Suivez le guide [Doc'- Dama]

[on vient de l'église mais le topic est situé dans le couloir]

Damara semble tenir à cette histoire de Paradis. J'ignore pourquoi. Cette notion est tellement complexe à mes yeux que je ne suis pas certain d'en saisir tout le sens. Qu'est ce que le Paradis ? Un lieu ? Une idée ? Une personne ? Un état peut-être ? Malgré ce qu'on nous apprend, je pense que chacun à son propre paradis. Qu'il y croit ou pas. Et quoique cela puisse être. Ma gardienne avait probablement suivit sa pensée car sa question fait échos à celle de mon esprit.

« Avez-vous votre Paradis ? … »

Mon Paradis est le néant Damara. Cette obscurité qui vous enveloppe quand vous dormez d'un sommeil sans rêve. Mon paradis n'existe pas car le seul fait d'exister le détruirait. Mon paradis est dans le silence, la solitude, et la mort. Je ne veux pas vivre. Chaque respiration dans ce monde m'est un enfer. Mon paradis est dans mon esprit. Mon paradis est avec Sarah. Mon paradis n'existe pas. Il est mort.

Je décide finalement de ne pas répondre à la question, laissant mon regard vide lui faire croire que je n'en ai pas. Elle n'insiste pas, me proposant de partir. J'hoche tranquillement la tête, pas faché de quitter cette atmosphere. Je sais que ma soeur m'attend à la porte, pas fachée mais curieuse de savoir ce qui c'est passé.

Nous continuons à marcher. Damara est légèrement devant moi, Sarah, un peu en arrière, flotte pour rester à ma hauteur. Je vous arrête tout de suite, vous qui sourcillez à me lire. Je ne suis pas fou. Je sais tres bien que Sarah, la vraie Sarah, n'est plus qu'un corps dans une tombe en france. Je sais qu'elle ne reviendra pas, qu'elle a été avalé par le néant, bref, je sais qu'elle est morte. Je ne vois pas de gamine aux cheveux roux et aux yeux dorés qui me parlerait d'une voix fluette. Mais ma soeur, ou une version idéalisée d'elle, son souvenir, sa présence même, est sans arrêt à mes côtés. Elle est une partie de moi. Mes intuitions viennent d'elle, la voix de ma conscience qui s'oppose parfois à celle de mon esprit est la sienne, et j'aime me l'imaginer près de moi. Parfois, j'arrive même à sentir sa présence. Est-ce de la folie que d'avoir des hallucinations lorsque l'on sait que ce n'est pas réel ?

« A votre gauche, vous avez le bureau de la psychologue, et à côté, celui de la direction. »

Une fois de plus, la voix de Damara me rappelle à ce monde. Je ne compte plus le nombre de fois ou elle m'a arraché à mes songes aujourd'hui. Je n'en éprouve aucune colère ou lassitude. C'est juste une remarque mentale de ma part. Je ne sais absolument pas par où on est passé mais j'avoue que cela ne m'inquiete pas outre mesure. J'errerrais dans les jours à venir pour apprendre à mes pieds les différents chemins. Ainsi, je saurais me déplacer sans réfléchir. Quoique

Je ne vois pas ce que j'aurais bien avoir a faire avec la direction. A moins d'aller me plaindre du bruit de mes compagnons de cellule. Derrière mon impassibilité coutumière, cette idée m'amuse presque par son impossibilité. Quand à la Psychologue... non. Je refuse. Je ne parlerais plus à personne de ce que j'ai vécu. Il n'y avait qu'Elle qui pouvait me comprendre. Elle est loin à présent, mais je ne la remplacerais pas.

Nous continuons...et arrivons dans une pièce blanche. Murs blancs, lits blancs, rideaux blanc. Un monde de mort. On dirait un hôpital. Pas besoin d'être très intelligent pour deviner qu'il s'agit de l'infirmerie.
Si je n'aime pas les hôpitaux, Damara semble les craindre. Ses yeux s'écarquillent, sa peau devient plus terne que la cire fondue d'une bougie, tandis que ses pieds reculent à l'aveuglette pour heurter un mur. Elle semble prête à perdre pied mais réussi à articuler quelque chose avant de s'effondrer, en tas, contre le mur. Je n'ai rien compris de ce qu'elle a dit. Je la regarde. Dans les films, on voit toujours les gens tomber en position allongée. Damara est en tas.

Il me faut quelques secondes pour réaliser ce qui vient de se passer. Je n'arrive pas à la quitter des yeux et quelque chose qui doit ressembler vaguement à de la perplexité a envahi mon visage. Est-elle vivante ? Est ce que j'ai fais quelque chose de mal ? Ou est ce l'hopital qui l'a tué ? Moi peut-être ? Suis-je en train de faire l'une de ses crises qui disparaissent de ma mémoire, ne laissant que des cadavres derrière moi ? Vais-je oublier ? Damara vit-elle encore ? Pourquoi rien de tout cela ne me touche réellement ? Comment suis-je sensé réagir ? Qu'est ce que la réalité attend de moi précisément ?

Je prend une profonde respiration pour éloigner tous ces mots de mon esprit. Doucement je pose un genou à terre et prend un de mes cheveux que je place devant la bouche de ma gardienne inerte. Le cheveu bouge. Elle respire. Elle est vivante. Bien. Maintenant que faire... euh... pourquoi agir ? Apres tout quelqu'un viendra bien assez tôt. Comme pour Sarah. Il la casseront en deux puis me diront qu'elle ne souffre plus. Dieu que je n'aime pas cet endroit. Le blanc est en train d'envahir mon esprit et de l'empoisonner avec des mots.

Je me relève. Un mouvement attire mon regard, je vais dans cette direction. Il y a un homme ici. Petit, comme tous les êtres humains ou presque. Je le vois de dos. Il a les cheveux bruns et une blouse blanche. J'avance vers lui et pose ma main sur son épaule, juste une seconde pour attirer son attention. Puis, sans un mot, je lui désigne Damara, toujours en tas contre le mur.

*Cassée* dit mon regard.

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Je trie les dossiers médicaux, je n'ai rien à faire et ces derniers étaient pêle-mêle dans un meuble. Autant remettre tout cela en ordre, bien rangé, pour s'y retrouver plus facilement. Je me laisse aller à la lecture de l'un d'entre eux quand quelque chose touche mon épaule. Je me retourne et fait face à un individu. Il est maigre, grand, je suis obligé de lever la tête pour capter son regard. J'attends qu'il me dise quelque chose, qu'il m'explique la raison de sa venue ici, mais il ne dit rien. Je vais pour lui demander si je peut faire quelque chose pour lui lorsqu'il me montre une direction. D'où je suis je ne vois strictement rien. Je me déplace donc, passant devant lui et je vois ce qu'il m'indiquait.
Un peu plus loin, à l'entrée de l'infirmerie, une jeune femme est au sol, contre le mur. Sans plus attendre, je me précipite à elle. Je pose une main sur son épaule, et de l'autre relève sa tête qui pend sur son torse. Son teint est livide,ses yeux clos.

-...Tu m'entends?

Pas de réponse, elle est inconsciente. Je l'allonge au sol, sur son dos.Elle ne semble être blessée nul part. J'approche mon oreille de sa bouche entrouverte, je sens un souffle; elle respire, c'est déjà ça. Je prend son pouls à son poignet... Elle fait un peu de bradycardie mais c'est léger. L'homme qui m'a averti est là, il regarde la scène, impassible, aucune émotion ne se déssine sur son visage. Ni peur, ni stress, rien du tout. Plutôt rare, habituellement, les personnes qui assistent à une situation pareille ne restent pas sans réagir, au contraire, parfois elles peuvent se révéler agaçantes. Mais là rien. Je me demande si il n'est pas à l'origine de cela, après tout je n'ai rien vu, ni entendu et cela expliquerai aussi cette impassibilté... Mais je ne le juge pas, cette femme me dira ce qui c'est passé à son réveil.

