Fiat Bravo

[j'attends un perso de Jade, celui qu'elle veut)

Lorsque j'ai vu pour la première fois cette porte ornée d'une croix je n'ai pu m'empêcher d'éclater de rire. Ces européens m'épateront toujours. Non, mais vous y croyez vous à l'utilité d'une chapelle dans une prison internationnale ? Alala, voila bien l'égocentrisme des chrétiens. Ils pensent nous faire l'honneur de nous offrir le salut éternel, mais dans leur religion uniquement.

L'idée de faire un scandale et de réclamer une mosquée me titilla bien un peu mais la prudence me retint. Il ne faut pas que je me fasse remarquer si je veux me tirer d'ici un jour. Qu'ils continuent donc à voir en moi l'adolescente joyeuse, nymphomane et idiote, j'aime quand on gobe mes mensonges.

Pendant plusieurs jours, je suis passée devant, sa seule vue me mettant en joie pour la journée mais là, j'ai décidé de pousser la porte. Après tout, je n'ai pas à avoir peur. Le Dieu des Chrétien est très miséricordieux a ce qu'il parrait. Et puis j'ai entendu dire que les églises occidentales sont très belles, très différentes de celle d'Orient.
Le battant de bois s'ouvre sans un bruit et une atmosphère feutrée me saisit. J'entre tranquillement dans l'allée entre les banc de bois, regardant le visage torturé de leur prophète, crucifié par les romains. Oui, je ne suis pas très portée religion mais je connais mes bases quand même. Mine de rien j'en ai fait des études...

Ce que tout est silencieux ici ! LEs trois personnes que j'apperçoit ont la tête baissées comme s'ils voulaient montrer leurs cheveux à Dieu. Soudain une sorte de joie m'envahit. Je n'ai pas peur, tout le monde sait bien qu'il n'y a pas d'entité supérieure qui nous regarde, franchement ! J'écarte les bras et tourne sur moi-même, en riant aux éclats. La vie est belle, pourquoi s'enfoncer dans le marasme du remord ? On aura tout le temps de s'inquiéter quand on sera morts !

Qui aurait cru que Jade serait un jour venu dans une église. Il ne faut pas si fier, je n’y vais pas parce que j’ai la foi. Mes grand-parents étaient juifs. Mais, mon père n’était pas croyant. Ma mère quant à elle était protestante. Et moi je n’ai jamais cru en rien. J’éprouve même un certain mépris pour la religion en général. Je ne suis pas ici par recherche de rédemption. Si l’enfer existe, j’y serais la bienvenue. Non, si je suis ici c’est que très tôt dans la matinée, mes pas m’ont mené jusqu’ici…

Je m’étais arrêtée devant la porte. Elle n’était pas différente de la porte du placard. Elle n’étais pas différente de la porte du bureau de la directrice ou de la psy. En rien elle était différente si ce n’est qu’une croix où l’on pouvait discerner un minuscule Jésus, maigre, le visage tordu de douleur, les mains et les pieds cloués.

Après quelques secondes de contemplation, j’ai poussé la porte. Il était encore tôt, il n’y avait aucun prisonnier ici. Je me suis assise sur un banc, j’ai contemplé une dernière fois la statue du Christ, identique à celle de la porte. Puis, j’ai profité de ce silence, de ce calme qu’on ne retrouve nulle part ailleurs dans la prison…Je m’assoupis.


Mon sommeil était calme jusqu’au moment où un rire envahit mes oreilles. Je me réveille en sursaut. Les rares personnes maintenant présentent me regardent. Je laisse échapper un semblant de rire en rétorquant un « Amen ». Ils retournent à leurs prières.

Sauf une. Debout. Souriante. Je me mets à la fixer, mon visage impassible. Puis, mes yeux retournent sur le « messie ».

Mon rire résonne dans les murs de pierre. Il chasse l'atmosphère calme et feutrée qui y règne comme si ma seule joie chassait Dieu. Je ressens un sentiment de puissance incroyable. Dieu n'est qu'amour ! La bonne blague ! Il nous veut endormit, faible et obeissant. Comme l'espèce de vampire qui vient de se réveiller en sursaut et qui me regarde d'un air... inexpressif.

