Home sweet home

Invité

Quelle heure est il? J'ai froid... Je ne sens plus mes mains et mes pieds semblent vouloir plonger dans ce qui semble être de l'herbe... J'ai la vague impression de connaitre les lieux... Oui, je suis chez moi... Je suis à la maison... Peut être qu'en ouvrant je reverrai ma mère... Maman? Je ne me rappelle plus son visage... Je ne sais plus à quoi elle ressemble? Mais... J'ai vraiment oublié ou n'est-ce là qu'une illusion... Et voilà que mes pieds semblent de nouveau vouloir m'écouter... Je marche, aidé de deux personnes, mes yeux s'ouvrent peu à peu dans le noir... Est-ce que je rêve? Je ne sais plus trop... Je ne connais pas les gens qui m'aident à avancer péniblement, je tente alors de poser ma main sur ma hanche pour me saisir de mon colt mais pouf je la sens qui s'enfonce dans un sweat qui n'est pas le mien... Il est trop grand pour moi... Je me mets alors à paniquer... Il y a l'ombre de notre vieux grillage devant moi... Un très vieux grillage... Ou alors un très neuf... Je ne sais pas, je ne vois pas bien dans le noir... Je voudrais être un chat pour identifier les lieux... J'ai les pognets endoloris et quelque chose les entrave... Pourquoi m'a-t-on attaché... Je ne suis donc vraiment pas à la maison?! Là seulement commence la descente aux enfers.

Mes pieds sentent enfin clairement la surface sur laquelle je marche, c'est du tarmac, je marche sur une route... Je marche? Mes pieds? Mais alors je suis pieds nus... Oh non ça ne se passera pas comme ça... Dans un effort spectaculaire au milieu de ma demi conscience, je reserre mes poings et les envoie dans la figure de mon supporteur de gauche, il pousse un hurlement, je pense lui avoir cassé le nez... L'autre lâche prise et je pense avoir gagné cette fois... Mais alors que je m'apprette à m'en aller en courant, quelque chose s'abat sur mon crane et je tombe à la renverse avant d'être soutenu, juste avant de toucher le sol... Une douleur affreuse me lance tout le long du crâne et je frissone alors qu'on me releve péniblement... A tatons, je pus sentir un barreau, froid, je frissone et tente de bouger mais à présent je suis relié, pantelan. Mes menottes sont reliées à la grille par d'autres menottes... Et plus loin, hors de portée, sont les clefs...

J'essaie tout, avec les pieds, avec les dents, tout mais rien n'y fait, je ne parviens pas à me saisir de ces fichues clefs ni du mot accroché tout près, signalant qui j'étais et ce que je venais faire là... N'étant même pas sur que quelqu'un avait vu la scène, je désèspère... J'avais donc finit par être attrappé... Ma liberté, si belle, venait de s'envoler... Sans un mot, je me laisse aller contre les barreaux froids de la grille, tremblant de froid...

-On dirait que le ciel vient de s'abattre sur votre tête mon cher, je dis d'une voix excessivement calme à mesure que je m'approche de la grille de l'entrée.

Sous mon large voile noir, je souris de toutes mes dents, même si je sais qu'il n'en voit rien. Au fond, je me demande si c'est réellement moi qui suis voilée. Certes, je vois le monde légèrement plus sombre que les autres, mais les autres ne voient rien de ma personne, si ce n'est qu'un morceau de peau sur le dos de ma main gauche, mes doigts finement ciselés et la blancheur excessive de mon épiderme. Je souris de cette merveilleuse grâce dont j'ai toujours disposée. Je souris pour moi-même, pour donner à ma voix cet air poli et aimable. À vrai dire, mon sourire a aussi un petit quelque chose de moqueur, mais je me garderais bien de le faire remarquer. Disons que la situation de monsieur ici présent est plutôt amusante. Si j'étais d'un naturel méchant ou cruel, je le laisserais à cet endroit, dans cette fâcheuse posture et rirais de sa profonde déconvenue. Mais je suis une dame digne, droite et pacifique. C'est pourquoi je m'avance vers la grille pour attraper le trousseau de clés.

-Vous êtes chanceux que je sois passée par là, je dis en m'approchant un peu plus de lui. Vous auriez pu rester attaché ici très longtemps. Au fait je m'appelle Brigitte, j'ajoute en faisant tourner la clé dans la serrure. Et voilà. Libre comme l'air, même si cette expression ne s'applique pas trop à nous, pauvres malheureux.

Vers la fin de mon soliloque, ma voix laisse filtrer un certain mépris. Pas envers cet homme. Je ne le connais pas du tout. Comment pourrais-je le mépriser ? Surtout, il m'a l'air plutôt bien, pour l'instant. S'il y a bien une chose que j'ai apprise ici, c'est qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Reste qu'avec son allure, je suis prête à lui laisser le bénéfice du doute. Je l'observe se dépêtrer des menottes. Je me demande pourquoi personne n'est venu le voir. Moi à mon arrivée, un jeune gardien blond était venu m'accueillir. Je m'en souviens encore comme si c'était hier. La température était nettement plus clémente, le soleil plombait sur nos têtes et j'avais l'impression que j'allais me liquéfier tellement j'étouffais dans ma tenue de veuve.

Je laisse mes yeux vagabonder sur sa personne. Pourquoi je me gênerais ? Ce n'est pas comme s'il y avait une chance qu'il s'en aperçoive. De un, à notre arrivée ici on a rarement toute notre tête, et de deux, il faudrait déjà qu'il puisse voir mon visage.

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