-Comment cela c'est produit?

J'interroge l'individu, en éffet, l'une des meilleures façon de poser un diagnostic est de demander aux témoins l'état du patient avant son évanouissement. Il était peut-être avec elle lorsque cela c'est produit, dans ce cas il pourrait me le dire. Je ne le regarde plus, et attendant une réponse de sa part, je donne de légères claques à la femme tout en lui parlant assez fort pour la faire réagir, lui faire reprendre conscience. Si elle ne se réveille pas ainsi, j'aviserais.

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Une douce mélodie me tire de mon sommeil, elle est lente. Des cloches retentissent légèrement, des chants d’enfants s’amusant dans la cour de récrée les accompagnent. Le rythme est changeant mais toujours calme. C’est le même son que cette fameuse boite à musique logé dans le tiroir inférieur du bureau de ma chambre … Musique de fond.

Quand j’ouvre enfin mes yeux, je n’aperçois qu’une brume blanchâtre autour de moi, toujours avec la mélodie derrière. Un rire d’enfant se fait entendre. Mais je ne vois rien. Je reconnais toutefois la voix, c’est celle de Danaé. Je me redresse en essayant de la retrouver mais impossible, la brume m’entoure de toute part. Le chant continue … la la la la la … Le sol est grisâtre, je ne vois à peine qu’à un mètre, l’épais nuage ne se dissout pas. Je continue tout de même à avancer en pleurant l’enfant de se manifester. Rien. Jusqu’au moment où, j’aperçois enfin une silhouette, ce qui semblait être une petite fille de cinq ans, pas plus. Elle est à genoux sur le sol, fixant une bille couleur émeraude.

« Danaé … »

Le visage de l’enfant se tourne vers moi, les yeux d’un bleu ciel et les cheveux noirs. C’est bien elle. Debout face à elle, je m’abaisse à sa hauteur. Elle ne dit toujours rien. Aussi sage qu’une image. Un délicieux sourire se forme sur ses lèvres. L’émotion est forte, j’ai l’impression de me revoir il y a vingt ans. Je viens caresser la joue de la petite fille, sa peau est douce, mais froide. Sa main se pose sur la mienne, la serrant très fort contre son visage.

« Μαμά … σ' αγαπώ. »

Je sourie à mon tour. Des larmes apparaissent dans les yeux de la fillette. Ce n’est qu’un rêve, je le sais. Je l’attire vers moi tout en la serrant contre ma poitrine. Rien de tout cela ne serait arrivé si … Elle se remet doucement à chanter. Je l’écoute, ma main se glisse dans ses longs cheveux sombres. Même mon contact ne suffit pas pour réchauffer sa peau. Pourquoi es-tu si froide Danaé ? Qu’importe, tant que tu es là. Elle se détache de moi, en me montrant du bout du doigt la petite sphère verte. La brume est toujours là, je me redresse. Je sais que tout cela n’est qu’un rêve.

Danaé est morte …

Coup de détonation, je ferme fortement les yeux et je découvre une nouvelle pièce. Un théâtre dans lequel je suis la seule spectatrice. L’endroit en question est froid, remplie d’âme ayant perdue la vie. Ca me fait peur. Mon attention se porte sur un groupe de personne. Une femme allongée sur un lit d’hôpital. Apparemment inconsciente. Un liquide rouge coule de ses cuisses. Des médecins autour d’elle tentant de la ramener parmi eux. Sa tension est trop base, tout s’anime autour d’elle … En dehors de la pièce, deux hommes attendent. Le teint blafard. J’observe la scène de mon souvenir. Je sais à quel point elle a eu mal dans son être. Son ventre est vide à présent. Le « bip … bip … bip … » va la réveiller quelques heures après, elle va ouvrir les yeux, et là, l’enfer d’avoir perdu son enfant va la poursuivre jusqu’à la mort …

Le chant de l’enfant décédé reprend.

Un voix d’homme retentit … « Tu m'entends? » résonne dans mes oreilles. Oui, je vous entends mais je ne peux vous répondre. Ma bouche est comme scellée, j’ai beau crié, rien ne sort de ma gorge. Et si cela n’était encore qu’un rêve ?

"Μαμά … σ' αγαπώ" : Maman ... Je t'aime.

L'on dit souvent que la mort est l'angoisse la plus profonde de l'être humaine. Cela ferait partie de nos peurs ancestrales. La peur d'être enterré vivant, celle d'être dévoré par des bêtes sauvages. De lointaines réminicense de notre passé bestial qui se transmettraient par mémoire génétique. J'ai longtemps cru que tout ceci n'était que pur affabulation de scientifiques rêvant de trouver le chaînon manquant. Pourtant, lorsque je vois a quel point la vie des citoyens est protégée, et la réaction du médecin en voyant Damara, je me dis que finalement, c'est peut-être moi qui suis étrange.

Le doc' s'est précipité sur ma gardienne, comme si elle allait s'envoler (dans son état, c'est pourtant peu probable, pas besoin de stresser comme ça docteur, il parait que ce n'est pas bon pour le coeur.). Il la tourne, la manipule, lui parle. Pour ma part le me contente de me retourner tranquillement et de les regarder. Peut-être que Damara s'est envolée finalement. A-t-elle trouvé ce Paradis dont nous parlions peu de temps auparavant ? Peut-être est pour cela qu'elle est tombée maintenant. Peut-être cherche-t-elle un monde qui n'existe pas. Qui sommes nous pour l'y arracher de force ? L'image de Sarah et des médecins me revient en mémoire, toujours aussi vivace malgré les années. Les deux bandes blanches sur son torse nu, les deux pavés blanc. On dégage. Et ma soeur qui se cambre à se briser. Je m'attends presque à les voir surgir, mes démons en blouse blanche.

Mais rien ne vient. Le Docteur n'a même pas l'air vraiment inquiet. Il délaisse une seconde ma gardienne pour me regarder avec, je crois, curiosité. Je lui rend son regard, toujours aussi calme et impassible. Qu'attend il de moi ? Pourquoi ce reproche dans ses yeux ? Y a t-il seulement du reproche ? Je ne sais pas. Je me sens...normal, calme, dans mon monde grisatre. Je sais que Damara a ma bille dans sa poche comme une ancre vers la réalité. Et si cela ne suffit pas et bien... ce n'était pas comme si vivre était la seule option.

-Comment cela c'est produit?

Drôle de question. Je n'en sais rien. On parlait, on est entré, elle est tombée en tas. Ah non, elle a reculé avant. Qu'attend-il comme réponse ? Est ce que j'ai seulement envie de lui répondre ? Je ne sais pas, j'hésite, je me tâte tranquillement. Damara a dit un mot en tombant mais je ne suis pas sur de l'avoir bien entendu et puis même, je n'étais probablement pas visé.

Il doit attendre une réponse de ma part, une réaction, quelque chose. Comment un être humain réagirait-il ? Je l'ignore. Mes yeux couleur de pluie quittent le médecin et se posent sur ma gardienne. Si petite, si fragile, si...

"Cassée."

Oui, si cassée à l'intérieur d'elle-même. Je me souviens du moment ou elle a eu mal au ventre lorsqu'on parlait de Sarah. Peut-être est-ce la même chose ? Dois je le dire ou pas ? Vais-je le dire ou pas ?

