Wait & see ( Pv : Pyth aka TRER )

Aujourd’hui, je me suis résigné à porter l’uniforme de la prison ; j’me suis entêté à continuer à mettre mon jeans pendant sept jours, mais… comment dire… sans braguette valable, un jeans perd pas mal de son intérêt. Et puis comme je portais déjà le haut d’uniforme – grâce à Tignasse Rouge en Rut, comme je l’ai joliment surnommé depuis – je me suis dit que mon ego allait se remettre du port de l’uniforme. Difficilement, mais je vais survivre.
Et pour le moment, c’est l’heure du « repas » et je suis en train d’évaluer avec une bonne dose de curiosité le contenu de mon assiette. J’ai comme l’impression qu’ils ne savent pas ce qui est comestible ou pas, dans la région… Je m’empare de ma fourchette, et pousse du bout de ses dents un bout de chose gluante et grisâtre qui surnage dans la purée liquide. Enfin, je dis purée, je m’avance beaucoup sur ce coup-là… Truc liquide jaune pisseux serait plus juste, et encore je suis gentil sur la couleur. Sérieusement.
Non, aujourd’hui encore, régime sec pour moi. Non merci les gars, j’préfère encore jeûner que de bouffer ça. Mon voisin de droite – que j’ai jamais croisé – me conseille de bouffer.

« Je t’emmerde, ok ? C’est ma vie. »

Oui je suis d’une humeur somptueuse aujourd’hui. Depuis mon entrevue avec TRER – mais si, Tignasse Rouge en Rut ! – ma lèvre inférieure a eu le temps de désenfler. Par contre, j’ai toujours foutrement mal au poignet, mes cheveux me font mal tellement il a tiré dessus, j’ai un bleu de taille tout simplement monstrueuse sur la hanche, et une jolie marque de dents violette s’étend sur mon cou. En fait, c’est tellement énorme, comme marque, que personne ne pense que c’est réellement une morsure – ils doivent s’imaginer que j’ai la peste, quelque chose de ce genre. Enfin bref, je souffre à cause de cet abruti – et non je ne suis pas allé à l’infirmerie, manquerait plus que ça. Moi, aller me faire soigner. Hahaha.
Bordel, ça fait seulement une semaine que je suis là, et je m’ennuie déjà à mourir. Sans vouloir paraître élitiste, tous les autres détenus m’ont l’air foutrement cons – le genre à se foutre des doigts dans le nez quand vous leur demandez l’heure, voyez ? Non ok, j’exagère peut-être, mais je vais sûrement crever d’emmerdement avant la fin de ma peine, moi… Je lance un regard blasé autour de moi, épaules basses. Je rêve pas, ils sont tous en train de bouffer ce truc immonde… Pour le moment, je préfère mincir que de m’empoisonner. Jeo fait d’la résistance, yeah.

Y’a des choses qui se passent dans cette prison qui sont pas banales, j’vous le dis moi. Par exemple, tout le monde était en train de bouffer en parlant plus ou moins aimablement – j’veux dire, okay on est pas une colonie de vacances et on a deux trois tarés qui feraient bien d’aller se faire pendre ailleurs pour la tranquillité de mon esprit. Mais bon, ça reste à peu près cohabitable, à l’heure de la bouffe, tout le monde mange dans son coin, se regarde un peu de travers, et les moins atteints arrivent à communiquer comme des gens normaux ( « tu me passes le pain, s’te plaît ? » ). Et comme je suis un mec intelligent, j’ai repéré lesdits moins atteints parmi les prisonniers, et je vais manger au milieu d’eux – enfin, manger quand ils ont décidé de servir autre chose que des trucs pas comestibles, bien sûr. J’vais pas squatter le coin serial killer pour bouffer, non sérieux… Mais là, mes petits camarades qui échangeaient tranquillement se tassent tous sur leur chaise, font le dos rond, et baissent le regard rapidement vers leur assiette.
Je sens venir l’arnaque. Et alors que j’allais me retourner pour vérifier qui a l’air de faire tant peur à tout le monde, je sens une présence dans mon dos, penchée sur moi, des lèvres pas loin de mon oreille, et je bloque sur les longues mèches rouges qui pendent pas loin devant moi. Jouons. J’ai une envie folle, démesurée et complètement irrationnelle de saisir la mèche et de tirer dessus – ce que je ne fais pas.
TRER, le retour de la vengeance. Je déglutis calmement écoutant ses… consignes. Ouais, il a l’air foutrement sûr de lui… Ca ne lui est pas venu à l’esprit, que je puisse dire « non merci » et me barrer ? Voire me retourner pour lui foutre un pain ? … J’ai comme dans l’idée que ce serait la mauvaise idée de l’année ça.
J’ai un petit mouvement de recul involontaire quand je sens sa main sur ma hanche, pile à l’endroit où s’étale un magnifique hématome qui tourne lentement au violet, souvenir de lui-même. Heureusement, sa pression est infime, et je ne dégage pas la main d’un geste brusque.
Ma petite fierté me dicte bien de l’envoyer chier, de lui foutre un pain, ou de juste me barrer. Mais la raison, elle, beaucoup plus utile à ma survie, me souffle qu’il vaudrait mieux d’abord obéir et aviser ensuite. Nul doute que ce mec n’aurait aucun scrupule à me casser la gueule en public juste parce que je ne fais pas ce qu’il me dit… Fierté – 0 ; Raison – 1.

