Bonne humeur [PV: Jade]

Aujourd'hui, rien de mal ne peut m'arriver. On est samedi matin, il est tôt, et normalement, Katie va venir me voir dans la journée avec Luc. Enfin. Cette nuit, c'est à peine si j'ai réussi à dormir tellement j'étais excitée, et je crois pas que je réussirai à tenir en place au cours de la journée. Pour l'instant, je marche.
J'ai pris un court et rapide petit-déjeuner, et maintenant, je me dirige vers la salle des visites, rapidement. Je ne sais pas à quelle heure ils vont arriver, mais je tiens à être le plus près possible d'eux quand ils vont arriver. Et je ne veux pas qu'on ait à me chercher dans toute la prison pour me dire que j'ai de la visite. Telle que je me connais, je sens que je vais faire les cent pas devant cette foutue salle jusqu'à la fin de la journée s'il le faut.

Seulement, à marcher si vite sans regarder où je vais, je finis par rentrer dans quelqu'un. Oh, rien de grave, il en faudrait plus pour gâcher cette bonne humeur. La fille que j'ai bousculée est tombée. Elle est plus grande que moi pourtant, mais plus maigre. Un peu trop à mon goût d'ailleurs, mais ça n'a pas vraiment d'importance.
En cet instant précis, il n'y a qu'une seule chose qui compte - inutile de préciser quoi, il me semble. Serviable, comme toujours, je lui tends immédiatement la main pour l'aider à se relever.

" Excuse-moi, je regardais pas où j'allais. Ca va? "

Je sais bien que dans cette prison, la plupart des gens n'ont pas une tendance naturelle à la bonne humeur, mais je crois que la mienne est communicative. J'espère en tout cas, bien qu'à bien y regarder, cette fille n'a pas l'air spécialement joyeuse, ni spécialement ouverte.
Tant pis, que ce soit le cas ou non, un sourire ne peut pas faire de mal. Je sais que je suis de nature particulièrement optimiste, mais là, je vois vraiment pas quels problèmes je pourrais bien m'attirer.

[hj: Bon, c'est peut-être un peu court, mais je me rattraperai au prochain post^^]

J’devrais arrêter ces pilules. En fait, j’ignore ce que je devrais faire. Ça fait presque 10 ans que j’ai eu cette énergumène dans ma vie. Kô. Un petit imbécile qui commentait le moindre de mes faits et gestes. Il était persuadé que si je refusais de le repousser à jamais, c’est que je l’aimais bien. Je sais que pendant mes premiers temps de solitude lors de mon adolescence ou même lorsque je préparais mes meurtres, ça me rassurait de ne pas être complètement seule. Aussi, je crois que j’avais l’orgueil de ne pas prendre leur médoc’, de leur prouver qu’en fait, je n’étais pas folle. Mais, je le hais. Encore plus depuis Sadismus. Encore plus depuis qu’il n’est plus possible d’être seul bien longtemps.

La preuve, me voilà à faire une collision avec une inconnue. Je ne sais pas ça fait combien de fois que ça m’arrive depuis le début de ma sentence. À croire que personne ne regarde où il va. Oh, et à quoi bon? Personne ne va nulle part. Cet endroit me rend malade. Les prisonniers comme les gardiens me font le même effet. C’était pareil dehors. C’était pareil. C’est pour ça que je tuais. C’était seulement à ce moment culminant où la mort quittait ma victime que j’arrêtais de me sentir nauséeuse. Les gens normaux, c’est le contraire. Ils se sentent bien avec leurs semblables et piteux quand ils sont seuls. Et si un jour ils devaient tuer, ça les rendrait malade.

Quand je prends ces pilules, je suis comme dans un putain de brouillard. Tout est flou. J’en ai horreur, ça me terrorise. C’est con, c’est ridicule. Ça aussi, ça me rend malade. C’est pour ça que j’ignore quoi faire. Mais, au moins, Kô n’est plus là. Le comprimé l’a aspiré, l’a dissout. Kô, c’est fini. Le meurtre, c’est fini. La solitude, c’est fini ici. On ne peut jamais être seul.

Un visage s’émerge du brouillard. Une rouquine philanthrope. S’il y a une chose que je me méfie plus que les gens tristes, c’est les gens heureux. Surtout ici. C’est presque malsain. Je regarde la main qu’elle me tend avec dédain et la refuse.

-Je suis encore capable de me lever moi-même…

Car, oui, j’étais tombée. Mon pas dans la brume se fait mal assuré. J’ai peur de tomber ou de ne pas voir tout à fait où je vais. J’ai la tête qui éclate et les jambes qui flottent. Je regarde, les yeux vaguement plissés, la prisonnière devant moi.

-Ouais, ouais…Ça va…

Je passe ma main sur mon uniforme comme pour chasser une poussière inexistante.