"Ventre"

Ben voila je l'ai dit. Après qu'il en fasse ce qu'il veut, moi cela ne me regarde plus. Et pour bien signifier que j'ai dit tout ce que j'avais à dire, je fais deux pas vers un lit vide et m'asseoit tranquillement sur la chaise qui le borde, les yeux fixés sur Damara.

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La jeune femme ne se réveille pas, malgré mes gestes. L'individu qui est là ne semble toujours pas plus gêné. Je me demande si il compte répondre à la question posée car il met un certain temps avant de prendre la parole. "Ventre" ...C'est le mot qui sort de sa bouche pour m'expliquer ce qu'il c'est passé. Quest-ce-que cela peut bien signifier?C'est vague. Lui, il s'installe sur une chaise à coté d'un lit puis pose son regard sur l'inconsciente. Je ne peux pas la laisser ainsi plus longtemps, il faut que je passe à l'étape suivante. Elle fait de la bradycardie, il faut quelque chose pour inhiber cela. De l'Atropine... Il y en a quelque part ici, j'en ai vu, mais c'est tellement désordoné... Je me lève, me dirige vers une armoire et l'ouvre. Des boites diverses de médicaments et autres produits sont empilées dans celle-ci et je me met à chercher. Je fouille, le bazard ne m'arrange pas, je perd du temps et chaque seconde a son importance dans ces situations. Voilà pourquoi j'apprécie que tout soit rangé, au moins il n'y a pas de perte de temps car l'on trouve ce que l'on cherche immédiatement. Des boites tombent au sol, ce n'est pas grave, je les ramasserais plus tard. J'en prend une d'entres elles, avec écrit sur le carton de l'emballage "Atropine" . Je m'en empare, retourne vers la jeune femme et saisit à la volée une seringue dans son sachet stérilisé. Une fois aux cotés de la gardienne, j''ouvre le flacon, ensuite sors la seringue de son enveloppe la remplis du produit choisit.Je fais sortir l'air entrée; toujours faire cela avant de piquer; et relève la manche de son haut jusqu'au dessus de l'articulation de son coude. Je la pique sans plus attendre. Après lui avoir administré la dose, je pose la seringue sur un meuble tout près. Il n'y a plus qu'a attendre que l'Atropine fasse son éffet et normalement elle se réveillera dans un petit instant. Je jette un coup d'oeil au lit à proximité, il faudrait que je l'y emmène je ne vais pas la laisser ainsi au sol. Je la regarde, sa masse corporelle n'est pas très importante, c'est dans la mesure du possible. Je passe un bras sous ses épaules, l'autre sous ses jambes et parvient à la soulever du sol. Elle n'est pas si lourde que ça, je l'emmène sur le lit où je l'étend. L'homme assis à son coté me regarde faire. Je veut lui dire quelque chose, je ne sais pas... Pour le rassurer peut-être? Quoiqu'il n'a pas l'air du tout inquiet.

"Ca devrait aller, elle va revenir à elle dans quelques minutes."

Lui dis-je en lui adressant un sourire. Je me retourne, vais reprendre la seringue pour la jeter à la poubelle. Je m'empare d'une chaise et retourne auprès du chevet de la jeune femme. Je m'asseois en face de l'individu à coté du lit. Comme celui-ci est à notre hauteur, je peut reprendre le pouls de la patiente, il est déjà un plus correct que précédemment. Comme je le dis, il n'y a plus qu'à patienter.

Serais-je entrain de flotter dans les airs ? J’en ai bien l’impression. Comme si Morphée me serrait très fort contre lui. Quelle douce et agréable sensation. Un rêve, la réalité, qu’importe dans le fond. Le mal qui me prenait le ventre a disparut. L’inconnu me pose doucement sur un nuage de coton blanc. Je ne le vois pas, mais je le sens. Etrangement, des voix pénètrent mon esprit : « Ca devrait aller, elle va revenir à elle dans quelques minutes. » Qui est-ce ? De quoi parlait-il ? C’est un homme, vu sa voix grave.

Le temps passe, passe tellement que je reviens un peu à moi. Mon cœur bat à un rythme régulier dans ma poitrine. Une chaleur inconnue s’empare de mon poignet, appuyant sur ma veine … Mon pouls ? Que c’était-il passé ? … Je me décide enfin à bouger, ouvrant doucement les yeux tout est flou et blanc. Ma main se plaque sur mon front, un mal de tête vient entraver mon cerveau.

« Que c’est-il … »

Mon regard se porte sur un homme vêtu de blanc. Paralysée, je ne bouge plus. Blouse blanche, médecin … Cinq ans. Enfant perdu. Instinctivement, je me recule, de peur ? Non. Mon regard se porte sur ce dont j’étais installée. Encore pire. Le même lit. Je tremble légèrement, pas encore, je suis déjà vide de vie. Blafarde, les souvenirs me reviennent tel un coup de canon dans l’estomac. Je me redresse lentement pour me tenir assise. Ma tête tourne, tel un manège poussé à la vitesse maximal.

Je n’ai rien contre ce monsieur, mais je n’aime pas être dans ces lieux de soin. Je me calme après quelques secondes en remarquant que Siriel était toujours là, assis juste à côté du lit, avec le docteur en face de lui.

« Je … Excusez-moi. »

Tout est encore un peu brouillé dans mon esprit. Quand nous sommes entrés ici Silver et moi, je n’ai fait que poser les yeux sur l’endroit et puis le trou noir. Je me souviens aussi … Ma main se porte contre mon ventre. A elle qui n’y est plus. Elle était si, heureuse et triste en même temps.

Gênée par mon évanouissement, je me redresse pour me tenir debout. Je ne compte pas plus importuner ce docteur. Je remarque que la manche de mon dessus est remontée. Avec une trace de piqûre dans ma peau.

« Je suis désolée pour tout ce désagrément … Merci encore. Je ne compte pas plus vous déranger. »

Fuyant l’endroit de mes craintes, ce lieu qui m’a tant fait souffrir. Que cela soit à ma naissance ou autre, je ne me suis jamais sentie à l’aise. L’odeur des médicaments, le souffle des âmes perdues sur la nuque des vivants. J’avance d’un pas, décidée à partir malgré mon mal de tête.

Le temps d'apprendre a vivre, il est déjà trop tard. Que pleurent dans la nuit, nos coeurs à l'unisson.
(Brassens : Il n'y a pas d'amours heureux)

Le médecin continue à s'agiter dans tous les sens. Il fouille les placarts, met du désordre, fait tomber des choses sur le sol, bref, s'énerve. Il représente la vie, tourbillonnante, désordonnée, toujours en conflit avec le monde et le destin. Ce n'est pas un reproche dans ma tête, juste une constatation. Alors que Damara ne bouge pas d'un cil. Est ce qu'elle rêve ? Est ce que l'on rêve quand on est mort ? Est-elle encore vivante ? Et que cherche-t-il ?

Ah. Il semble avoir trouvé ce qu'il voulait. Un flacon, une seringue, une injection. Je suis la scène des yeux, un peu blasé. Je ne me sens absolument pas concerné par la scène. C'est comme s'il y avait un écran invisible entre eux et moi. Ils vivent, je regarde. Ils ressentent, je pense, ils agissent, je reste immobile.

Le doc a finalement prit Damara dans ses bras pour la poser sur le lit à mes côtés. C'est une bonne chose, je préfère la voir allongée là qu'entassée contre le mur. J'aurais peut-être pu le faire moi-même au début. Non, on ne déplace pas un blessé. Et puis je n'en aurait probablement pas eu la force.

"Ca devrait aller, elle va revenir à elle dans quelques minutes."