Et après avoir poussé un court soupir – histoire de traduire mon agacement croissant quand même, merde – je me lève lentement, et me dirige vers les cuisines comme si tout était normal. Je sens les regards posés sur moi – mais hm, comment dire… Je m’en fous complètement, concentré que je suis sur Tignasse Rouge. Alors celui-là, je crois qu’il s’est estimé vainqueur un tout petit peu trop vite et qu’il va le regretter.
Ouais physiquement je fais pas le poids contre lui – j’veux dire, objectivement, je fais vingt centimètres et vingt kilos en moins que lui mais… Ca va pas m’empêcher de le provoquer. Faire face à des mecs beaucoup plus forts que moi, ça m’a jamais effrayé, et c’est pas maintenant que ça va commencer, surtout pas avec lui. Il serait capable d’en profiter, ce con.
« Considère que tu as le droit d’y aller ? » … Mais va te faire foutre, mec, tu crois vraiment que ce genre de détails m’arrête ?
Bon non, je vais pas mentir, la perspective de jouer avec Tignasse Rouge a un peu arrangé mon humeur dégueulasse ; mis à part sa condescendance et son arrogance, c’est un très bon compagnon de jeu. Pas habitué à ce qu’on fasse sa mauvaise tête quand il donne ses ordres – j’en ai fait les frais – mais très amusant dans son genre, tout de même.
Je pousse la porte de droite des cuisines, m’avançant un peu – je fais exprès d’avancer plus que de deux pas, et de prendre un air désintéressé. J’ai pas envie d’avoir l’air de n’attendre qu’il me baise, manquerait plus que ça… Donc je visite un peu, l’air désintéressé, les cheveux détachés et lisses tombant sur les épaules. Le voilà qui entre aussi, et je relève le regard vers lui, effrontément et délibérément lentement. Ouais, il m’a commandé de ne pas le regarder, et je suis en train de fixer ses yeux – mécontents les yeux, ouh oui il est pas content que je lui fasse encore de la résistance… Je lui fait un sourire de traviole – le plus fouteur de gueule de toute ma gamme, ouais – et hausse légèrement des épaules.

« Tu croyais quoi, sérieusement ? »

Une façon tordue de faire passer le message suivant : « Mec, ma vie a pas commencé le jour où t’as décidé de me baiser dans la salle de muscu. J’ai eu une vie avant et si ça recommence pas, ça va pas m’empêcher de dormir. » Je suis pas son putain de sex toy, même s’il se plaît à le croire et à l’espérer. Et tiens d’ailleurs, quand il s’approche de moi, je lui envoie un pain dans la gueule, le poing droit en plein sur la mâchoire.
Montre-moi un peu pourquoi tu t'estimes aussi génial, pour voir, rien que pour voir.

