'était de sa faute à lui, et un peu de la mienne, aussi.

Mes lèvres s’ouvrent. Puis se referment. Ne rien dire. Ne rien penser. Le croire, simplement.
Fermer les yeux… Oublier… et se laisser bercer. Doucement, mes paupières se ferment, et je penche la tête vers lui, m’appuyant un peu plus contre cette main qui, en ce moment même, parvient à elle seule à effacer momentanément l’horreur que j’ai vécue. Ma respiration se fait plus paisible, mes sanglots s’estompent, disparaissent. Si seulement le temps pouvait s’arrêter, maintenant.
Rester ainsi avec lui… pour toujours.

Fais-moi confiance… Tu n'es pas souillée… D'aucune manière… Tu as défendu ton enfant. Et tu as réussi.

Je te fais confiance. Oui… il est vivant. Mon fils… Tu as raison… Je dois oublier ce qui s’est passé. Ne penser qu’au présent, et qu’au futur. Je dois me battre. Pour lui…
Vivre…
Lentement, sa main quitte ma joue pour venir se poser sur mon ventre. Comme délivrée d’un enchantement, je rouvre les yeux, les posant sur ces doigts qui effleurent ma peau tendue. Je retiens mon souffle. Ce… geste… Lui… lui aussi l’avait fait. Et m’avait frappée ensuite. L’avait frappé. Il a tenté de le tuer…
La panique remonte en moi à une vitesse vertigineuse. Me mordant vivement la lèvre, je ferme les yeux, essayant de me calmer, tandis que mes poings se crispent sur les draps, les agrippant violement. Si fort que mes jointures blanchissent. Calme-toi Sybille, calme-toi… C’est lui, Tobias… Il ne te fera aucun mal… Pas de mal, tu m’entends… ?

J'ai connu ça… Je sais ce que ça fait, et j'ai survécu. Enfin, je crois. Tu penses que j'ai l'air mort ?

Mes yeux se rouvrent brutalement. Ma « crise » d’angoisse passe aussitôt.
Il…
Il… non.
Pas lui…
Vous n’aviez pas le droit…

Je sais ce que ça fait, et j'ai survécu. Enfin, je crois. Tu penses que j'ai l'air mort ?

Le coin de mes lèvres se relève légèrement en un début de sourire. Puis un léger rire s’échappe de ma bouche, pendant quelques secondes. C’est plus… nerveux qu’autre chose. Mais je ris tout de même. Peut-être parce que c’était la seule chose qu’il attendait de moi, vu la manière dont il me regarde en ce moment même. Puis mon hilarité retombe aussitôt, comme un peu auparavant. Timidement, ma main se pose sur la sienne. La serrant tendrement entre mes doigts.
… J’ai dit tendrement ?
Peut-être, après tout… Au point où j’en suis… Je ne sais, je ne contrôle plus rien.

- Ce n’était pas de ta faute… Comment aurais-tu pu savoir ?

Léger changement de sujet… J’espère qu’il comprendra de quoi je parle. Je me contente de lui adresser un regard. Regard dans lequel mes émotions se lisent clairement. A quoi bon parler de… ce qu’il vient de me confier. Je vois bien que cela lui en coûte. Et puis… je ne sais quoi lui dire. Mes yeux expriment déjà la multitude de sentiments et de mots qui se bousculent en moi. Je ne vois pas comment faire plus, et surtout mieux. Jamais je ne le forcerais à parler d’une telle chose. Pas si il n’en a pas envie.
Je me penche légèrement vers lui :

- Je dois te remercier… pour tout ce que tu as fait. Pour moi… et pour lui. Ajoute-je en désignant mon ventre et sa main droite toujours posée dessus. Si tu n’avais pas été là…