Il sourit. Pour me rassurer peut-être ? Oh, mais je ne m'inquiétez pas. Peu m'importe la vie ou la mort. Je ne considère pas cette dernière comme un monstre mais comme une libératrice. Il n'y a qu'une personne dont je refuserait la mort toute ma vie, et une autre que je ne veux absolument pas voir mourir. La première est ma compagne d'éternité. La seconde est bien loin et je ne la verrais plus jamais.

« Que c’est-il … »

Elle s'est réveillée. Renvoyée de force à la vie par les soins experts du docteur. Elle semble un peu perdue, presque pâle mais presque normale. Enfin normale... disons comme lorsque nous discutions dans le couloir. Je ne me sens pas soulagé même si quelque chose en moi est un peu plus léger. Elle se recule encore, cette fois en voyant le médecin. J'ai envie de lui dire de ne pas s'en faire, que je suis là, puis je réalise la bêtise de ce genre de formule. Quelle importance que je sois la ou pas ?

« Je … Excusez-moi. »

Elle tremble, me regarde et semble se calmer un peu. Finalement cela a peut-être de l'importance pour elle. Drôle de femme. Drôle de vie. Drôles de gens.

« Je suis désolée pour tout ce désagrément … Merci encore. Je ne compte pas plus vous déranger. »

Elle se redresse, une main sur le ventre, s'asseoit, se lève, fait un pas vers la porte. Avant de penser a ce que je fais, je me lêve a mon tour. Mes jambes sont si grandes qu'il ne me faut qu'un pas, un mouvement, pour la dépasser et lui barrer le chemin. Je la regarde, toujours impassible, un rien sévère cependant. Mon bras se lève et désigne le lit. Ma voix sort, grave, calme, froide, implacable.

"Non."

Tu vas te reposer et guérir Damara. Et si je dois rester a ton chevet immobile, silencieux, sans boire, manger, ou dormir jusqu'à ce que le docteur te libère, alors je le ferais. Tu as choisit de vivre. Tu assumes.

2475 Médecin Nombre de messages : 988 Age : 50 Date d'inscription : 10/07/2008

Elle se réveille enfin, ouvrant lentement les yeux, posant une main sur son front.La jeune femme reste me regarder puis se redresse enfin doucement comme émergeant d'un profond sommeil. Elle articule quelques mots puis se lève même du lit. Elle me parait éffrayée, comme si elle craint quelque chose. Elle me remercie et s'excuse pour ce qui c'est passé. Elle n'avais pas besoin de le faire, ce que j'ai fait est tout à fait normal, c'est mon métier de soigner les gens, de leur redonner la santé si cela m'est possible et je n'arreterais cela pour rien au monde.

Elle semble vouloir fuir la pièce le plus vite possible car sans attendre, elle se dirige vers la sortie dans l'intention de s'en aller. Pour la première fois depuis qu'il est là, l'individu assit sur la chaise réagit. Voyant la gardienne partir , il se lève et va se placer devant elle pour lui barrer le chemin, la dissuader d'aller plus loin. D'un signe, il lui désigne le lit en lui disant "non" sur un ton froid, encore une fois sans émotions. Je m'approche d'eux, il n'a pas tort, il faut qu'elle reste en observation, au cas ou elle aurait encore un autre malaise, pour surveiller les éffets de l'Atropine qui pourraient avoir lieux... Elle n'a pas besoin de rester bien longtemps. Je lui fait la remarque, la tutoyant comme à mon habitude:

" Tu devrais rester en observation, au cas ou il y aurait une récidive et pour surveiller les éffets indésirables liés à l'injection... Tu n'auras pas besoin de rester bien longtemps, juste le temps que tu te remettes tranquillement. "

Je lui dit cela sur un ton calme, confiant, tentant de la rassurer. Je ne veux pas l'éffrayer mais on ne sait jamais ce qui pourrait se produire. Elle pourrait au moins passer la nuit ici, on ferait le plus court possible, pour cette femme qui ne semble pas être à l'aise dans la pièce qu'est l'infirmerie.

Impatiente de gagner la porte, celle qui me conduira hors de ce lieu de mes craintes. De mes souvenirs douloureux, d’un tout n’ayant que pour but de me rappeler ce que je tente d’oublier. Elle est là, encore quelques pas, et le cauchemar est fini. Une ombre se dessine devant moi, c’est un papillon. Un énorme papillon qui me bloque le chemin de ses ailes d’argent. J’arrête mon pas, surprise par les initiatives de Siriel. Tantôt impassible, le voilà autoritaire à mon égare. Qui est devenu le petit dragon maintenant ? Je sourie intérieurement. Je ne veux pas rester ici … Pas plus longtemps. Je m’apprête à parler quand un « non » stricte et net retentit dans la pièce. Mes yeux se plongent un instant dans les siens. Auriez-vous peur pour moi ?

« Siriel … »

Je ne peux continuer ma phrase, couper par le médecin qui nous rejoint. Je tourne alors mon regard vers lui. Rester le temps de surveiller. On m’avait dit la même chose à l’hôpital, j’y suis resté deux jours entiers. Je repose mon regard sur Silver. Il ne me laissera pas partir, je le sais, je le sens. Tu vas devoir te plier à la volonté de ces deux messieurs Damara. Je soupire tout en regardant le sol, je dois me faire à l’idée que voilà.

« D’accord. Je reste, je n’ai pas trop le choix de toute évidence. »

J’avais dit cela à l’adresse de Siriel en lui adressant un petit sourire aux coins des lèvres. Je fais donc demi-tour en me dirigeant vers le lit où je reprends à nouveau place. Avec le temps de pose, j’ai bien eu le temps de regarder les deux hommes. Décidément, Siriel était un homme très grand, et le docteur dont je ne connais toujours pas le nom, était assez social pour s’adresser à moi directement en employant le « tu ». En Grèce, vouvoyez les personnes n’existent pas, c’est comme un manque de respect. Alors, nous tutoyons. Bien que, ne connaissant pas l’Allemagne, on m’a toutefois conseillé d’utiliser la formule polie, histoire de ne pas se faire passer pour une impolie.

Je fais signer à Siriel de s’approcher. Je ne voulais pas rester seule. Et puisqu’il me force à rester, j’en ferais de même. Ouh, je suis méchante. Une fois qu’il est assez proche, de préférence assis sur sa chaise, je l’informe :

« Je ne vous retiens pas Siriel, vous êtres libre de partir … »

Bien que même le son de ma voix disait le contraire. Mais je n’avais pas envie de le retenir s’il n’en n’avait pas envie. C’est un papillon, il a besoin de voler. Sauvage et si doux. Je regarde de nouveau le médecin. Au moins lui, n’avait pas l’air d’avoir envie de tuer les prisonniers par pure sadisme. Un collègue en somme. Le premier censé que je croise d’ailleurs.

« Vous êtes nouveau dans cette prison ? »

Il n’avait pas l’air de s’y retrouver encore dans ses affaires. Sur le sol, jonchait une multitude de médicaments de tout genre. J’en reviens rapidement à mon protégé, toujours passible et calme.

« Tout va bien pour vous Siriel ? »

Me préoccuper de l’état des autres avant le mien, c’est bien connu. Malgré ma chute, je ne pense pas que cela l’ait affecté. Après tout, un papillon est fragile dans le fond …

Mes yeux impassible lui renvoient son propre regard, ses interrogations personnelles. Je suis un miroir, ne l'oubliez jamais. Je n'ai pas d'existence en moi et ne sert qu'à renvoyer leur image aux gens qui me regardent. La peur, l'angoisse, la panique ne sont que des exemples d'émotions. Je sais en reconnaitre les signes sur les visages de ceux qui sont en face de moi. Je les reçoit et je les rends, parfois un peu déformés. Le docteur s'est fait du soucis. Moi pas.