Je ne peux pas vraiment jouer aux ingénus étonnés de ce qui lui arrive : je savais que ma tentative de coup était désespérée, et qu’il allait sûrement la contrecarrer le plus facilement du monde, en faisant un pas en arrière, ou quoi que ce soit d’autre. J’avais pas vraiment prévu qu’il arrête carrément mon poing, et me bloque le bras dans le dos cela dit. Sentant la pression sur mon épaule, je laisse échapper un gémissement de douleur en me penchant en avant pour effacer la sensation dans mon articulation, qui tire beaucoup trop pour que ce soit normal.
Ne me démets pas l’épaule s’il te plaît.
Pas loin de mon oreille, il confirme qu’il n’a pas envie de faire ça – non plutôt que ça l’ennuierait que je me démette l’épaule tout seul en me débattant. Façon de parler, je suis persuadé qu’il s’en fout complètement, de l’état de mon épaule… Je le sens énervé dans mon dos, alors qu’il me pousse jusqu’aux portes, et je me crispe un peu plus contre lui, sans essayer de résister pour autant. Il a une idée foireuse derrière la tête, c’est sûr… Je regarde les détenus à travers la vitre, les quelques gardiens visibles… Mon esprit affolé se demande pendant deux secondes pourquoi ils ne bougent pas, mais j’ai pas le temps d’approfondir la question, parce que Tignasse Rouge parle, me déconcentrant du sujet.
Je grince des dents, à peu près aussi coopératif qu’un chat sauvage énervé. Il me fait mal, il me fait peur, et je suis pas encore excité. J’voudrais avoir refusé de le suivre.

« Évidemment que j’ai déjà fait. »

Pas avec un mec, mais j’ai déjà fait. Et l’idée de me « faire prendre » comme dit si bien TRER devant mes petits camarades détenus et même quelques gardiens ne me séduit absolument pas. Vraiment, mais alors vraiment pas. J’ai pas envie de passer sous tout ce que la prison compte de mecs couillus plus grands et costauds que moi, tout ça parce que Tignasse Rouge a envie de pimenter sa vie sexuelle… Ma réticence est très visible d’ailleurs, parce que j’appuie ma main libre contre la porte, pas pour tenter de reculer – une idée ridicule quand on sait qu’il y a deux mètres de muscles derrière moi.
Juste pour lui montrer que non, pas trop.
Je me cambre brutalement, laissant échapper dans un murmure qui a juste un peu trop des allures de supplication :

« Non pas la hanche ! »

Finalement, c’était pas tout à fait le point qui l’intéressait, et il me caresse plutôt doucement. Dans mon dos, je sens qu’il lâche ma main, et je l’appuie sur la porte aussi avec un soulagement évident. La simple menace qu’il me fasse encore mal m’a fait réalisé combien il m’a déjà amoché – et combien je ne veux pas que ça recommence tout de suite. Je me redresse en plaquant mon dos contre son torse.
De toute manière, j’ai déjà pu comprendre que c’est pas vraiment la peine de lui résister ou de chercher à lui opposer des arguments… Quand il veut, il prend, selon ce qu’il m’a déjà dit. Désagréable ? … Non, pas sur le coup. Après par contre… Ca vaut le coup de baiser avec toi, mais pas tous les deux jours.
Je sens ses lèvres sur la superbe trace de dents qu’il m’a laissée dans le cou, et frissonne un peu, yeux demi-fermés. Les mèches rouges se glissent dans le col de mon uniforme, et me font aussi connement frissonner… Je le sens se redresser un peu et il demande si c’est lui l’auteur de la morsure… Il se fout de moi ? Je réponds à voix basse, sans tourner le visage vers lui – faut avouer que mon cou est une de mes principales zones érogènes…

« Ouais, c’est toi. »

Et pour la hanche aussi, c’est toi. J’étire un peu le cou pour lui laisser plus de champ libre, les baisers et la main dans mon froc me font clairement réagir… J’ai toujours pas trop envie de le faire devant d’autres, mais je ne l’exprimerais pas ouvertement – qu’il reste doux, ça me va très bien.
Ma petite fierté s’est exprimée, il a dû saisir le message, je ne ferais rien de plus pour ne pas l’énerver… Pas envie de brutalités aujourd’hui, pas envie d’extravagances non plus comme le faire en public… Une bouffée de stress monte dans ma poitrine, et je me crispe à nouveau contre Tignasse Rouge sans le vouloir en croisant les regards des autres. Bordel bordel bordel… Mais il a vraiment des idées à la con par moments !
Je tente de calmer mon rythme cardiaque beaucoup trop élevé, me collant un peu plus contre l’excité dans mon dos, prenant une longue inspiration. Okay. Okaaaaaaaaaay. Je veux bien essayer, mais si tu veux qu’on soit deux à prendre notre pied, va falloir y mettre une grosse dose de persuasion, TRER.
Je ferme les yeux, me laissant plus ou moins aller.