A nouveau, je m’arrête. Mais je pense que j’ai été claire dans mes mots et mes pensées, même si je n’ai pu terminer ma phrase. Je cligne des yeux, refoulant difficilement les larmes qui y brillent. C’est terminé Sybille, terminé.
Attendez. Il… que lui arrive-t-il ? Une seule et unique perle d’eau salée roule lentement sur sa joue, tandis qu’il baisse le regard. Je… J’ai mal. Mal pour lui. Ne pleure pas, je t’en supplie… Toi tu es fort, résiste ! Tu n’as pas le droit de pleurer… Pas pour ça, ni pour moi, ni pour quiconque Rien, personne n’a le droit de te mettre dans un tel état, rien, tu m’entends ?
Lentement, mon index tremblant effleure sa joue, essuyant délicatement cette larme qui s’y attarde. Mon cœur bat la chamade, ma voix dérape, se brise tandis que je murmure difficilement ces quelques mots, les yeux humides et brillants :

- Ne pleure pas Tobias, je t’en supplie…

Sans même que je m’en rende compte, ma main vient se poser sur sa joue, tandis que la gauche reste toujours sur la sienne, gardant ses doigts prisonniers des miens dans une douce étreinte. Pourquoi est-ce que je fais ça ? Je… n’ai pas le droit. Je ne peux pas, je ne dois pas.
Et pourtant, c’est plus fort que moi. J’ai l’impression que mon cœur va éclater, exploser dans ma poitrine. Mon souffle se fait plus brûlant, plus pressant, tandis que je franchis en ce qui me semble être une éternité les derniers centimètres qui nous séparent.
J’ai besoin de toi…
Mes lèvres se posent sur les siennes.

Et ne se retirent pas, pas comme la dernière fois. Inconsciemment, je resserre presque imperceptiblement mes doigts autour des siens.
C’est… étrange. Je me sens… tellement bien. Et tellement mal à l’aise à la fois. D’un côté, je me dis que je n’ai pas le droit de faire ça. Que nous nous connaissons à peine, que nous sommes trop différents. Trop jeune, trop âgé. Pas du même côté des barreaux…
Et de l’autre… mon cœur palpitant me hurle que, après tout… et alors ? Avec lui… je me sens bien. Rassurée. Protégée. Comme une enfant dans les bras de son père.
Mais est-ce vraiment ça ?
Ou est-ce… de l’amour ?
Oui… non. Je… je ne sais pas, laissez-moi, arrêtez…
Un flash. Une image.
Ludwig.

Telle une biche effarouchée, je me retire soudainement, à deux doigts de défaillir. Mon cœur bat si fort que j’en ai la nausée. Non. Je n’ai pas le droit. Je ne peux pas.
Et lui ? Qu’éprouve-t-il réellement à mon égard ? Je l’ignore. Je ne sais rien de lui. Ou presque.
Tellement… mystérieux. Intriguant.
Fascinant…

Non mais qu’est-ce que je raconte ? C’est… n’importe quoi. Tu as fait une erreur Sybille, assume. Mais ne cherche pas à te rattraper.
Un soupir inaudible s’échappe de mes lèvres tandis que je baisse mes yeux émeraude. J’ai… honte. Honte de me comporter telle une enfant, une gamine à son égard. Il mérite mieux que ça. Et surtout mieux que moi.

- Je suis désolée… Je n’aurais pas dû faire ça… Pardonne-moi.

Je suis tellement… pathétique. Ma voix n’est qu’un souffle, un murmure. Je n’ose même pas le regarder dans les yeux. Vaincue, je me laisse retomber sur l’oreiller. Libérant enfin ses doigts de l’emprise de ma main désormais tremblante. Incapable de prononcer un mot, je fixe le mur. Muette. Ce silence m’oppresse. Me ronge. Tellement lourd… Lourd d’émotions, de sentiments, de mots, de phrases refoulées… Je n’avais pas le droit de faire ça.
Pardon…

Lentement, mes larmes coulent sur mes joues. Je n’arrive plus à les retenir. Je ne suis rien qu’une idiote. Si bête… L’aiguille dans mon bras commence à me faire mal. Je voudrais l’enlever, l’arracher…
Me la planter dans ce qui me reste de cœur.
En finir… enfin…

- Ce n’était pas la première fois, non.