« Siriel … »
" Tu devrais rester en observation, au cas ou il y aurait une récidive et pour surveiller les éffets indésirables liés à l'injection... Tu n'auras pas besoin de rester bien longtemps, juste le temps que tu te remettes tranquillement. "

Les yeux de ma gardienne quittent les miens pour regarder le docteur qui s'est approché de nous. Sa voix est plus douce, plus gentille que la mienne. Il a utilisé plus de mots mais le sens de son discours est exactement le même que le mien. Elle doit se reposer.

« D’accord. Je reste, je n’ai pas trop le choix de toute évidence. »

Je sens du reproche dans sa voix mais je n'éprouve aucun regrès ou remord de ce que je viens de faire. Je ne sait pas pourquoi j'ai fait ça, mais je ne me pose pas non plus la question. C'est fait. Maintenant que j'ai dit non, je ne reviendrais pas dessus. Je resterais accroché à cette opinion, comme un noyé met ses dernières forces à ne pas lâcher la bouée qui lui tient la tête hors de l'eau. Je ne dis pas souvent non, mais quand c'est non, c'est non .

Elle s'est redirigée vers le lit, s'y est assise et me fait signe d'approcher. J'obeis. Elle regarde la chaise, comme si elle me demandait silencieusement de m'asseoir. J'obéis. Et là elle m'informe :

« Je ne vous retiens pas Siriel, vous êtres libre de partir … »

Sa voix me supplie de rester. Je me lève, hoche la tête pour dire que je comprends, fait demi tour, m'éloigne d'elle. Un pas. Deux pas. Trois pas. Près du mur près de la porte il y a des feuilles éparpillées. C'est mon dossier, ma vie. Celui que Damara avait peur de perdre. C'est la deuxieme fois en quelques heures qu'il se retrouve au sol. Peut-être est-ce un signe. Peut-être pas. La bille est également dans un coin et j'en profite pour refermer ma main dessus. Jolie bille aux reflets ambrés.

Pendant ce temps, Damara discute avec le médecin. Patiemment, je range les feuilles de mon dossier dans l'ordre, époussetant la poussière des pages puis vérifie que tout soit parfait. Cela fait, je fais demi tour et revient tranquillement vers ma gardienne. D'un seul gest souple, je m'asseoit a nouveau sur la chaise, et pose le dossier sur la table de nuit.

« Tout va bien pour vous Siriel ? »

Je tends ma main, poing fermé, devant le visage de Damara (sans brusquerie aucune) tourne le poignet pour que ma paume fermée regarda vers le plafond, en déplie doucement mes doigts. La bille apparait alors, tremble, roule sur le coté et atterrit sur le lit.

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La jeune femme raisonnable, se résigne à quitter l'infirmerie et retourne sur ses pas pour reprendre place sur le lit. C'est un bon choix de sa part. L'individu, lui, va chercher quelque chose au sol, à l'endroit où la gardienne était inconsciente quelques minutes auparavant. Il se redresse avec en main, une sorte de dossier, qu'il remet en ordre, des feuilles dépassant de ce dernier. En le voyant faire, je me souviens des diverses boîtes de médicaments tombées au sol lorsque je cherchais l'Atropine. Je me dirige vers ce désordre, donc, et commence à ramasser tout cela. La jeune femme m'adresse alors la parole:

"Vous êtes nouveau dans cette prison?"

Elle continue à me vouvoyer alors que je la tutoies.... Elle peut en faire de même et je ne manque pas de lui en faire la remarque avant de répondre à sa question.

"Tu peux me tutoyer si tu veux, il n'y a aucun souci...Sinon oui, je suis nouveau, je suis arrivé il y a peu et tu es d'ailleurs ma première patiente."

Je me retourne pour faire face à mon interlocutrice lui adressant un léger sourire et remarque que le prisonnier est de retour sur la chaise, au chevet de la gardienne. Comme je le lui dit, je n'ai eut personne à soigner avant elle jusqu'à présent mais cela ne me dérange pas, au contraire, cela signifie que tout va bien. Je reprend:

"Et toi, il y a longtemps que tu travailles ici? Je suppose que ce ne doit pas être facile tous les jours..."

En disant cela, je pensais aux détenus violents, qui n'hésitais pas à se jeter sur n'importe qui, notamment les gardiens. La violence gratuite a une place de choix dans cette prison. Moi je n'ai pas à me plaindre, je n'ai pas encore eut affaire à ce genre de situations.
L'individu installé auprès de la jeune femme ne me paraît pas violent, bien au contraire, d'un calme perturbant. Mais il vaut mieux cela après tout...

Mon -grand- protégé venait de se lever. Ne sachant pas vraiment si il allait partir ou non, je pose mon regard sur le médecin. Lui par contre, cela ne le gênait pas qu’une inconnue le tutoie. Plutôt bon signe, mais je me tiendrai à mes habitudes. Tant que le contact professionnel n’est pas dépassé, je m’abstiendrai d’être familière avec cet homme. Je suis donc sa première patiente, d’un certain sens, cela est tout à fait logique puisqu’il vient d’arriver. Et puis oui, ce n’est absolument pas facile de travailler ici. Mais avec des personnes comme Siriel, tout devient très simple.

« Je suis ici depuis une bonne semaine. Et je puis vous assurer que mon premier jour de travail à tourner à la catastrophe. »

Et comment, la pauvre Mademoiselle Hope s’est retrouver dans la salle d’isolement, alors qu’elle n’y avait point ça place. Passons. Maintenant, elle va mieux, enfin je l’espère. Je n’aimerai pas redescendre une nouvelle fois dans les entrailles de Sadismus. Même un papillon n’y survivrait pas.

« Et comment se prénomme mon Médecin ? »

Petit sourire en coin des lèves. Mon attention se porte sur Siriel, il n’est pas partie, au contraire, son dossier … Bon sang ! Je vais finir par le perdre. Et que Zeus me punie pour mon manque de concentration. Ses papiers, c’est toute la vie de Silver.

Je reste un peu bête face à son geste. Il tend sa main vers moi, les yeux pleins d’interrogation. Je me demande encore ce qu’il me prépare. Sa main s’ouvre, la sphère apparaît. Je reste un instant silencieuse, elle a dû tomber de ma poche dans ma chute. Parlant de chute, celle-ci atterrie sur le matelas et roule jusqu’à mes côtes. Je m’en saisis avant de la replacer sur la table à côté du lit, juste au dessus des paperasses. Je viens par la suite, prendre la main de ce papillon du matin dans les miennes. Je sais qu’il n’a pas besoin de mots pour comprendre. Les gestes suffissent et celui-ci signifie « merci ». Il les préfère de toute façon …

« Docteur, je vous présente Siriel Silver. Nouvel arrivant dans ces lieux. »

Le sourire s’affiche sur mon visage. J’encourage du regard Siriel à lui dire « bonjour ». C’est un minimum de politesse auquel je m’engageais à essayer de lui faire sortir de sa bouche. Mais je penche plus pour un baissement de tête à l’égare du monsieur à la blouse blanche. Mon protégé passe avant moi …

« Je suis Damara Galanis. Gardienne comme vous pouvez le voir. »

Je viens lâcher la main de Siriel. Il ne bougera pas de toute façon. Fidèle à lui-même. Il aime la rose …

T'avais rien d'mandé là... Rosa
Mais c'est tombé sur toi... ce jour-là
T'as fait qu'ouvrir la voie
T'as eu ce courage-là... Rosa

Pour ceux qui dans l'histoire
N'ont pas retenu ton nom... non
Tu es la première Noire
A avoir osé dire non

La seule différence, c'est que lui, il a osé dire non à la vie ...