Ses lèvres dans mon cou, putain. Limite sur la marque de dents c’est le meilleur, et j’étire lentement et soigneusement la nuque pour qu’il ait plus de place pour embrasser la peau sensible. J’ai les yeux demi-fermés, les lèvres légèrement entrouvertes – et j’ai presque oublié qu’il y a pas mal de gars qui me regardent avec curiosité, ou en se foutant de ma gueule. Hum quoi ? Désolé ? … Mais si les marques sont douloureuses, elles n’en sont que plus précieuses, TRER… Je le dirais jamais parce que j’ai bien trop d’orgueil pour ça, mais j’ai adoré quand tu m’a mordu dans le cou, tu sais… Faut pas t’excuser de me faire des choses que j’aime, même si ça laisse des traces impressionnantes.
Mais je sais aussi parfaitement que je suis rassuré de voir qu’il en est désolé, parce que ça indique qu’il n’est pas bêtement et aveuglément cogneur, qu’il fait un minimum attention. Que je suis pas un putain d’objet qu’on enfile quand on veut – et qu’on peut frapper, pas de soucis il est solide, et puis il aime ça.
Les lèvres reviennent, et je lève le visage, fermant totalement les yeux, laissant échapper un halètement. Comment il sait que le cou me fait un effet aussi fort ? C’est fatal, imparable pour bloquer mes mouvements. C’est mon bouton off, tout simplement. Evidemment, je reste toujours qu’à moitié inspiré par son idée de sexe en public, et je reste un peu sur la réserve, enthousiasme douché par les regards qui se posent sur moi. Parce qu’en plus c’est moi qu’ils voient, bordel.
J’ai l’impression que mes pieds reprennent contact avec le sol alors qu’il décolle ses lèvres de la peau de mon cou, et que sa main ralentit son mouvement sur mon sexe. Hum ? Ah oui, j’ai été accusé de viol, c’est vrai… Même pas essayé de me défendre sur ce coup-là, c’est vrai j’avoue je suis un beau salaud et j’utilise tous les moyens que j’ai à ma disposition pour briser certains mentaux trop forts… Même les plus hideux, ouais, ça me pose pas trop de cas de conscience. La loi du plus fort, manger pour éviter d’être mangé, toutes ces conneries-là quoi.
Il se décale, il s’en va, je crois que je l’ai définitivement refroidi avec ma réticence… J’sais plus trop quoi penser, j’préfère ne plus écouter, juste attendre ce qui va arriver. D’autres amants ? L’idée fait ricaner. Je suis ici depuis une putain de semaine, y’a que lui qui a eu le temps de me choper au vol – et je suis sûr qu’il le sait très bien, s’il se donnait la peine d’être un peu honnête. P’têt qu’il dit ça pour souligner sa jalousie ? Oh j’en sais rien. J’en sais rien du tout, j’suis paumé, j’ai les genoux qui vont lâcher, j’en ai marre. Pourquoi avec lui je me sens toujours aussi… minuscule ? …

Je me redresse aussi, me décale d’un pas, disparaissant du champ de vision des sinistres curieux qui sont présents. J’ai comme une bizarre sensation gluante, celle de l’avoir déçu. Et même si j’ai passé toute la semaine à me dire et à me répéter qu’il ne méritait que ça après la séance dans la salle de muscu, eh bah… J’ai envie de dire que non, désolé de pas avoir assez de cran, tu sais, c’est pas contre toi, c’est juste moi qui manque d’esprit de jeu.
J’incline légèrement la tête sur le côté, silencieux. Mon prénom a un drôle de goût dans sa bouche je trouve, ça fait… bizarre, juste bizarre. Calme, juste tous les deux ? Je ne peux pas nier qu’il y a du soulagement qui vient éteindre le stress dans ma poitrine. Je suis partant pour ce genre de choses TRER, beaucoup plus partant que pour une baise contre une porte vitrée, avec du monde derrière.
Pardon, pardon de n’avoir aucun cran, vraiment…
Je baisse la tête, soupire, écarte une mèche de mes yeux d’un geste lent. Je suis capable de rien, c’est ça l’idée ? C’est pas la faute de ce type aux cheveux rouges, mais d’un coup, je me sens pas très bien. J’aurais limite préféré qu’on continue. On ne m’a jamais trop dit que je ne savais pas ce que je voulais ; habituellement je sais. Mais là… Je perds complètement le contrôle avec ce type, c’en est limite affolant.
Je pivote lentement sur mes talons, relève un regard désolé sur la tignasse rouge, fait un sourire contrit en coin.