A nouveau, je change de sujet. Il va finir par ne plus me comprendre, j’en suis persuadée. Mais au point où j’en suis… je crois que je suis incapable de tenir une conversation censée, d’aligner de longues phrases à la suite. Je suis perdue, brisée. Epuisée.
Mais il faut que je lui réponde. J’ai suffisamment ignoré sa question depuis le moment où il me l’a posée. Il serait capable de croire que je ne veux pas lui répondre.
Et c’est vrai. Je ne veux pas lui répondre. Je ne veux pas en parler. Je veux juste… oublier.
Mais c’est impossible…

- Ici, personne… Mis à part lui…

Je marque encore une pause. Dans quel état suis-je… Je ne peux même pas aligner trois mots à la suite, faire une phrase normale, compréhensive. Mais… c’est trop dur. Je ne peux pas en parler. Pas comme ça. Rentrer dans les détails. C’est trop horrible. Ce n’est pas compliqué, je veux juste oublier, vous m’entendez ?!
Les larmes ruissellent à présent le long de mon visage livide, silencieusement. Rivières nacrées poussée par le vent du chagrin et de la douleur. Douloureusement, mon regard se pose sur lui. Ne me force pas s’il te plait Tobias…
C’est trop dur…

- Je… c’est arrivé avant que j’arrive ici. Longtemps avant… alors… à quoi bon… C’est terminé maintenant, terminé…

Du moins, je l’espère. Je ne pourrais plus jamais revivre ça. Plus jamais. Et chaque soir, j’espère, je prie pour que jamais il ne me retrouve.
Jamais…

Mon regard s’accroche à ses prunelles anthracite. Et ne parviennent à soutenir ces yeux qui, du moins j’en ai l’impression, me transpercent. Ce dernier glisse lentement le long de son cou, et s’arrête sur le tatouage qui orne son torse dévoilé par cette chemise déboutonnée qui recouvre ses épaules. Subjugué. Deux ailes d’oiseaux – Colombe ? Hirondelle ? Cygne ? Aigle ? Je n’en ai aucune idée – s’étendent sur toute sa poitrine, gracieusement, majestueusement. C’est…
Je me retiens pour ne pas effleurer ce dessin de mes doigts. Après ce qui vient de se passer… J’ai bien peur que mon geste ne paraisse… déplacé.

Mes yeux se ferment lentement, je tourne une nouvelle fois mon visage vers le mur blanc, vierge de toutes traces. Renaissance ? Rédemption…
Je me demande ce que symbolise cette marque. Pourquoi l’a-t-il fait. Un envol ? L’espoir ?
Partir… et oublier.
Tout.
Revenir en haut Aller en bas
Tobias Viatscheslav
0274 Serenae Aquae Natae
Tobias Viatscheslav


Masculin
Nombre de messages : 1176
Age : 48
Localisation : Avec ma femme et mes deux enfants. Au Paradis.
Date d'inscription : 18/05/2007

Regarde-moi... [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Regarde-moi... [Terminé]   Regarde-moi... [Terminé] Icon_minitimeMar 19 Fév - 10:36

Mémoire à la con.
Elle vient, elle part. Je la veux, je la hais. Mais merde… à quoi ça sert, tout ça ? A quoi bon ? Je perds mon temps. Le passé, par nature, c'est mort. J'ai peut-être deux trois vices, mais je ne suis ni maso, ni nécrophile. Alors autant passer à autre chose. Non ?

Tout ce que je sais, tout ce que je sens, c'est cette toute petite main, cette toute petite chose, palpitante, tiède, posée sur mes doigts rugueux. Encore… Pourquoi ? C'est stupide. Illogique. Je devrais être mort. J'ai tué un homme, à l'instant. Et pourtant… Je n'ai vraiment pas envie qu'elle récupère sa main. Ne me lâche pas.
S'il te plaît.