Les sons frappent mon oreille mais ne réveillent rien en moi. Je sais que ces succession de mots ne me sont pas adressés, aussi je les écoute sans les entendre, me laissant bercer par leur musique propre, au delà de leur signification. Je me suis souvent demandé d'ou venaient les mots. Pourquoi ce mélange là pour ce concept, pourquoi un autre mélange quelques centaines de kilomètres plus loin. Nous sommes pourtant tous pareils. Deux yeux, deux pieds, deux poumons, identiques intérieurement jusqu'à la couleur de nos os. Il n'y a que l'extérieur qui change parfois, comme un serpent change de peau. Alors pourquoi n'utilisons nous pas tous les même sons ? La même langue ? Les même mots ? Est ce par stratégie ? Garder ses propres armes inconnues de l'ennemi pour qu'elles frappent plus ? C'est idiot pourtant, le pouvoir des mots est pour moitié dans leur signification.

Au delà des mots, toutefois, il y a les gestes. Depuis que je me suis rassit sur la chaise et ai tendu la main, je n'ai pas bougé. Je sens le doc' ranger dans mon dos mais cela ne me fait ni chaud, ni froid, pas plus que les yeux de Damara qui semblent parfois rêveurs, parfois tristes, souvent gais. Elle a prit la bille et l'a posée sur mon dossier, comme pour l'empêcher de s'envoler. Les feuilles sont les prières des arbres qui en automne cherchent à atteindre le ciel pour ne trouver que la boue. Mais je m'égare encore.
Damara, donc, me remercie du geste et du regard. Mes yeux se posent sur les siens, aussi vide et inexpressifs que toujours mais le simple geste veut dire qu'il n'y a pas de quoi. D'ailleurs je trouve cette expression stupide. La reconnaissance est un sentiment et les sentiments ne sont pas rationnels. Ca se saurait. Donc, j'accuse simplement reception de la présence de ce sentiment en ma gardienne sans le rabaisser à le rendre inutile.

« Docteur, je vous présente Siriel Silver. Nouvel arrivant dans ces lieux. »

Son regard devient chargé de sens. Elle attend quelque chose de moi en réaction à cette présentation. Quoi, je l'ignore mais je me doute qu'elle souhaite me voir parler. Ils finissent tous par me le demander un jour ou l'autre. ELLE m'a même conseillé un jour de parler avec quelqu'un au moins une fois par jour. Et des phrases complètes. Depuis je lui parle a ELLE. Et parfois un mot ou deux aux autres.

"..."
« Je suis Damara Galanis. Gardienne comme vous pouvez le voir. »

J'ouvre la bouche et évidément rien ne sort. Toujours impassible, j'essaie de sortir mes pensées de leur cocon protecteur pour avoir une idée quelconque à formuler mais rien ne vient.

" ... hum ..."

Ca suffira, je commence à être fatigué de faire des efforts aujourd'hui, mine de rien. J'ai déjà beaucoup parlé. Beaucoup pensé. Qu'ils discutent donc entre eux, moi j'entame un echange statique avec le mur en face, et je me laisse bercer par leurs mots. Je saurais retenir ce qu'il faut et m'en servir au besoin, ne vous en faites pas pour moi.

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La gardienne m'informe qu'elle est ici depuis une semaine. Elle est donc arrivée récemment ici, comme moi en fait. Lorsque quelqu'un me parle, j'aime bien lui faire face, je m'empresse de ranger le reste des boites éparses au sol. Tandis qu'elle fait la présentation du prisonnier, je termine mon rangement et viens me placer dans le bout du lit, pour être visibles d'eux deux et leur faire justement face. Ainsi cet homme qui ne parle pas, semblant plongé dans un certain mutisme, se nomme Siriel. Ce dernier n'ajoute rien à cette briève présentation. La gardienne se présente à son tour:

« Je suis Damara Galanis. Gardienne comme vous pouvez le voir. »

Elle continue à me vouvoyer... Tant pis, je ne vais pas insister plus sur ce menu détail, après tout, c'est en somme une marque de respect que je devrais moi aussi tenir. Puisqu'elle m'a demandée comment je me nomme un peu plus tôt, je répond à sa question.

-Je m'appelles Kenzo Hunter, ma fonction vous la connaissez déjà...

Je regarde alternativement la gardienne et le prisonnier puis reprend, un sourire confiant aux lèvres.

-Et sachez que si vous avez besoin de quelque chose, ou que si ça ne va pas, je me ferais un plaisir de vous procurer les soins dont vous aurez besoin. N'hésitez surtout pas.

Oui, ne surtout pas hésiter, car je n'aime pas voir quiconque souffrir. Je trouve abérrant que certaines personnes reste sans soins ni aide lorsque ça ne va pas. Beaucoup préfère garder leur douleur physique et morale pour eux, sans ne rien montrer ... Et ils ne viennent voir le médecin qu'en dernier recours. Enfin bref, tout cela pour leur dire que je suis là pour eux, disponible n'importe quand et prêt à tout faire du moment que cela reste dans la mesure du possible...

Me proposer une aide, je souris. Ce docteur sera présent pour les gens d’ici. Ca se sent au son de sa voix. Ou encore à son expression, à son assurance. Ce Monsieur Kenzo a toute ma sympathie. Je sais au moins que si le Papillon aurait, un jour, les ailes meurtris, je pourrai le lui confier sans crainte. Je n’aimerai pas que Siriel se retrouve entre les mains de n’importe qui.

« Merci Docteur. »

En effet, quelque chose ne va pas. Une peur bien présente. Celle d’entrer dans une infirmerie. Celle-ci me fait penser à cette chambre d’hôpital. Les murs blancs, l’odeur des médicaments, les lits couverts par une mince couche de neige. Des gens qui accourent partout autour de vous. A ne plus rien comprendre. Tout devient flou, le mal vous prend. Et à ce moment précis, vous sentez la vie vous quitter. Ne sachant pourquoi, vous sombrez dans un coma qui n’est d’autre qu’un évanouissement. Avant de partir pour l’Allemagne, j’ai dû passer chez le médecin. Même là, j’ai fait une chute de tension. Est-ce normal dans le fond ? Je n’en sais rien. Je ne suis pourtant pas traumatiser de ce genre d’endroit : la preuve. Je me tiens encore debout au milieu de ma pire expérience. Quatre murs pourtant si naturels, me paraissent pourtant bien effrayant par leur blancheur …

Je reste un instant pensive. J’ai l’occasion de mettre à nue mon mal être. Et peut-être de le comprendre. Je n’en n’ai plus parlé depuis longtemps, c’est bien ça le problème. Pas que j’ai peur de laisser couler des larmes. Je crains surtout d’avoir de nouveau mal à l’intérieur. Tout en prenant une bonne bouffée d’inspiration, et sans regarder directement le Docteur dans les yeux, je lui demande d’une voix tremblante :

« Hmm. Docteur. Pensez-vous qu’il est possible pour une femme d’avoir peur de ce genre d’endroit au point de s’évanouir ? … En sachant qu’un jour, elle y a perdu son enfant. Serait-ce là, une forme de traumatisme ? »

Je retiens difficilement mes larmes. Comment oubliez cette journée ? Flash blanc. Ma tête tournait fortement, j’avais mal dans mon ventre. Les gens courraient partout autour de moi, je n’entendais plus rien. Si la dernière phrase : « Restez calme ». Je suis restée tellement calme que j’ai fini par m’évanouir. « Maman, Maman …». C’est tout ce qui résonnait dans mon esprit. Le réveil fut sonné par un manque en soi. Puis des cris et des pleures. Un cauchemar pour moi et mes proches. Je pose ma main sur mon front, tout en expirant calmement.