« Je sais pas comment je vais réussir à faire ça… Mais je viendrais, tu peux compter sur moi. »

C’est la stricte réalité. Je n’ai aucune idée de comment je vais faire pour éviter de rentrer dans ma cellule ce soir, j’ai aucune idée de comment je vais faire pour y rentrer le lendemain matin, mais… Merde, ça a pas d’importance. J’ai pas besoin de regarder Tignasse Rouge pour sentir d’ici que je l’ai profondément blessé, là. Bravo Jeo, fiasco total. Et pourquoi j’y attache autant d’importance au fait ? … Merde, que ces questions sans réponse aillent se faire foutre !
Je serre les mâchoires, regarde de traviole, incline un peu la tête sur le côté – un peu plus. Et fait l’effort terrible d’avancer vers lui, de m’arrêter juste devant lui, et de relever mes yeux gris vert sur les siens. Non sérieusement, ça a demandé de tirer sur les nerfs.
Je déglutis lentement, le fixant avec le plus grand sérieux du monde pour lâcher dans un souffle, la mâchoire encore un peu contractée.

« T’m’as manqué, t’sais. »

Ouais. J’avais vraiment besoin de le dire, et c’était stupide, je sais. Et maintenant je suis stupidement paralysé en face de lui, avec peu ou prou l’expression d’un noyé. Bordel de merde, Jeopardy, roi des cons.

Je suis un peu mal à l’aise. Je ne sais pas trop quoi penser, peut-être que j’aurais préféré qu’il éclate de rire en se foutant ouvertement de ma gueule d’avoir dit quelque chose d’aussi… C’était sincère, faut me croire. Je baisse les yeux, regardant vers le sol, alors que ses doigts viennent jouer avec une de mes mèches de cheveux. Ouais. J’ai même pas l’appréhension qu’il tire dessus – alors que cinq minutes plus tôt j’aurais été persuadé que c’était son style. T’as l’air d’un mec un peu grossier, TRER, mais j’trouve que t’es foutrement compliqué à comprendre.
Je suis beaucoup plus facile, dans mon genre. C’est simple Tignasse Rouge, concentre-toi… Tu me manques, vraiment, j’ai pas envie de passer pour un putain d’objet soumis à ta volonté. Je suis un humain, comme toi, et c’est beaucoup plus amusant de baiser avec un humain qu’avec un objet – dis-moi, tu feras quoi si t’arrives à me briser ? Je t’amuserais toujours autant, une fois que j’aurais le regard voilé et résigné, et que je ne protesterais plus jamais ? Moi je crois pas. Je suis persuadé que non. Et j’me laisserai pas faire, même si ça t’emmerde.
Il commence à parler de détails techniques, et je me fais la réflexion idiote que c’est vraiment facile de ne pas passer la nuit dans sa cellule, dans cette prison de haute sécurité. Haute sécurité parce qu’elle est trop loin de tout pour pouvoir organiser une évasion, sans doute… Je ferme les yeux, ne disant rien. J’ai pas envie de parler de ça. T’entends pas comme mon putain de cœur bat fort ? J’ai mal… J’ai toujours cette foutue impression gluante, j’arrive pas à m’en débarrasser en me disant « oh et puis c’est pas grave ». Depuis quand c’est devenu aussi important, l’avis de TRER ? …
Je sens sa main qui se pose sur mon visage, et je ne bouge pas, relevant juste un peu les cils pour le regarder. Il a l’air paumé, presque fragilisé. C’est le genre de mecs qui réagit à la souffrance par la violence et en prenant des airs impassibles – ceux qui souffrent le plus, peut-être. Je sais de quoi je parle, je suis exactement pareil, je suis un homme fort. On sort les pec’s, on sourit, on fait comme si de rien n’était. « Même pas mal. »
Foutues conneries. Y’a rien qui est grave, TRER, tu peux essayer de lâcher du lest quand je suis là, tu sais… Je vais pas en profiter. L’idée m’est venue – évidemment que j’y ai pensé, frapper au plus fort au moment où il dévoile ses faiblesses mais… C’pas prouvé qu’il me fasse confiance, déjà. Et puis à le voir comme ça l’envie m’est passée d’un coup.
Ses doigts passent dans mon cou, je frissonne. Dis, tu la sens la boule dans ma gorge ? … Je cille, lentement, esquisse un sourire à l’expression floue.

