Closer to God.

Le monde était paisible, calme, magnifique. Je précise bien le était, car soudain, au milieu de ce royaume doux, un drame se produisit, sous la forme d'un tas d'eau glacée me tombant sur la gueule. Aïe j'ai mal, et bien sur je traduit ça en parole.

- AAAAAAAAAAH ! Méssékoicebordel ?

Je me replie et me roule en boule pour me rendormir, mais il fait décidément trop froid d'un coup, et c'est douloureux sur les parties exposées toute cette eau glacée. Puis bien sur j'ai eu la finesse de pas remettre mon futal, j'vous raconte pas les dégâts... Je me redresse quand même pour trouver le coupable, et c'est malheureusement Silence, qui me lâche une petite remarque cynique au passage. Blessé dans mon amour propre et totalement claqué, je me re-roule en boule en tremblant. Dormir... Dessaouler... Mes deux uniques désirs en ces instants douloureux. Je l'entends partir, et là, j'me dit que je peux me lever et faire comme il a dit, prendre une douche. Allez, testons la position verticale, c'est dur, ça tourne, mais c'est viable. Super moi j'dit. Donc, remettre son futal et trouver des fringues propre dans ce merdier, et de préférence pas trop couvertes de substances douteuses, qui pue pas la bite, et que j'ai pas vomit dessus. Laborieuse recherche donc, y a plus qu'à foutre ça, ça, ça aussi, et puis ça au sale. Je trouve quelques survivant sous le lit, qui étaient tombés quand je suis tombé dessus sans doute. M'en fout que ça sois froissé, du moment que c'est propre. Donc, allez, on va dans la douche. Puis là, je tombe sur la console de l'autre glandu, après un rapide examen, je constate que le jeu qui est dedans, c'est pokémon. Je connais, un peu, suffisamment pour effacer sa sauvegarde en fait. J'l'embarque au cas ou j'le croiserai dans les douche, et je sort, mais ensuite il reste un problème.

C'est où ?

J'explore le coin, passe devant des chambres, y a des noms bizarre, style Pythagoras de la Flaam,ce genre de truc, c'est pompeux au possible, j'imagine un nain binoclard boutonneux qui connaîtrais par cœur le code de bonne conduite de sa grand mère. Puis puceaux aussi. Enfin je me demande si baiser c'est mieux, vu l'état où je suis. M'enfin, c'était marrant... La veille... Sur le coup... Puis là maintenant je suis couvert de dégueulis et mouillé avec une grosse gueule de bois. Un petit sentiment d'abandon aussi, tout petit, ça prend pas de place puis ça se porte bien ce genre de chose, et c'est triste à dire, mais j'ai l'habitude.
En marchant, je croise une nana qui me regarde avec de grand yeux, comme si elle avait vu un mec qui viens de nettoyer ses chiottes avec son corps. Je plisse un peu les yeux dans sa direction.

- Qu'est ce que t'as la moche ? Mal baisé c'est ça ? Hein hein ?

Elle se détourne et accélère le pas, génial, je domine psychologiquement les petites nanas timides, j'en suis tout remonté de l'intérieur que même bio pourra rien que même si y a du bifidus actif dedans. C'est balot hein ? En fait ce qui me fais chier c'est que je me traine jusqu'au douche alors que j'ai qu'une seule envie : Dormir. M'enfin, j'ai trouvé les douches, et je chope une serviette pour me diriger d'un pas hésitant vers une cabine... Non en fait y en a pas, c'est des putains de douches communes à la con. Puis l'autre gogo est dedans. J'me dessape, parce que de toute manière j'ai besoin d'une douche d'une et de deux c'est pas maintenant que je vais faire Madame Pudeur. Merde attends ça c'est pas un des second prénom de Hope en fait ?

- Ouais j't'ai raporté ton jouet au fait...

Là dessus je le fixe avec les yeux vitreux et vagues d'un mec qui a trop bu et qui commence à s'en remettre puis j'ouvre l'eau. Parce que je suis sale, et pas seulement du dehors.