Que cherchait-elle ici, elle ? Toute en blanc et noir. La peau de cette teinte que même des années sans voir le soleil ne me donnerait pas. Je tuerais pour avoir la peau aussi blanche. Façon de parler évidemment, je n'ai rien d'un assassin moi !
Les trois clampin ont l'air scadalisé et le vampire regarde le Messie. Alors soit les créatures de la nuit ne craignent plus les croix, soit (et c'est le plus probable) ils n'existent pas et je n'ai affaire qu'à une copie. Un jour on racontera l'histoire de comment Rowan a réussi à vaincre le Vampire de Sadismus sous les yeux même de Dieu. Oui oui oui, je sais, j'exagère. Mais la vérité n'est pas drôle alors que mon histoire, elle, l'est.

Toute contente de ma dernière trouvaille, je vais voir la vampiresse. Elle n'a pas l'air commode aussi je ne la bombarde pas tout de suite de question. Je me contente de m'asseoire juste derrière elle. Les pieds sur le banc, le cul sur le dossier. Histoire d'être plus grande. Et comme elle, je regarde le "Messie"... tandis que mon pied droit frappe pensivement sur le bois sec.

Tout redevient tranquille, le calme reprend sa place au côté de Dieu et de ses damnés. Je baisse les yeux, regardant mes cuisses, celles-ci maigre à un point écœurant. Je ferme les yeux, comme si j’allais m’endormir à nouveau. Mais, je sais pertinemment que le sommeil ne reviendra pas.

Toc…Clac…Knock…Quelques bruits répétitifs résonnent dans la salle. Je n’ouvre pas tout de suite les yeux. Toc. Je commence à tiquer. Clac. C’est agaçant. Complètement. Je soupire et ouvre les yeux. Flegmatique, je lève la tête lentement. Knock. Je tourne la tête vers l’origine du bruit.

La demoiselle qui fit une entrée fracassante il y a quelques secondes est à l’origine du nouveau bruit. Bien sûr. Qui d’autre qu’ elle? De grands yeux bruns pensifs, lunatiques…Et jeune, comme la moitié des prisonniers. Comme la moitié des prisonniers, elle passera ce qu’on appelle ‘’les plus belles années’’ de sa vie en prison. Et puis, pourquoi pas…Si cela sont nos plus belles années, projetons-nous 30 ans dans le futur si nous y sommes encore vivant. La vie serait-elle pire? J’en doute. Peut-être qu’elle ne peut que s’améliorer…Ou empirer.

Je m'efforce de sourire à l'inconnue.

-Rigoles autant que tu veux, mais s'il te plaît, cesses de faire ce bruit énervant.

Toc. Comment peut-on vénérer un homme en telle position de faiblesse ? Clac, franchement vous trouvez ca joli vous ce machabbée plein de trous et à la couronne d'épine ? Knock. Ca doit être pour ca que les européens sont masochistes. Toc. Suffit de voir Mekthoub. Franchement qu'est ce qui clac, lui a prit de prendre tant de coke ? Knock.

La vampiresse se tourne vers moi, doucement. Je penche la tête, sortant sans effort de mes pensées pseudo philosophiques. Evidemment de longues mèches brunes me tombent sur le visage, gachant l'effet que j'ai voulu donner. Mais bon, j'ai l'habitude après tout. Ma main vient chercher la masse récalictrante et la remet à sa place, dans mon dos. Mon pied frappe toujours le banc sans que je m'en rende vraiment compte. Elle sourit. La mort qui sourit ca fait froid dans le dos mais je lui sourit aussi. Parce que je suis heureuse. Parce que je ne resterais pas ici. Parce que d'une façon ou d'une autre, je sortirais d'ici.

"Quel bruit Ölümbayan ?"

Cela fait bien quelques minutes que je n'ai pas parlé alors elle ne doit pas faire référence à mon rire de tout à l'heure. Et je jure n'avoir aucune conscience de ce que fait mon pied. Mon regard innocent n'est donc pas contrefait (c'est rare il faut bien l'avouer). Quand à mon sourire... il est dut au nouveau surnom que je viens de trouver à la vampiresse. Madame la mort. N'est ce pas mignon tout plein ? J'avais bien pensé à Vampire, mais la prononciation est assez proche entre l'allemand et le turc. Or je ne pense pas qu'elle l'aurait bien prit...