« Ouais, j’te fais confiance. T’inquiètes pas pour ça. »

Et puis j’aimerais qu’il me croit, parce que je suis sérieux quand je dis ça, putain. Les doigts s’en vont, je relève les yeux sur lui, alors qu’il me dit – non m’ordonne, comme d’habitude – de filer. Je m’estime comme étant quelqu’un de simple, mais apparemment mon fonctionnement est assez opaque aux yeux de ce type-là…
Je lui fais un regard de traviole, et avance encore un peu pour me coller tout contre lui, lèvres non loin de son oreille. Ma voix, c’est qu’un souffle presque inaudible.

« Tu m’as manqué bordel. Manqué. »

Et qui d’autre qu’un drogué tel que moi pour savoir mieux ce qu’est le sens de ce verbe ? Il faut qu’il soit conscient de la sensation que ça donne, le trou dans la poitrine, la bouche pâteuse, le vide… S’il te plaît TRER, essaie de t’imaginer parce que je me sens pas la force de t’expliquer…
Mes mains, entre nos deux corps, cherchent un peu, ouvrent son pantalon. J’aime pas laisser les gens en plan, tu sais TRER… Maintenant qu’on est hors de portée du hublot maudit, je peux très facilement envisager de lui tailler une pipe. J’veux pas qu’il ait le temps de m’empêcher quoi que ce soit – merde, je veux décider aussi parfois c’est pas trop demander quand même – et en quelques secondes, j’ai glissé contre lui, et je laisse errer sur son sexe mon souffle un peu… erratique. Je crois que je me sens mieux, mais je suis pas vraiment très sûr…

Le petit truc gonflant c’est que… Non seulement j’ai pas trop l’air de lui avoir manqué, mais en plus il ne répond rien. Je pense qu’il est plutôt satisfait que je cherche sa présence, mais c’est p’têt tout aussi bien la perspective de se faire sucer qui fait ça… J’occulte toutes ces questions, passant la langue sur son sexe, rabaissant les paupières sur mes yeux. Juste s’occuper de ce que je suis en train de faire, je réfléchirais plus tard, quand j’aurais le temps.
Et non j’attends rien. Je suis peut-être soumis à sa volonté, mais je sais aussi faire preuve d’esprit d’initiative, comme maintenant. Il en crève d’envie, ça se voit très clairement, alors il râle juste pour la forme… N’empêche que j’arrive pas à savoir pourquoi il stresse autant. Ca peut pas être la proximité des autres, puisqu’au contraire il la recherche… Faut avouer que tout s’embrouille un peu dans ma tête, j’arrive plus à réfléchir correctement.
Il serre ses doigts autour des miens, apparemment en quête d’appui. Que je lui donne, puisque je laisse ma main dans la sienne, répondant légèrement à sa pression. Non j’te lâche pas, regarde, j’suis là…
Ouvrant les mâchoires, je prends lentement son sexe en bouche, la langue et le piercing plaqués dessus. Et comme la dernière fois, je m’amuse à laisser traîner mes dents sur la peau, juste histoire de pimenter un peu le rapport. Aujourd’hui, je suis délibérément lent – j’aime bien la façon qu’il a de dire « putain », je trouve ça bizarrement excitant.

En tous cas, il se laisse complètement faire maintenant, et j’en profite pour chercher un peu mieux que la dernière fois les endroits les plus sensibles. On a le temps, cette fois, et puis j’ai envie d’aller jusqu’au bout de la … fellation. Quand on y pense, c’est vraiment un mot horrible – ça traduit pas bien l’acte et les sentiments qui vont avec. Sentiments ? Oulà mon Jeo, on va arrêter de penser, et se concentrer sur l’ami TRER.
C’est amusant, cette volonté qu’il a de rester silencieux… Je mets tout mon habileté à le pousser à émettre des sons – je ne demande même pas qu’il crie, je suis bon prince.
Mes doigts se resserrent sur les siens, et même si c’est carrément pas clair, c’est une sorte de demande. N’interromps pas ça, TRER, laisse-moi finir. Je suis pas un pro de la pipe malgré le piercing, j’suis pas de ceux qui avalent.
Mais tu me donnes envie d’essayer, saleté va.