Sur le coup, je trouvais ça étonnant que les « salles de bain » des employés ne soient que des douches collectives assez semblables à celles des taulards – à peine mieux branlées. J’ai appris assez vite qu’il existe dans les bâtiments de vraies salles de bains, qui sont " cachées " et qu’il faut trouver si on veut un peu d’intimité. Là, j’ai bien envie d’un peu d’intimité mais j’ai la flemme de me mettre à la recherche d’un de ces fameuses salles de bains cachées… Alors on va faire sans. De toute manière, à cette heure-ci il doit y avoir personne, donc j’aurais toutes les douches pour moi tout seul. C’est effectivement ce qu’il se passe : quand j’arrive avec une serviette blanche fournie par Sadismus corporation, je suis absolument seul, et ça me va très bien.
Je me dessape rapidement – de nouveau – en constatant que mes fringues sont bonnes à envoyer au sale : il a foutu des traces dessus aussi. Ptain, j’te jure… Je les lâche en tas par terre dans un endroit qui restera à l’abri de la flotte – enfin j’espère – et me dirige vers une des douches, frappant le bouton qui ouvre l’eau d’un geste vif. Quelques minutes plus tard, me voilà la tête joyeusement sous le jet, yeux fermés. Je prends un shampoing – lisant sans grand intérêt sur l’étiquette qu’il est hydratant, anti-pelliculaire, avec effet volume, avec effet lissant, avec programme de réparation pour cheveux secs, et – dernier truc listé mais non le moindre – il fait briller. Sur l’étiquette, ils appellent ça du gloss éblouissant. Je fais couler dans ma paume de main un peu du gel nacré, le regardant d’un œil méfiant : avec tout ça il explose pas le bidule ? …
Bon ça a pas l’air d’être une substance dangereuse, alors je crois que je peux m’en servir. Donc je mets une généreuse rasade ( enfin une très généreuse, je suis le genre de type à vider les flacons de gel douche et de shampoing en une seule douche moi ) de Super Shampoing sur mes cheveux, et je fais mousser avec une certaine énergie. Quand j’en suis arrivé au rinçage, Charity se ramène, l’air un peu pitoyable. Je sais pas ce qu’il y avait dans cette flotte mais c’était certainement pas net du tout. Ca n’aurait tenu qu’à moi je l’aurais ignoré mais il se ramène vers moi en déclarant qu’il a retrouvé quelque chose à moi… Froncement de sourcils. Ah ! Oui ma Nintendo DS que j’ai oubliée sous son oreiller. Je fais un léger sourire qui paraît cordial et déclare :

« Ah c’est gentil, je la récupère après ma douche. »

Certes je suis toujours un peu trop détaché quand on sait qu’il y a relativement peu de temps, j’ai couché avec ce type. Mais j’vais vous dire, c’est pas parce que je me suis fait sauter par lui que je le connais mieux, hm. Charity se dirige vers la seule douche de toute la salle qui n’envoie que de l’eau froide, et je le regarde faire avec un sourire amusé en coin, sans le prévenir. Je sais, j’ai des amusements cruels. Finalement je dois pas être si salaud que ça, parce que juste avant qu’il appuie sur le bouton, je l’appelle :

« Hé Charity, tu devrais éviter cette douche-là… Elle a pas d’eau chaude. »

Sur ce, j’me penche, j’attrape du gel douche et en regarde l’étiquette. Gel-douche hydratant nourrissant, à la fleur de vanille et à l’angélique. Chouette, j’vais sentir comme une gonzesse. En plus, il est rose le gel – je constate ça après en avoir versé une rasade dans ma main. Bon bah… Quand faut y aller faut y aller mon petit Silence. Effectivement, la mousse sent bien la gonzesse, j’suis pas déçu là.
Youhou.

J'adore ce genre de mec qui s'en foutent quoi, ça m'étonne toujours. A coté, moi, Charity Raven, je suis le gars le plus romantique et le plus attentionné de la terre, parce que moi, si j'avais été à sa place, je me serais apporté une bassine et de l'eau, puis je me serais porté ailleurs. Puis en passant je me serais pas balancé de l'eau froide sur la gueule, enfin moi, j'dis ça, j'dis rien hein. J'arrive pas à déterminer si c'est du cynisme, du je m'en foutisme, ou juste du sadisme en fait. Genre j'me fais enculé, mais j'te rend bien la pareil après, ou alors je souffre du syndrome que je sais plus comment ça s'appelle, mais où j'en redemande et je me sens crade après. J'en sais rien, vas savoir hein..

- Hé Charity, tu devrais éviter cette douche-là… Elle a pas d’eau chaude.

Ah bon ? Oh c'est gentil merci d'avoir penser à moi. Je change de douche et je chope un gel et un shampoing au passage. J'ai commencé à utiliser ce genre de produit quand mes cheveux on poussé, parce qu'avant c'est limite si j'utilisais pas du liquide vaisselle. Enfin bref, je vais pas me lancer dans un monologue sur les savons, parce que d'une ça serais le comble du pitoyable, et de deux j'ai autre chose à foutre. Je me décrasse donc joyeusement le scalp en ... Silence. ( Ahahahaha ! ... Genre.... ) Je sais pas trop quoi dire en fait, la situation est assez innovante pour moi. Je lui tourne pudiquement le dos, exibant ainsi mon « magnifique » tatouage, représentant des ailes rouges et noires, que j'ai eu la bêtise de me faire faire dans mes jeunes années. Voilà un dos salopé en plus dans ce bas monde, quoique... Est ce jolie ? Je le pensais, ce n'est plus le cas. Blasé maintenant je suis, malheureusement.