Je baisse les yeux, fixe un point quelconque, quelque part. Je sens que j'ai fait une connerie. C'était vraiment pas le moment de chialer, Toby. T'es pathétique. Ridicule. J'te rappelle que t'es censé avoir l'air fort, pauvre tâche. Alors redresse toi, inspire à fond, prend un air viril. N'importe quoi. Parce que là… J'ai jamais vu pire. Rends-toi compte… Tu regarde le sol, là. Personne ne t'as jamais vu dans un état pareil. Et là, le témoin, tu peux pas le supprimer. T'en as pas envie… Non, vraiment pas.

J'ai envie de bouger, d'essuyer cette foutue flotte. Mais je peux pas. Mes deux mains sont emprisonnées. J'ai peur… peur de briser quelque chose, si je respire trop fort. Se rend-elle compte… du… soulagement que je ressens ? Elle ne m'en veut pas… Elle ne me hait pas !
Sursaut. Son doigt court sur mon visage. Je cille, sans pour autant lever les yeux. Ne pleure pas… Ne pleure plus. Jamais.

Un coin de ma bouche se détend légèrement. Genre de demi-sourire un peu space, pas vraiment naturel. Mais c'est l'intention qui compte. Et lorsque sa paume se pose sur ma joue, je ne peux m'empêcher de fermer les paupières, de pencher légèrement la tête sur ce contact innocent. Comme la dernière fois. Je frissonne. J'ai besoin d'une veste.
Oh… Non. Finalement, il fait chaud.
J'ai failli hurler, pourtant. Un baiser. Un simple baiser. Mais j'aurais dû hurler. "Ne me touche pas !" "Ne me regarde pas !" "Frappe moi !" Quelque chose.
Mais rien.
C'est mal ?

Je l'embrasse, les yeux clos. Je comprends un peu mieux… maintenant. Je n'ai plus à me mentir. Enfin… Disons que je n'arrive plus à me mentir. C'est ça… De l'affection. Plus. Autre chose. Tout ce que je sais, c'est que plus personne ne lui fera le moindre mal… Dans le cas contraire, j'ai le droit de tuer, ou de mourir.

Clac. Je suis mort. Elle s'est enfuie. Elle, désolée ? Mon Dieu… Je me suis peut-être trompé. Ou alors nous nous abusons mutuellement, tous les deux. Mais ce sentiment, maintenant que je l'ai découvert, éclairci… Je le garde. N'empêche, ses excuses me font un peu mal. C'est du grand n'importe quoi, Tobias. Ce n'est qu'une enfant… Dix ans, dix putains d'années. Tu sais ce que ça veut dire ? C'est limite si t'es pas un pervers. Ou alors t'as un gros problème avec notre bon ami Œdipe. Tout ce que tu sais, c'est que c'est pas un désir qui vient d'en bas. Y a largement assez de mecs et de donzelles dans ton genre dans cette taule pour te laisser frustré. C'est déjà ça. Mais…cette affection ? Je sais que c'est pas non plus un sentiment paternellement amical… Mais c'est quand même d'une gamine, dont il s'agit.
Mais un gamine en cloque.
…J'aurais tort… Peut-être ? De la considérer non pas comme une femme, mais une enfant… Je…
Non. Pas d'excuses. Dix ans.

…terminé…

J'acquiesce doucement, un sourire aux lèvres. Il faut que j'arrête de penser n'importe quoi, n'importe comment. A partir de cet instant, je tente de faire abstraction de tout ce qui vient de se passer. Il faut que je sois là, pour elle, et c'est tout. Je mesure la difficulté qu'elle peut avoir à m'évoquer ces choses… Oh, évoquer seulement. Mais je ne lui en demande pas plus. Je ne veux qu'une chose. La soulager, ne serait-ce qu'un peu, de tout ce poids qu'elle n'aurait jamais dû supporter.