HJ : Désolé c'est mauvais... /HJ

Il me fait mal aux doigts, avec ses ongles. Je pensais que les mecs de deux mètres de haut étaient du genre à avoir les ongles courts… Ou alors, il a des ongles courts, et il me serre tellement les doigts qu’il arrive à me faire mal quand même – ce qui signifie que ce que je fais lui plaît, sans aucun doute. C’est déjà ça de pris… Il gémit aussi, mais je crois que je n’arriverais pas à faire profiter à tout le réfectoire de ses capacités vocales. Non, il a bien trop de volonté pour que ma petite manigance réussisse. Ah c’est fort dommage, il a une jolie voix, TRER…
Je sens sa main qui vient glisser sur mes cheveux, et il ne les attrape pas à pleine main comme la dernière fois, se contentant de les caresser. Non, je ne vais pas m’arrêter et te planter là comme ça, ce serait vraiment trop cruel…
Je le sens venir – j’veux dire, il est pas vraiment discret. Et même si je suis pas vraiment confortable avec l’idée d’avaler – non mais quelque part, c’est hyper rabaissant, sérieusement – je décide d’essayer, parce que si c’est pas TRER, ça sera sûrement avec personne… Et je suis un garçon curieux, moi. Alors que lui, plaqué contre son mur, se cambre brutalement, et je sens un trait brûlant… Que j’avale vite pour éviter la sensation étrange.
Hum. C’est un peu bizarre… Pas désagréable, mais bizarre.
Il me relève le nez vers lui, et je lui souris en me léchant les lèvres, assez satisfait au final de l’effet produit. Le voilà qui râle pour la forme, et je me marre doucement, avec une expression de sale gamin fier de la connerie qu’il a faite.

« On verra ça plus tard, c’est pas pressé. Bon évidemment, y’aura des intérêts parce que j’vais attendre… »

Ouais j’aime bien taquiner, j’suis comme ça moi… Je me remets debout contre lui alors qu’il s’occupe de ma main – et je remarque en passant qu’effectivement ses ongles m’ont labouré la peau, et que je saigne même… J’m’en étais pas rendu compte, à vrai dire, j’avais même pas mal jusqu’à ce qu’il me le fasse remarquer… J’incline la tête sur le côté, le regardant par en-dessous, lui faisant un léger sourire.

« C’est pas faux. »

Qu’est-ce qu’il veut que je lui dise d’autre ? Ouais, il fait deux mètres, il se contrôle difficilement une fois qu’il est à fond dans le truc, et du coup il laisse de sacrées marques… Y’a qu’à regarder dans mon cou, sur ma hanche droite, et maintenant sur ma main. Pas d’erreur ; je ne me plains pas de cet état de fait. Mais je ne peux pas contredire sa constatation…
Je souris à ses promesses de débauche ce soir. Ouais, ce soir, plus au calme, à deux, à l’horizontale. Je crois que je vais attendre la soirée avec un peu d’impatience dans le ventre moi… Non, pas avec un sourire idiot. J’ai ma petite fierté, quand même, et ça sous-entend ne pas réagir comme une imbécile de gamine de 12 ans. Je le regarde se rhabiller, répond avec amusement à la pelle dispensée, et le salue joyeusement d’un signe de main, un petit sourire aux lèvres.
Sourire qui disparaît bien vite ; à partir de cette seconde même, je suis malade – très très malade. Je repère une de mes coloc’ de cellule – une fille bizarre et très manifestement lesbienne – et va lui murmurer que j’me sens pas bien. Et que je vais passer l’après-midi dans mon lit. Elle acquiesce, et je file rapidement, en simulant une expression inquiète, agitée et nerveuse.
Et comme me l’a conseillé TRER, je vais passer l’après-midi à dormir, et ne me réveiller que pour me casser de la cellule pour cette nuit. P’tain, mais je connais toujours pas son nom, à ce salaud-là ! Lui demanderai ce soir…


HJ : Te laisse recommencer dans la bibliothèque comme prévu =3. / HJ