Quand ses mèches brunes ne cachent plus son visage, je peux observé ce visage rond à saveur oriental et ces grands yeux noisettes. Elle me sourit. Ses airs enfantins me donnent presque envie de rire. Un petit air naïf que même les enfants prisonniers n’ont plus depuis belle lurette. Je ne la crois pas pour autant naïve quoi qu’il est peut-être un peu imprudent d’attirer ainsi l’attention, même dans une église…

Quel bruit? Je la regarde une premièrement fois avec hébétement jusqu’au moment où je me rends compte de la sincérité dans son expression. J’hausse des épaules. J’ignore le mot qu’elle venait de prononcer…N’y voyant pas l’importance, je ne m’y attarde pas.

-Tu tapes du pied.

En plus dans cette pièce, le moindre son résonne. D’ailleurs, nous devons sans trop de problème perturber un peu les prières des quelques croyants que l’on trouve ici.

-Dis-moi…Quel est ton nom? J’ose croire que tu es là depuis peu…

Il n’y a que les nouveaux pour avoir une nonchalance aussi extrême à moins d’avoir une réputation de titan intouchable ou d’avoir déjà tout vécu ce qu’il y avait de pire ici.

Même moi, nouvelle, j’ai eu une attitude semblable en rentrant. Bien sûr, je n’avais pas cet air d’un positif inébranlable. J’étais la même sombre créature, juste que j’avais une pincer d’espoir même s’il ne se reflétait pas dans mon regard avec la même intensité que la nouvelle venue. À moins que tous ceux qui se baladent dans les églises croient posément en une forme d’espoir…Je jette un regard sombre aux autres. Non, ils espèrent seulement une mort…Meilleure?

L’endroit me rappelle Stanley. Aujourd’hui mort, m’enfin c’est ce que j’ai supposé, il se baladait avec une bible sans ne l’avoir jamais lu car illettré. J’aimerais croire pour lui qu’il n’a pas trimballé ce livre ridicule pour rien…Mais, je n’y crois pas personnellement. De toute façon, si le paradis existe, j’ai ma place en enfer. Pas ailleurs.

Ce qu'elle a l'air blasée la mort. Même lorsque l'amusement joue dans ses prunelles noires, elle a l'air passive, calme, désabusée. L'air que l'on voit aux prisonniers dans les films. Mais là ce n'est pas un film, et je n'ai aucunement envie de me laisser étouffer par l'ennui. Non seulement je ne resterais pas longtemps mais je n'y laisserais pas la moindre parcelle de ma bonne humeur. Ne vous y trompez pas, j'ai un fichu caractère. Je serais heureuse quoiqu'il m'en coute. Et vous pas. Et Toc !

Mon pied frappe un peu plus fort sur le bois juste au moment ou la mort me fait remarquer mon mouvement. Surprise, je relève la tête et cesse de bouger. Oui, effectivement il y a comme un manque qui résonne soudain ici. Les trois clampins en pénitence nous fusillent du regard, je leur rend mon plus beau sourire et revient vers la vampiresse qui me demande mon nom.

"Détenue 857-142, répondant au nom d'Aksel Rowan, Ölümbayan. Je suis ici depuis deux jours je crois. Difficile a dire, je n'ai pour ainsi dire pas vu le jour depuis mon arrivée."

Quand elle parle, elle a quand même l'air bien moins menaçante. Je me demande dans quelle catégorie la ranger car elle ne fait vraiment pas partie de la masse des gens anonymes. D'un autre côté elle n'a l'air ni puissante, ni forte, donc elle ne me servirait à rien, et elle n'a pas ce calme et cette intelligence destructrice qui fait battre mon coeur. De toute façon je ne suis pas attirée par les filles, elle ne rentre donc pas non plus dans la première catégorie. La seule case qui me reste est celle des gens que je déteste, ce qui n'est pas le cas non plus. Me voila donc perplexe, comment dois-je te ranger ? Oh et puis zut, je verrais plus tard.

Mes yeux se posent un peu partout dans le lieu saint puis reviennent a mon interlocutrice.

"Et toi alors ? Ca fait longtemps ? Tu viens souvent ici ? Au fait, désolée si je t'ai dérangée, je trouve juste ça tellement drole comme idée de mettre une église. Pourquoi pas un temple bouddhiste pendant qu'on y est ?"

J'imagine alors un temple bouddhiste avec une grosse statue en bronze, un gong et de l'encen à la rose à la place du crucifié. Les cones de prières... je me souviens que j'avais conseillé à un ami d'en fait en shit, pour les dissimuler. Ca avait bien marcher. A ce souvenir, j'éclate a nouveau de rire. C'est toujours mieux que de se mettre à pleurer, les rides sont plus belles.

Une prisonnière se présentant sous son matricule, c’est une nouvelle sans l’ombre d’un doute. Il est étonnant d’ailleurs de penser que les nouveaux arrivants soient plus aisés à se considérer comme un numéro ou dans le pire des cas comme des animaux qui vont à l’abattoir. Pourtant, c’est aussi ceux qui sont les plus convaincus de sortir ici vivants. Je souris. Amusant.

Elle ne sait pas depuis combien de temps il est? C’est plutôt étrange puisqu’il est possible d’aller dehors dans la cours ou tout simplement compter le nombre de fois qu’on l’a envoyé en cellule à l’heure du couvre-feu. Je lève un sourcil.

Cette fille ne m’inspire pas tellement. Je ne la perçois pas comme une menace, c’est certain…Mais, je ne sais pas. Peut-être est-ce parce que…Non, enfin, je ne sais pas. Il vaudrait peut-être mieux poursuivre tranquillement la conversation, peut-être en que je vais en conclure quelque chose. Ou pas. Mais, ça n’a pas d’importance…

Si je viens là souvent? Je ris doucement.

-Ça va faire 3 ans que je suis ici et c’est la première fois que je mets les pieds ici.

Pourquoi pas un temple bouddhiste? Allez savoir…Les bouddhistes sont pacifiques d’un côté…Quoi que le meurtre est réprimé par les chrétiens aussi. Alors quoi? Peut-être parce que l’illumination est introuvable en prison.

-Peut-être parce que les bouddhistes sont pacifiques et que les chrétiens sont des pécheurs en recherche de rédemption.

Je lui jette un regard amusé, sous-entendant que je trouvais l’idée ridicule. Puis je regarde à nouveau Jésus sur la croix.

-Parlant de pécher, t’es ici pourquoi?

Voyons, voyons…Meurtres? Comme tout le monde. Je soupire. J’imagine mal un simple pick pocket se retrouver ici.

Ca fait trois fois qu'elle sourit la mort. A croire que je l'amuse. Tant mieux, il est toujours difficile de détester les gens qui nous amusent et si je peux avoir la mort dans ma poche, je ne vais certes pas m'en plaindre. Je ne sais pas ce que j'ai dit d'amusant mais je souris également pour lui laisser croire que je suis dans le coup. PAs seulement par calcul, il me reste un peu de mon hilarité de toute à l'heure mais j'aime me servir de la réalité pour servir mes mensonges. Elle rit doucement. En la regardant j'aurais pourtant parié qu'elle en était incapable, elle n'a pas les rides de quelqu'un qui rit.

Les questions et les réponses fusent alors après un léger silence amusé. Elle est là depuis trois ans. Loin de me faire froid dans le dos, cette réalité me donne du courage. Si la mort sévit depuis autant de temps, cela me donne des chances de m'en sortir. En effet, si je veux sortir, ce n'est pas les pieds devant. Ma priorité premiere est donc de rester en vie. Je trouve l'idée de la mort intéressante mais prouvant le manque d'originalité des chrétiens. Pas que les musulmans soient beaucoup mieux hein. Moi je suis agnostique de toute façon. Mais bon, je ne dis rien, je me tais. Je me demande surtout s'il y a des caméras a l'intérieur même de l'église.
Mes yeux cherchent les voyants rouges alors que la question piège retentit. Pourquoi je suis ici ?

"J'ai refusé de servir la fille du Shah d'Iran. Et toi ?"

Vous ne pensez pas que je vais vous donner la véritable raison quand même. Elle manque singulièrement d'originalité et d'interêt. Et puis je préfère en inventer les raisons. Déjà je ne sais plus si c'est parce que Makthoub est mort ou pour cacher notre liaison aux yeux du monde. Mon prince charmand a fait une overdose. Tu parles d'un conte de fée.

J’hausse des épaules d’une manière détachée.

-J’ai étranglé mon hamster.

Je la regarde d’un air entendu.

-Tu ne t’attends tout de même à ce que je donne une information que tu refuses de me donner.

Bien sûr, elle-même ne devait pas me penser si idiote pour que j’avale un truc pareil. Une simple plaisanterie. Pourquoi refuser de dire ses crimes? Elle a déjà été condamné et moi aussi. Je n’ai aucunement le droit de juger qui que ce soit. Mais, de toute façon, ça n’a pas tellement d’importance. Je me mets à bailler, plus par fatigue que par ennuie comprenons nous bien malgré que la conversation soit peu digne d’intérêt. Je n’ai rien contre la demoiselle bien sûr…C’est seulement ainsi que je suis faite.

-Et toi, tu viens souvent rire et taper du pied dans les églises? Ta place serait peut-être mieux dans…La salle commune par exemple? Du moins, ta présence serait plus appréciée là-bas qu’ici.

Elle ne me dérangeait pas personnellement, il est maintenant trop tard pour m’endormir…C’est pour lui faire passer le message que je pointes les autres prisonniers présents du doigt. Bien qu’ils se sont décidés à tenter de nous ignorer, je sais bien que notre façon de papoter ici les perturbe. Et là seule raison pour laquelle l’un d’entre eux ne s’est pas encore lever pour nous mettre des baffes, c’est que grâce aux croix ici présent, ce grand placard est maintenant devenu un lieu sacré.

Je souris de plus belle devant l'air blasé et la franchise de la mort. En fait si, je pensais qu'elle le ferait. La plupart du temps les gens ne posent des questions que parce qu'ils veulent qu'on la leur renvoie. Quelle importance ce que j'ai fait non ? Je ne vais pas leur dire que je fais des faux, j'ai besoin de cette carte pour sortir. Quand a Mekthoub, je ne me sens pas du tout coupable. C'était un accident. Il n'avait cas pas se droguer. D'ailleurs vous remarquerez que les dealers (les vrais, ceux qui font ca pour le plaisir, hein, pas les sous fifre qui veulent juste un peu de fric) ne touchent jamais à leur merde. Je me décide tout de même a dévoiler une partie de ma vérité.

"J'ai eu une aventure avec le fils d'un type important alors quand il a clamsé a cause d'un bad trip, on m'a inclue dans le lot, c'était plus facile et ça évitait qu'il me vienne a l'esprit de les faire chanter."

J'ai dit ca exactement sur le même ton que l'histoire du shah d'iran. Ce n'est d'ailleurs pas beaucoup plus vrai. On m'a arrêté parce que je contre-faisait des trucs. La mort de Mekthoub a été l'élément déclancheur. Ou alors un crétin m'a vendu. Ou mon père était en disgrâce ? Ma mère avait refusé de se donner a l'ambassadeur ? Mensonges et vérité se contoient dans ma tête, chaque version de mes souvenirs change un peu plus par rapport à la précédente. Je ne sais pas vraiment ce qiu est vrai ou faux et en plus ca m'est égal. De toute façon je sors d'ici bientôt. Oh, je sais bien qu'ils disent tous ça, mais moi c'est vrai. Revenons à l'église.

"C'est ma première fois ma soeur, soyez indulgente avec moi."

Je ris, m'atturant a nouveau les foudres des trois clampins. La vision de la mort en bonne soeur vient de me traverser l'esprit et franchement c'est drôle. Ils sont tous si déprimés ici. Les pauvres.

"Ne tremblez pas coeur fidèle, dieu vous fera signe un jour. Vous trouverez sous son aile, avec la vie éternelle, l'éternité de l'amour."

J'ai chanté. Et ce n'est pas un cantique. Juste la traduction d'une vieille chanson...française je crois. Pas sure. En tout cas ca me paraissait approprié. N'essaye pas de me comprendre la Olümbayan, j'ai une légère surdose d'adrénaline dans le sang depuis deux jours. D'ailleurs je me reprend.

"On peut y aller si tu veux. Ici ou ailleurs, c'est encore pareil pour moi. Mais dit moi Olümbayan, qu'est ce que je dois faire et ne pas faire pour rester en vie ici ? Il s'appelait comment ton hamster ?"

Elle sourit encore, à croire que moi aussi je peux être drôle parfois. Je crois que je n’ai jamais été très penché sur les finesses humoristiques. Pourtant, mes amis d’adolescence me trouvait très amusante. Mais, c’est surtout mon cynisme inattaquable qui les faisait rire.

Elle s’élance dans des explications et réponses fort peu compréhensibles. Hein? Quoi? Oh et puis à quoi bon. Je n’en suis pas tellement intéressé et puis qui me dit que ses paroles reflètent la vérité? Vérité, mensonge…Aucune importance ici, on est tous sous un pied d’égalité. Ah, non, c’est un mensonge. Il y a les gardiens, les prisonniers les plus forts…Et les faibles. La hiérarchie est pareille partout je pense? Sauf que les personnages ne portent pas tous les mêmes noms. Tout ce que je peux penser de son histoire, c’est qu’elle se déclare innocente si j’ai tout compris. Coupable ou non, ça aussi ça n’a aucune importance ici. On est tous derrière les barreaux jusqu’à la mort.

Elle n’est jamais venu ici. Quelle surprise…Sarcastiquement parlant. J’avais déjà deviné la réponse. Elle se met à chanter. Si je serais moins blasée, je l’aurais trouvé incroyablement agaçante. Mais, au fond, elle a quelque chose d’amusant. Le nom de mon hamster, je souris d’un air vague.

-Bof, il serait long d’énumérer les 20 noms qu’il avait, d’ailleurs j’ai bien peur d’en avoir oublié…

20 noms de hamster pour 20 victimes répertoriées par le tribunal, ça me semble bien…

Vérité et mensonge ne veulent rien dire pour moi. On dit que je suis mythomane mais je ne le pense pas. J'aime les histoires c'est tout. J'enjôlive un peu, je me pers dans les détails. Mon gros probleme c'est que j'ai trop d'imagination, rien de plus.

Olumbayan sourit encore et toujours et ca continue a ne pas lui aller. Qu'elle rie de moi si elle le désire, cela ne me déplait pas, au contraire. Avoir une ancienne de trois ans dans sa poche quand on est une petite bleue ca peut toujours être utile. Surtout qu'elle a pas l'air commode et que je parie qu'il n'y a pas grand monde pour la faire chier. J'aime la protection des puissants moi. Je ne suis pas folle contrairement a ce que l'on dit.

Je rit à nouveau à sa réponse sur son hamster. Vingt noms c'est original. J'aurais aimé les connaître mais je n'ose pas poser la question de peur de paraître trop curieuse et puis elle ne m'a pas répondu. Elle n'a répondu a aucune de mes questions en fait. Et comme je suis têtue, je penche la tête façon chaton, et je répète, d'une voix chantante de petite fille :

"Mais dit moi Olümbayan, qu'est ce que je dois faire et ne pas faire pour rester en vie ici ?"

Elle rit à nouveau. Trop de joie. C’est pas bon pour mon karma. Bon, il faut dire que je n’ai jamais cru à ce genre de chose. Je ne crois pas au destin, à la chance, aux miroirs brisés ni en Dieu. Ni en Allah. Ni Shiva. Ni Zeus. Odin. Osiris. Je ne crois en rien pas même au néant.

Je soupire. Mélancolie? Non. J’ai l’impression que ce genre de sentiment ne m’atteint plus. La prison m’a enlevé bien plus d’humanité que mes meurtres. C’est la prison qui m’a porté le coup fatal. Le meurtre, ce n’était qu’un jeu. Égocentrique et cruel, oui, mais un jeu.

Qu’est-ce qu’elle doit faire pour survivre? Perplexité. Elle n’avait, jusqu’à maintenant, pas l’air de s’en préoccuper. Elle le cache bien en tout cas si cette question lui ronge les os. Comment est-ce qu’on survit à Sadismus? On s’entend bien sur le mot survivre…Car on ne vit certainement pas en prison.

-Ici, et ça vaut pour tout le monde, il y aura toujours plus fort que toi. Alors ne joues pas des muscles…Bien sûr, je ne pense pas que ce conseil te concerne, ça c’est plus pour les grandes brutes baraquées.

Je marque une pause et la regarde. Sans aller dans l’humour, je n’ai aucunement envie d’être lourdement sérieuse. En fait, je lui récite plus ses ‘’règles’’ comme si je les avais appris par cœur et que je les citais devant la classe. Mécanique. Automatique. Simplement.