- Pourquoi ?

Pourquoi quoi ? Ben j'en sais rien. Pourquoi c'est tout. Qu'est ce qui motive ses actes ? Petite question à la con, lancée comme ça dans les cieux. Pourquoi t'as couché avec moi ? Pourquoi cet air détaché ? Pourquoi tu t'épiles les couilles ? Pourquoi t'as pris Salamèche en début de jeu alors que Carapuce est carrèment meilleur ? Tout ça, tout ce genre de truc, ce qui font que les gens sont chiants et incompréhensible à mes yeux. Je suis poète aujourd'hui tiens, j'ai que ça à foutre, puis en plus de ça y a un connard qui m'a balancé du gravier dans les orbites. Gueule de bois.

- Merde 'tain j'suis dans l'brouillard... Euh... J'ai bu combien ?

J'essaye de zapper ma phrase précédente, histoire de cacher ma connerie. Ou le fait que je suis vraiment pas réveillé et que je parle à voix haute, au choix. Nan mais c'est vrai quoi ! Putain je bois plus jamais de ma vie, c'est décidé.

[ 'taiiiiiiiiiiiiiiiiiin j'ai la raaaaage ! TT ]

/HJ : Mais pourquoi donc mon cœur ? /HJ

J’aurais bien aimé avoir la tête sous l’eau et ne rien entendre quand il me pose cette simple question, qui ne doit pas en être vraiment une au final, parce que ce n’est qu’un mot. Malheureusement « tu ne dois pas te mettre à découvert trop longtemps, quelques secondes d’inattention et ça peut très mal tourner » et toutes ces conneries dont on m’a bourré le crâne et dont je suis maintenant persuadé… Et donc j’entends sa putain de question. Pourquoi. Pourquoi quoi, bordel ? Bon je m’imagine assez ce qu’il entend par là.
J’peux pas t’expliquer. C’est comme ça, c’est tout, et c’est mieux, crois-moi Charity. J’incline la tête sur le côté, faisant glisser la mousse vanillée dans mon cou, et hausse des épaules.

« J’en sais rien. C’est mieux comme ça. »

Réponse très brillante du docteur Silence, merci à lui de son intervention et à plus pour une nouvelle intervention. La prochaine fois les enfants, il vous apprend à disséquer une grenouille. Je passe ma main dans mes cheveux mouillés et rêches, et frappe à nouveau le bouton quand l’eau cesse de couler. Rageusement. Pourquoi, pourquoi… Mais putain j’en sais rien ! J’aurais peut-être préféré être un mec normal, va savoir ! Comme tout le monde j’aurais détesté mon adolescence, j’aurais haï mes parents, j’aurais pété un câble pour les caps de la trentaine, de la quarantaine et de la cinquantaine. Ou alors j’serais mort dans un accident de voiture en rentrant de boîte complètement bourré et défoncé à 18 ans. J’en sais rien. Je sais pas si j’ai envie de savoir – de toutes manières c’est pas possible.
Je déteste ce mec de poser ce genre de questions, sérieusement.
Du coup, je lui jette un regard plus que froid – polaire – à lui et à son tatouage de merde, et crache avec une sorte de rage haineuse :

« Tu t’es tapé environ la moitié de la bouteille, et c’est bien fait que t’aies la gueule de bois. T’avais qu’à acheter un whisky moins mauvais. »

Sur ce, j’ai fini de me doucher, et je retourne vers ma serviette, me sèche sommairement les jambes, les bras, et la nuque et me drape dedans avec ce qu’il me reste de dignité. C’est à dire pas énormément. Je déteste cette sensation – et je force à croire que c’est uniquement parce qu’elle réduit mes capacités et ma détermination d’assassin professionnel.
Je refous la main sur Stigmate, je le dessoude proprement, et je me casse d’ici. Je hais ma vie, décidément. J’aime pas passer pour un salaud. J’en suis pas un, bordel ! Du coup, je m’approche de Charity – en évitant l’eau – et serre les lèvres quelques secondes avant de parler. C’est pas vraiment mûrement réfléchi, c’est juste des paroles censées me disculper. Je me sens mal, je suis sur la défensive, et lui il a l’air de m’accuser. Non mais quel connard, franchement !

« Y’a pas de victime dans l’histoire, Charity. » Bon si. Y'a moi, un peu. Mais je m'obstine à l'ignorer. « On est des adultes responsables, c’était sympa, c’est tout. Ok ? »

Mais pourquoi j’attends son approbation ? … Bordel, je me hais.