Un mauvais moment à passer. La présence de Siriel me force à revenir sur terre. Je fixe la bille, un objet inanimé en apparence. A vrai dire, si Silver lui aurait parler, cela ne m’aurait pas étonner.

Ils échangent leurs noms, des politesses et des explications. Mais ce qu'ils se disent va au-delà des paroles. Je n'ai pas besoin de les regarder pour sentir leurs non-dits. Ils échangent bien plus que des sons, ils permettent à leurs essences de faire connaissance, ils se reconnaissent comme deux être-frères. Deux personnes qui ont la même vision de la vie, de la mort, et des autres. On sent dans l'air comme une connexion entre ces deux personnes qui jusqu'ici ne se connaissaient pas. Ce n'est pas un sentiment quelconque ou une réaction chimique provoquée par des hormones baladeuses, non, c'est un lien purement intellectuel et philosophie. Je suis toujours resté curieux de voir pourquoi les êtres humains avaient autant besoin de la compagnie de leurs semblables. De comprendre cette pulsion étrange qui les pousse sans arrêt à rechercher la présence de l'autre même lorsqu'il le déteste. Je crois que la recherche de ce lien est une ébauche de réponse.

Je regarde le mur. Je n'ai pas même cillé depuis que mes yeux se sont posés sur ce symbole de mon emprisonnement. Je n'éprouve pourtant pas de colère en le voyant. Pour moi le mur est aussi victime que tout autre objet fabriqué par la main de l'homme. Il est a plaindre bien plus que les gens qu'il enferme. Et il est blanc.
J'écoute Damara parler de ses souvenirs. Il y a dans ses paroles, l'écho d'une peine aussi ancienne que le monde, un cri enfantin, perdu, hurlant à l'injustice et demandant pourquoi. Les enfants sont les êtres les plus justes de ce monde imparfait. Ils savent instinctivement ou regarder pour la trouver, débusquer les incohérences et surtout, poser des questions que plus personne ne se pose. C'est probablement parce qu'ils redécouvrent des choses que nous avions prit l'habitude d'ignorer.

Je sens les larmes dans sa voix. Elle a beaucoup souffert de cette Sarah disparue, même si elle ne l'a pas vraiment connue. Je ne sais quoi dire ou quoi faire pour calmer cette peine que je sens encore brûler en elle. Aussi je ne fais rien. Restant dans mon monde de silence et de calme, simplement à son chevet, les yeux rivés sur les pierres blanches du mur. Je sais que le docteur saura bien mieux que moi trouver les mots qui apaisent. Car oui, les mots peuvent à l'occasion servir pour soigner mais c'est surtout lorsqu'ils ont fait le plus de dégâts. Je suis certain qu'aucun mot ne pourra effacer ce qu'elle a vécu. Il n'y a que les larmes pour éteindre la fournaise du chagrin. Et le temps qui peut, petit à petit, en disperser les cendres. Et encore faut-il le vouloir et travailler dans ce sens. Je suis bien placé pour savoir qu'il est des malheurs dont on ne se relève pas.

Je sens un mouvement à la lisière de mon champ de vision et me force à tourner la tête. Mon regard suit celui de ma gardienne pour tomber sur la bille. Cette boule de verre ambrée, si froide et si chaude, si parfaitement ronde et pourtant si artificielle. Je la regarde avec le même sérieux et la même intensité que le mur de toute à l'heure, puis m'en saisit de la main la plus proche. Je la porte juste devant mon regard un long moment puis étend le bras pour la maintenir juste devant le visage de Damara. Je regarde le docteur, comme pour lui demander la permission d'agir, puis, sans attendre vraiment longtemps, plonge mes yeux clairs et inexpressifs dans ceux débordant de douleur de la jeune femme.

"Ta peine. Dedans."

Enfin plutôt Envoie toute ta peine là-dedans s'il fallait dire tous les mots. Mais je suis sur qu'elle a comprit. Et si elle n'est pas apte à traduire, et bien, peu m'importe au fond.

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Gagner la confiance d'un patient est la chose la plus importante pour une bonne relation. Aussi mon message est bien passé, elle me remercie de nouveau. Mais pourtant elle me semble gêné, bouleversé peut-être? Sans doute car sans me regarder et d'une voix tremblante, elle se confie:

-Hmm. Docteur. Pensez-vous qu'il est possible pour une femme d'avoir peur de ce genre d'endroit au point de s'évanouir ? ... En sachant qu'un jour, elle y a perdu son enfant. Serait-ce là, une forme de traumatisme ?

Voici donc ce qui fait qu'elle soit mal à l'aise lorsqu'elle se retrouve exposé à cette pièce si particulière qu'est une infirmerie. Il n'y a plus besoin de chercher les raisons de son malaise, tout s'explique. La perte d'un être cher est quelque chose de douloureux, marquant la personne restante au plus profond de son être. Mais qu'une mère perde sa fille est contre-nature. Un parent ne devrait jamais avoir à enterrer son enfant, c'est l'inverse. Mais la vie se révèle parfois injuste et on n'y peut rien. Les larmes lui viennent aux yeux. Je ne supporte pas de voir les gens pleurer, car leur tristesse agit sur mon humeur; en bref, je suis triste pour eux.

Siriel réagit à la souffrance de la gardienne. Reprenant la bille, il reste regarder cette dernière puis, la place devant les yeux de la jeune femme. Le prisonnier m'adresse un regard interrogateur... Et sans plus attendre adresse la parole à Damara.

-Ta peine. Dedans.

Ce qu'il lui dit, il la console mais à sa manière. Chaque personne a sa façon d'agir. Il désire qu'elle mette sa douleur dans cette sphère. Il tente ainsi de lui redonner courage...
De la voir ainsi me perturbe, je vais auprès d'elle, m'asseyant sur le bord du lit. A mon tour d'essayer de la réconforter. Maladroitement j'attrape un mouchoir d'une boite qui se trouve à ma portée et le lui donne. Prenant sa main dans la mienne, je serre légèrement, juste pour lui montrer que je suis là et que je partage sa tristesse mais à ma façon.

-Ta crainte est tout à fait normale. Tu as subi un choc psychologique à la suite de la perte de ta fille, alors oui c'est en quelque sorte un traumatisme. A chaque fois que tu te retrouves dans une pièce telle que celle-ci tu revis ce jour qui t'as marqué profondément et cela même sans le vouloir. Alors ne t'étonnes pas, le fait de s'évanouir ne dois pas te donner honte ou autre. La peur ne se commande pas et chacun y réagit différemment. Certains s'évanouissent, d'autres font des crises de tétanies..

Lui adressant un sourire, je viens poser ma deuxième main sur celle que je tenais déjà. Et reprend, affichant mon habituel sourire qui se veut rassurant:

-Je ne vais pas dire que je sais ce que tu ressents car ce n'est pas possible... Chacun porte ses propres douleurs. Il faut lever la tête et affronter tout cela. Plus facile à dire qu'à faire me diras-tu.. Oui c'est vrai, mais je crois que tu en êtes capable.

Je lance un regard à Siriel puis revient à Damara.

-Et puis tu as Siriel, qui à l'air de tenir beaucoup à toi. Prends en compte et fait abstraction de cette pièce qui te met mal à l'aise.

J'espère avoir été convainquant et que les larmes qui parsèment ce visages cesseront de couler. Pleurer fait du bien, je sais, ça soulage d'une certaine façon. Mais pour moi, lorsque je vois les gens pleurer je ne vois que douleur et tristesse.

La douleur a tendance à venir et à partir rapidement. Le seul souci, c’est que je ne peux pas partir d’ici. Monsieur Kenzo me refuserait la sortie, autant que Siriel. Et puis d’ailleurs, le comportement de mon protégé me laisse un peu perplexe mais ce geste me fit tout de même sourire. Bien sûr, ma peine n’est qu’éphémère. Je le sais tout comme lui. Et si ce n’est pas le cas, il le devine plutôt bien. Je viens chercher la sphère d’un geste lent. Assez pour sentir l’air frôler ma peau, assez pour être en contact avec Siriel. Peu mais suffisant. La bille dans ma paume fermée, je la garde précieusement contre mon cœur.

« Merci »

Mot murmurer, sortit tout droit du fond de ma gorge. Que même mes yeux pourraient facilement dire. Je sais dans le fond, qu’il la entendu. Ma « tristesse » se fane alors, se tire de mon âme comme si l’on arrachait une mauvaise herbe. Ne laissant place qu’à une infinité de neutralité agrémenté d’un zeste de joie. Bien sûr, mon passé reviendra me hanter. Bien sûr, je vais encore tomber. Mais jamais, je ne me détruirais au point de tomber plus bas que terre.

Mon regard se tourne alors vers Kenzo. Il s’était gentiment déplacer pour venir à mes côtés. Ses paroles et son geste ne me coincent pas, au contraire. Cela m’assure encore plus qu’il a l’âme bienveillante. Qui sait, peut-être était-il un philosophe dans une vie antérieure. Mais il est difficile pour moi de faire abstraction des faits qui ont eu lieu dans cet endroit similaire. Et puis, quand il en vient à me parler de Siriel, j’ai le réflexe de tourner mes yeux vers lui. Bêtement, comme si je cherchais une confirmation à travers son voile de pluie. Tenir à moi ? Je sais qu’une sorte de confiance s’est dressée entre nous. Mais pouvons-nous vraiment dire qu’il … tient à moi ? Même un peu ? Je rougis légèrement. Je ne suis pas dans sa tête après tout. Mais pour ce qui est de moi, j’ai une affreuse tendance à m’accrocher rapidement aux personnes qui me semble « différent ». Bien que de l’autre côté, nous soyons approximativement tous égaux. Mais si différent à la fois. Ce n’est pas le moment de me perdre dans des réflexions sans lendemain. Siriel compte beaucoup pour moi. C’est comme ça et je n’ai pas protesté.

Etre mise sous observation. Est-ce vraiment nécessaire ? Ils connaissent maintenant la cause du problème. Ne serait-il pas plus logique que j’aille me reposer dans ma chambre ? L’idée de passer la nuit ici m’effraye. Et cette fois-ci, même Hadès ne pourra me retenir. Je suis peut-être calmée, mais rien ne change ma vision de la pièce. Je sais qu’on y soigne des gens. Cependant, elle ne reste pour moi que le lieu de mort de mes proches.

Je baisse les yeux vers les mains de Kenzo qui tenaient encore les miennes. Et je repense à Lui. Aucun autre homme ne m’avait même juste pris les mains, ni même effleurer. Excepté Sebasten bien évidemment. Un souvenir, une parole, un geste. Comme oublier l’odeur de sa peau … J’ai le réflexe de retirer doucement ma main tout en adressant un sourire amical au Docteur.

« Merci pour ce que vous faites. Mais je ne pense pas que me garder ici plus longtemps serait bon … »

Je me redresse alors tout en fourrant la bille dans ma poche et en attrapant le dossier de Siriel que je tiens contre ma poitrine. Je me tourne alors vers mon protégé, un regard qui veut tout dire : allons s’y. Je remercie une nouvelle fois Kenzo de s’être occupé de moi en lui promettant une prochaine rencontre. Mes pas se dirigent vers la porte. Le docteur avait certainement des choses à faire. Et il était grand temps pour Siriel de regagner sa chambre.

La télépathie est l'avenir de l'homme. Il n'y a pas d'autres issues, ce n'est que lorsque le langage meurtrier aura été aboli et que seules les pensées seront en contact les unes avec les autres que l'on aura réellement progressé. Oh, je suis loin de me faire d'illusions, les hommes se serviront de leurs pensées pour détruire au moins autant qu'avec leurs noms mais cela n'a pas d'importance. Rien n'en a aux yeux de l'évolution. Déjà nous avons aboli les frontières, les langues se mêlent de plus en plus, tout progresse plus vite. L’homme saura évoluer jusqu’à la sagesse suprême juste avant de disparaître, cela fait partie de son gâchis habituel. Il ne sera conscient de son potentiel qu’au moment de s’autodétruire et le cri de regret et de douleur qu’il poussera alors se perdra dans l’infini, ignoré par tout ce qui possède un gramme de vie et de raison.

Je regarde toujours le mur. Je n’ai pas réagit quand Damara à frôlé ma main, ni quand le docteur a posé les siennes sur elle. Derrière mon air impassible pourtant, une interrogation voit le jour. Est-ce que je tiens à ma gardienne ? Mon premier réflexe rejette évidemment cette hypothèse. Tenir à quelqu’un c’est en quelque sorte oublier Sarah et je ne veux pas la voir disparaître de mon cœur comme elle l’a fait du monde des humains. Je ne veux pas m’attacher. Mais soudain je me sens rassuré. Je ne tiens pas a Damara. Pas plus qu’à n’importe qui. Je suis reconnaissant de son accueil, sa gentillesse et sa générosité, c’est vrai. Je sais qu’elle est un peu du bleu profond qui donne sa couleur à la chrysalide. Elle est de ceux qui empêchent le blanc éclatant de prendre toute la place mais elle n’a pas fait son nid dans mon cœur. Il n’y a que deux personnes là dedans. Deux personnes qui ne sont pas ici.

Je sens plus que je n’entends ma gardienne me remercier. Je n’ai rien fait cependant, c’est elle qui a mit des sentiments sur cette sphère de verre. Moi je n’ai pas besoin de ce genre d’artifices. Ce n’est qu’une bille, une merveille crée par des hommes oubliant une seconde leur malédiction.

Le mur me fait de l’œil, je détourne les miens et les poses sur le couple à mes côtés. D’autres, je le sais, se seraient sentis mal à l’aise d’être témoin d’une telle intimité. Cela m’indiffère. Elle m’a demandé de rester là, je ne bougerais pas a moins de recevoir un ordre contraire, voila tout. Comme je ne l’accompagnerais pas dehors tant que le docteur ne lui aura pas permis de sortir. Je crois pouvoir dire qu’elle ne sortira pas sans moi. Trop peur de me perdre, après tout je suis un prisonnier sous sa responsabilité. Aussi quand elle se redresse et me dit de la suivre, je me contente de la regarder. Un long moment comme si je craignais qu’elle tombe à nouveau et que seul mon regard pouvait la soutenir. Puis, je détourne mes yeux et vient planter mes pupilles claires dans le regard du médecin. Cela doit être la première fois depuis le début de l’examen que je m’intéresse à lui. Il ressemble a un humain. Un humain humain si vous voyez ce que je veux dire. Pas un monstre d’égocentrisme, d’égoisme ou de destruction. Simplement un humain.

« hum ? »

Je ne partirais pas sans le feu vert du doc’ c’est entendu, et il est peu probable que Damara parte sans moi. La balle est donc à présent dans le camps de Monsieur Hunter (oui j’ai entendu son nom… pour ce que ça veut dire… ), c’est lui seul qui a le pouvoir de décision. Je pense que ma défection va peiner Damara mais c’est pour son bien, elle le comprendra j’espère. Sinon, tant pis, ce ne serait pas la première fois que j’agace quelqu’un, et loin d’être la dernière.

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