-Donc, plutôt dans ton cas, le mieux serait la discrétion.

On est loin du compte. En tout cas, elle est très mal partie. Elle rit, tape des pieds, parles fort…Si je veux bien la trouver un minimum sympathique, ce ne sera pas le cas de tout le monde. Les gens sont indifférents et cruelles. Ne viens-je pas tout juste de me décrire? Oui, oui mais mon instinct sadique s’est endormi et peut-être ne se réveillera-t-il jamais.

-T’es pas bien avancée.

Je repose mon dos sur le banc, tournant donc la tête à la prisonnière. J’arque un sourcil.

-Au fait, pourquoi tu m’appelles Olümbayan?

Je me doute bien que ça signifie quelque chose, mais quoi? Je n’en ai pas la moindre idée.

Non c'est vrai ca ne m'avance pas du tout. J'ai jamais joué des muscles, je préfere avoir des hommes pour le faire à ma place. Quand a la discrétion, cela dépend de ce qu'on l'on veut dire par là. Je fais du bruit mais qui sait quije suis réellement ? Alors que je l'ignore moi même ? Oui, voila, vous avez comprit.

Elle soupire, je souris. Elle m'a répondu et même si ca ne m'avance pas, ca me fait plaisir. Comprend elle que ma joie et ma "naiveté" (car je n'ai jamais été naive en fait) sont mes meilleures armes contre cette captivité ? Je veux me bruler les ailes a essayer de voler jusqu'au soleil. Ce sont les terriens qui sont prisonniers car même si l'on tombe, on a connu l'ivresse de l'apesenteur. Icare est mon modèle.

Mes yeux répondent aux siens. Regard noir dans une chaleur brune. La mort a de beaux yeux mais elle ne les met pas bien en valeur. Il faudrait retoucher tout ça. Un peu de khol lui agrandirait les yeux, et de l'anti-cerne permettrait un joli contraste. Faut être féminin dans la vie. C'est la seule façon de se trouver un protecteur. Je viens d'un pays ou les hommes sont roi. Le seul moyen pour moi de garder ma liberté est de manipuler les hommes. C'est aussi naturel que de respirer.

Elle repose son dos sur le banc et je vais m'asseoir a coté d'elle. Elle a oublié la salle commune mais les Trois sont partis et nous sommes seuls alors ce n'est pas plus mal. Elle me regarde, lève un sourcil et pose une curieuse question.

"Parce que c'est ton nom. Olümbayan. Le nom qui est inscrit en toi, celui qui vient a l'esprit dès que tu parles. Les noms donnés par les parents ne sont que la projection de ce qu'ils désirent pour toi mais nous avons tous un nom réel. Seulement on ne peut pas le voir soit-même."

Enfantin ? Trop naïf et trop rêveur peut-être ? Décallé à la rigueur. Ou peut-être les trois mais n'empêche. Je n'appelle jamais les gens par leurs noms de baptême (ou équivalent), je trouve toujours un mot dans une langue ou une autre pour les décrire. Mekthoub, Säbel, Olümbayan. Autant de beautés pour toute une vie madame la mort.

"Vas y essaie. Quel mot a ton avis me décrirais ? Peut importe la langue hein, choisit le plus mélodieux, ou le plus facile pour toi. La sonorité du mot est aussi importante que sa signification tu sais."

J'ai bien envie de savoir mon nom mais je ne sais pas si la Mort saura voir le nom des vivants. Et en plus je viens de me rendre compte que mon masque enfantin vient de tomber et que je parle soudain avec un vocabulaire bien plus riche que d'habitude. Tant pis, ce visage là n'est pas plus véritable que l'autre.

Les pécheurs nous quittent les uns après les autres, se levant de leurs bancs et faisant claquer la porte de la pièce dans un écho. Elle vient s’asseoir sagement à mes côtés et ce sans causer une catastrophe naturelle, ce qui va sans dire est sans doute un exploit de sa part. Je suis sûre que chacun de ses pas, chacune de ses gaffes et chacun de ses sourires sont les causes de terribles catastrophes. Je pense même qu’elle pourrait être l’exemple type prouvant la théorie de chaos. Petite et chétive mais bon sang, quel rire. Un rire à créer un ouragan, un tremblement de terre en Afrique. Selon cette théorie, le battement d’ailes d’un papillon à un point A pourrait causer une tornade à un point B.

Je cesse de me laisser aller dans ses idées quand elle prend la parole. Je suis Olümbayan. Pourquoi serais-je cela? Elle ne l’explique pas clairement, elle ne me donne pas la signification. Mais, il me représente. Je ne sais pas pourquoi mais je la laisse continuer de parler. Elle s’élance dans une courte explication sur les noms. Mon père, vieux philosophe, pensait la même chose. Mais, au même titre qu’un prénom ne peut te représenter, je n’ai jamais pensé que l’on pouvait définir quelqu’un par un mot ou deux. Ce serait trop simple, trop facile.

Elle me demande de lui trouver un nom.

-Parce qu’on ne t’en a jamais donné un?

Un nom pour elle. À force de réfléchir lentement, je me désintéresse déjà du sujet pour retourner à cette théorie du chaos. Je l’ai étudié il y a très longtemps. Un papillon peut causer une tornade, hein? Spontanément, je lâche :

-Miss Butterfly?

Elle ne comprend peut-être pas. De toute façon, je ne comprends plus la signification de mon nom. Ça n’a pas la moindre importance. Malgré son sérieux, je continue de voir ça plus comme un jeu qu’autre chose. Peut-être que je n’y accorde pas d’importance parce que je n’y crois pas.

Il n’y a pas de peut-être, c’est ça.

Je ne lui demande pas la signification d’Olümbayan bien que la curiosité occupe l’espace libre de ma cervelle. Olümbayan, je murmure…Comme la signification viendrait d’elle-même. Je n’ai jamais été doué pour apprendre des langues, je détestais ces cours.

[désolée j'étais persuadée d'avoir répondu déjà - je vais clore le topic, jespère que ca ne t'ennuie pas. Contente d'avoir joué avec toi ]

Contrairement à ce que l'on pourrait croire je suis loin d'être maladroite et impulsive mais j'aime donner cette image. Vrai, faux, théatre et réalité se mélangent pour les autres comme pour moi-même. Je vais, je viens, je vire, je tourne, bref je vis. Plus on veut m'étouffer, plus je respire. Plus on m'impose de tristesse, plus je vais rire. Je n'ai jamais aimé les règles et les lois. C'est sans doute ce qui m'a conduit ici finalement. Je suis coupable mais je reste innocente. N'essayez pas de saisir les contradictions, je les cultive rien que pour vous tenter.

Bref, pour faire plaisir à la mort, je me calme un peu et vient me mettre silencieusement a ses côtés. Je ne sais pas si ma diatribe sur les noms l'a convaincue. Je ne sais même déjà plus si j'y croyais vraiment mais l'idée de la laisser me nommer me fait bien plaisir. Je sais que quoiqu'elle dise, ca m'apprendra quelque chose. Sur elle, sur moi, sur ce nouveau monde dont je dois comprendre les règles pour mieux les contourner.

-Parce qu’on ne t’en a jamais donné un?

Un silence impatient

-Miss Butterfly?

Oh oui, j'aime ! Et ma joie est telle que je ne peux m'empêcher de battre des mains comme la gamine que je fais semblant d'être et je réfléchis a une réponse un peu idiote mais pas trop.

" Miss Butterfly ! Kelebek chez moi. J'aime beaucoup, merci."

Je me lève et avant qu'elle n'ai le temps de réagir, lui vole un petit bisou tout léger sur la joue. J'aime jouer avec la mort. Aussi curieux que cela puisse paraitre, je crois que je l'aime bien la mort. Quand je me serais échappée je trouverais le moyen de lui écrire un petit mot. Voire, peut-être, fasifier un ordre pour la relacher. Il y a encore des hamster en liberté voyez vous !
Mais pour le moment je m'envole, je saute par dessus le banc, court dans l'allée et m'enfuit en riant, toujours à fond dans mon jeu de gamine sans cervelle. J'espère que les caméras planquées dans l'église n'ont rien manqué de mon petit jeu. C'est Toi mon ennemi Voyeur. Je vais t'entraîner vers des fonds dont tu n'as encore aucune idée. Profite de pouvoir te rincer l'oeil tant que tu vois encore.