Terminé. Le dernier en date… cette homme –j'connais même pas son nom- est mort. Tu vois. Ne crains plus rien. Et…

Je penche légèrement la tête sur le côté. Heureux d'avoir retrouvé une voix plus confiante, sûre. C'est peut-être du bluff, mais ça marche… C'est mon rôle, d'avoir l'air fort. Les garçons, ça pleure que dans les bouquins. Et je suis pas un putain de personnage de roman. Y a personne, au-dessus d'une feuille, pour écrire mes pensées, inventer mes paroles, les rendre belles. Alors je dois faire tout ce que je peux… Me débattre. Et je déteste perdre.

Et ne pleure pas ?

Tendre parodie de ses paroles à elle. Histoire de masquer son trouble. Je n'ai pas aimé son regard… sur mon cou, et plus bas. Mon tatouage ? Non… Ne me demandes rien. Guerre, guerre, guerre… Une peinture sans auteur, une œuvre sans créateur… Mort, mort, mort… Puis… J'ai dit "je n'ai pas aimé", mais c'est surtout que ça me gêne. Et merde ! Qu'est-ce que j'ai à me trimballer à moitié débraillé, bordel ? Pas envie de montrer mon corps à tout le monde. Et que ce soit elle qui puisse le voir… J'ai l'impression d'être un putain d'exhibitionniste… Malsain. Encore ce mot ! 'Fait chier…

Tobias !
Doc ?

Mon ton n'est pas vraiment poli… Du genre irrité. Pas très réglo envers un bon mec, mais 'faut dire que je l'ai mauvaise… J'ai salement sursauté. Je jette un regard à Petite Plume, qui semble s'être "absentée", et me retourne.

Laisse-la se reposer…
Ouais…
Et viens me voir dans mon bureau. J'ai tes analyses.

Mon sang se fige dans mes veines. Enfin… C'est un peu l'impression que j'ai. Les métaphores fleuries, c'est pas mon truc. Alors merde. Je me lève, doucement, sans un bruit, et boutonne lentement ma chemise. Je reprends, d'un ton neutre au possible.

Alors ?
Positif.

Ah…
C'est comme ça, donc ?

Ouais. Je sais pas vraiment ce que ça me fait. Est-ce que ça me touche ? Fierté, peut-être. C'est pas comme si je voulais perpétuer mes gènes… Mais bon.
Je réfléchirai à tout ça plus tard.

Partez devant, doc. Je vous rejoins.

Il s'exécute. Je me penche sur le lit. Elle dort peut-être. Certainement. Je souris au vide. Je fais un pas en arrière, porte les mains à mon cou, parcours des doigts mes nombreuses amulettes. J'en détache une, observe un moment la lumière jouant en son cœur translucide. Un œil bleu. Turquie. "Nazar Boncuk". Une sorte de perle de verre, d'un blanc de nacre, percée d'un iris bleu roi. Toute cette histoire me rappelle une croyance… Les mères turques attachent sur les vêtements de leur enfant une perle de ce type. Histoire que la beauté de leur enfant n'attire pas la jalousie du mauvais œil. Protection du désir d'un autre. Je me penche un peu, et mes cheveux effleurent une main que j'ouvre le plus délicatement possible.
J'y dépose le pendentif, tourne les talons, et m'en vais.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Regarde-moi... [Terminé] Empty
MessageSujet: Re: Regarde-moi... [Terminé]   Regarde-moi... [Terminé] Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Regarde-moi... [Terminé]
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Change tes yeux, regarde-moi [Bella]
» Dans les douches...seuls(Attention au sensible, pas regarde)

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Sadismus Jail :: Sadismus [derrière le barbelé] :: Étage principal :: Aile commune :: Infirmerie-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser